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Le pâté, ça n’est plus c’que c’était ou les P’tits Vieux d’la Vieille

, par  DiaOulRu , popularité : 2%
Cet article provient d'une édition antérieure de NJ.

Les Pépères.

Le mot a vieilli. A la vérité ceux que l’on appelle ainsi maintenant ont dépassé à peine l’âge de la cinquantaine. L’âge des vieux de la vieille garde impériale, ceux qui suivent une idée, avec des idées de sacrifice nécessaire, consenti, pour préserver leurs enfants et petits enfants de la dangerosité de la kultur et des jougs. Ils ont dans leur giberne leur bâton de maréchal, mais n’ont pas posé forcément leur mouchoir par-dessus et étonnent souvent leurs cadets avant d’étonner le monde entier, les Pépères.

J’en connais un, chouette exemplaire, vieux schnock, toujours mal fringué, mal rasé ; il ressemble à Jean Gabin dans le rôle d’un des ‘Vieux d’la Vieille’. Mieux, on dirait le sosie de Ribouldingue, l’un des sympathiques aventuriers, les Pieds Nickelés du dessinateur Forton. Mal fagoté dans son ‘Noir de travail’ comme il existe le bleu de travail des ouvriers et le blanc de travail des peintres peinturlureurs d’intérieur et de façade d’immeubles, avec bien vissé sur sa tête sa casquette de patron de pêcheur du Guilvinec. Noir de travail est son costume de Maître de Forge, issu d’une famille où les fondeurs se sont succédés d’arrière grand père à petits fils depuis plusieurs générations. Plus âgé que moi, c’est le roi de son bled, pas tout à fait situé à l’Ouest du Pays. Il râle tout le temps mais tout le monde l’aime bien car il est tout plein de sa vérité et de celles des autres. De plus, il bricole, aide tout le monde, depuis le pneu crevé jusqu’au moteur de motoculteur en passant par la mécanique diéséliste et les nids d’oiseaux. Il n’a pas besoin de permission officielle pour encore travailler, ce dont il se moque comme de sa première sucette. Le jour où il ne chaussera plus ses sabots pour aller au charbon, c’est qu’il sera mort et peut-être même à la tâche. Ce matin, branle bas de combat à la maison :

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- Heu là ! Dis moi donc, la mariée, c’est-y quoi qu’tu m’as mis dans mon casse croûte ce matin pour aller au jardin ?

- Ben… j’y t’ai mis le pâté de la petite terrine du colis de Noël qu’on a eu comme pour les vieux d’notre commune que M’sieur l’Maire nous a offerte…

- Vingt Dieux… ça n’a pas d’gout c’te ragougniasse là. C’est-y quoi donc qu’ils ont mis là d’dans ?

- Attends… sur l’étiquette… une recette sans porc… avec comme ingrédients graisseux de la peau de volaille, puis du foie, du lait reconstitué avec de l’eau et de la poudre… des oignons, de la gélatine, de la fécule de pomme de terre et de la moutarde, ail, thym et poivre…

- Quoué ? Ya pas d’cochon dedans… même pas d’sel ? Mais y s’fout de nous l’Maire… et le reste… quoi c’que c’est dans l’autre bocal là ?

- Du confit de canard… sans porc non plus…

- Mille Dious… on s’fout d’nous… j’va leur dire moué, attends un peu.

- J’ai réchauffé le confit de canard… t’en veux pas ?

- Ah nan… j’vas au bistrot chez Jojo… j’ai pu faim de leur truc en bocal là…

Chez Jojo le bistrotier :

- Salut la compagnie…

- Bonjour Père Louis… salut l’Vieux… ça va t’y ?

- Tu prendra quoi Louis…

- Une côte.

- … Louis, je t’ai déjà dit qu’il ne faut pas fumer ici dans la salle… ben pourquoi tu fais la tronche ?

- Je fume si j’veux, où que j’veux et pis j’t’ais dis une côte…

- Ben… j’t’ai mis une côte…

- C’est pas une Côte du Rhône que j’veux… c’est une côte de porc, du bon cochon d’chez nous, avec de la purée de patate, et tu me la sert à la table où ce que l’Bedeau y casse la croûte...

