SOUVENIRS NOIRS
Encore une fois je pleure et j’ai le cœur déchiré. Mes compatriotes, mes amis, mes professeurs, enfin tous, tous ceux qui ont vécu cette terrible arrivée en France et tous ceux et celles qui ont disparus, « ILS SONT SI NOMBREUX »On en a retrouvé, surtout des femmes et des jeunes filles, dans des bordels militaires, livrées à des mères maquerelles impitoyables, des hommes dans des chantiers, affamés et contraints de travailler, de soulever des rocs jusqu’à la mort d’épuisement et de faim et de soif, ou, aussi des cadavres vidés de leur sang pour transfuser des blessés arabes, non pas arabes, musulmans. C’est que toutes ces horreurs ont été commises au nom de l’islam.
Après cela qui osent me demander pitié pour des algériens, tunisiens ou marocains.
J’avais 30 ans et trois enfants j’ai eu la chance de passer à côté de ces drames individuels et personnels. Aujourd’hui, avec l’âge, les souvenirs remontent. Cette image d’un homme dénué de tout, arrivant à Marseille et disant : ma fille, où est ma fille ? elle me criait : ne me laisse pas papa, papa. Et moi, ils me tenaient et m’ont littéralement jeté à la rue. Mon cœur, tout mon corps se tord de douleur, et je pleure, et cet homme qui vit peut-être encore et qui crie encore : ma fille, où est ma fille.
Je n’arrive pas vraiment à plaindre tous ces gens que la guerre en Ukraine a jeté hors de chez eux, et même tous ces gens qui voient leur maison brûler en Gironde et ailleurs. Ils ont tout perdu, des biens matériels. Ce n’est rien le matériel. J’ai perdu une chienne, et bien, des années après je croyais la rencontrer au détour d’une rue et j’avais le cœur serré en pensant à elle. Une chienne ! alors ceux qui ont perdu un parent, un enfant, un frère, une sœur….Impossible de mettre des mots sur cette immense douleur qui submerge tout. On ne peut plus voir, entendre autre chose que : OU EST-IL ?
Les journalistes de « Cinq colonnes à la une » se sont assis sur ces drames avec Charles De Gaulle. Aujourd’hui les mêmes journalistes vont sur place pour écouter ceux qui ont perdu une maison, une voiture, une fois j’ai entendu parler de chiens, c’est bien, mais je ne m’y intéresse pas et je continue à penser à mes compatriotes.
J’ai raconté mon exil et certainement pas mon rapatriement. On est rapatrié quand on retourne dans son pays. Bien que je sois française, je m’appelle Suzanne Durand mariée à Philippe de Beaumont dont l’arbre généalogique remonte à l’an 1080, comme celui de trois ou quatre familles françaises, bien plus ancien que celui de la reine d’Angleterre…, ce pays qui est soi-disant, le nôtre, nous a rejetés, non pas chez des voisins comme les ukrainiens, mais à la mer et sans bateau, en eau profonde, ou alors nous a autorisés à nous faire égorger par les musulmans qui nous menaçaient de cet égorgement depuis plusieurs années.
A trente ans, avec trois enfants, et deux valises j’ai été très occupée à construire une vie. Je n’ai pas beaucoup pensé à ce qui m’étais arrivé et qui était très pénibles et douloureux, j’ai pensé au quotidien. En vieillissant les souvenirs remontent, se frottent aux évènements présents. D’où je suis ? quel est notre pays ?
Non, la France, ce n’est pas notre pays. Notre pays c’est celui dont on nous a appris l’histoire, aujourd’hui on dit le roman, mais non pas un roman c’était l’histoire attestée par de très nombreux documents.
Ce pays qui est en train de disparaître de l’histoire du monde pour n’être plus qu’une petite partie de l’Europe, composée de l’Allemagne et de quelques autres régions qui ne tarderont pas à perdre leur nom. L’Allemagne, dont l’histoire est très récente mais qui est reconnue par l’Amérique, restera l’Europe-Allemagne pour les anglais et les américains. Les chinois remanieront l’histoire du monde à leur manière, la manière du communisme, c’est-à-dire : on efface tout, l’Egypte, la Perse, la Grèce, Rome, et on refait le roman du monde.
Mon pays, la France d’avant Charles De Gaulle, avait donné naissance à un peuple nouveau composé de multiples races blanches, noires, de multiples cultures de multiples religions. En Algérie, en cent ans, il s’est créé une communauté qui était un exemple à suivre pour le reste du monde. Bien sûr ce mélange ne s’est pas fait sans heurts parfois violents, mais les difficultés ont toujours été surmontées en respectant l’intérêt de la grande majorité des individus.
Ils avaient construit un pays de toute pièce, et les jeunes des pays sous-développés, je me souviens des turcs à l’université d’Alger, venaient voir comment avait été réalisée ce développement formidable, donc les pieds noirs négociaient entre eux et finissaient par mettre en place une situation vivable et acceptée par la grande majorité d’entre eux car ils tenaient à garder ce niveau de vie qu’ils avaient atteint et que tous les habitants espéraient atteindre.
Les anglais se sont séparés de leur colonie, l’Inde, sans sacrifier complètement ce qu’ils avaient construit là-bas. Ils n’ont pas pu faire comme en Amérique le génocide des populations indiennes par l’alcool, ou comme en Chine, répandre à grande échelle la consommation d’opium, et ils s’en sont sortis à leur honneur. Dans l’histoire du monde le départ des anglais n’a jamais été vu comme un drame humain. Les cow-boys ont effacé les indiens, en Amérique il n’y a pas d’indien, ils sont en Inde et Hollywood et le monde ont suivi.
Les français, partout où ils sont passés ont provoqué un développement important des populations locales qui ne les en ont pas remercié mais s’en sont servi pour les jeter dehors.
Et me revoilà dans mon drame personnel, mon départ d’Algérie. Cependant chaque fois que j’y pense, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance. Je suis bouleversée jusqu’à en pleurer par l’histoire de ce père qui a vu sa fille enlevée et qui criait « papa ne me laisse pas ». J’imagine ce qui est arrivé à cette jeune fille jetée dans un bordel pour militaires sous l’autorité d’une mère maquerelle. Combien de mois, j’espère, très peu, elle a survécu. Combien de femmes ont soi-disant disparues à Oran le 5 juillet, et que sont elles devenues ?
Surtout pas d’enquête, il faut réserver les enquêtes pour savoir si tel ou tel truand est atteint de bouffée délirante, surtout pas pour retrouver les restes humains et permettre aux familles de faire leur deuil sans imaginer, jusqu’à leur dernier jour, que leur disparu est encore en vie quelque part. Ces gens sont des pieds noirs et on ne peut plus rien pour eux, facile à dire et à faire, ils ne sont pas intéressants pour les français en général. Bientôt ils seront tous morts et les français les oublieront vite, si, il reste encore des français bientôt noyés sous la masse des maghrébins qui viennent s’installer en « France ».
La disparition des français sera moins douloureuse que celle des pieds noirs, elle se fera peu à peu dans le temps.