- Bonjour le Recteur… ça va t’y comme tu veuille ?

- Bonjour Louis… tu sais bien que je ne suis pas le Curé…

- Baste ! C’est pareil maintenant, puisqu’à l’Eglise y a plus d’Curé de la Paroisse.

- Seras-tu avec nous à la messe de Minuit pour Noël, il faut que je prévoie ?

- Ben oui, ben oui, comme d’habitude, tu sais bien que mon Grand Père a fondu la cloche de l’Eglise et que depuis, nous aimons bien vous sonner les cloches, dans la famille, à votre Eglise !

Notre brave Bedeau fait semblant de ne pas avoir entendu même si des rires de dessous de tables se font entendre alentours. Le Chef de la gendarmerie ayant vu le Père Louis à table dans la salle fait demi-tour lorsqu’il l’aperçoit. Il reviendra acheter les ‘Trois Clochers’, le journal du coin, craignant les sarcasmes du vieux bonhomme depuis qu’un représentant de la maréchaussée à cheval avait fait payer dans le temps, deux sous d’amende à son Grand Père qui faisait brouter son unique vache devant sa maison sur la route, en faisant semblant de se soulager la vessie, ce que le Pandorre n’avait pas voulu croire sachant tout de même reconnaître les lanternes, du temps où en 1915, l’année des Eparges et de la Calonne devant Verdun, l’herbe de chaque côté des chemins était réservée aux chevaux de l’Armée. Depuis dans la famille on appelle les gendarmes ‘Les Bourrins’.

- Dis Recteur… qu’est-ce qui dit le ‘Menteur’ ?

- Je m’interroge, Louis, je m’interroge ! Ce matin, sur le Journal, si j’ai bien compris ce que j’y lis, afin de ne pas froisser une partie de notre population, municipalités, restaurants d’entreprises, d’écoles, d’hôpitaux sont appelés à trancher en faveur de recettes cuisinées avec ou pas des ingrédients interdits à l’occasion des Fêtes de fin d’année, qui, pour être laïcisées depuis fort longtemps, n’en sont pas moins chez nous, des Fêtes Chrétiennes. Je crains qu’il se produit un contrôle sur les activités sociales par des religiosités qui nous sont étrangères, et le contrôle des ingrédients composant la préparation de la nourriture. Je ne vois pas comment nous pourrions dorénavent célébrer la messe et notre collègue rabbin, sanctifier le shabbat avec de tels règlements s’ils nous touchent. Il me semble que l’on suit les préceptes de croyants que l’on ne veut pas choquer en imposant aux athées ou adeptes d’autres confessions une manifestation d’obscurantisme que je considère aigu. Ça n’est pas l’expression de la véritable démocratie dont tout le monde se réclame à tout bout de champ, mais il faut dire que le terrorisme a laissé des traces dans l’opinion publique française et on tend à ménager la chèvre et le choux, ce qui va devoir changer nos habitudes culinaires et de comportement, ce dont je m’inquiète.

- J’ai pas très bien compris tout ce que tu viens de me dire mais… ça voudrait dire qu’on aurait plus droit de bouffer du cochon et de boire du pinard ?

- C’est à peu près ça, Louis… Dites moi Georges… ayez l’amabilité de me préparez quelques tranches de votre excellent jambon de Pays avec aussi quelques tranches de saucisson à l’ail et sec, pour la table à la maison ce soir…

- Mais Bedeau… c’est vendredi aujourd’hui…

- Mon Cher Louis, les voies du Seigneur étant impénétrables… si je déguste ce chef d’œuvre de ce genre de met campagnard ce soir, je le baptiserai… poisson ! Et qui te dit que je le mangerai ce soir ?

- Louis… la patronne te fait dire qu’il n’y a plus de plat du jour, les côtes de porc à la purée…

- Milliard de Dieux ! Et qué ce qu’elle me propose ta mariée à la place ?

- Du réchauffé d’hier… des boulettes à la menthe, du poulet, des brochettes… du couscous avec du mouton quoi !

Coat, le rédacteur de cet article, vous souhaite une Bonne et Heureuse année pour 2009/2022