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La gratuité, quoi qu’elle en coûte ?

, par  Didier Cozin , popularité : 4%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Notre pays entretient des rapports difficiles et ambigus avec l’argent, la création de richesses, mais aussi la rémunération des services rendus tant par les entreprises que par la collectivité.

Jeudi 21 décembre 2023, Montpellier est devenue la plus grande agglomération d’Europe à rendre ses services publics de transports entièrement gratuits. La crise aidant, la tentation pourrait être grande de proclamer l’avènement du tout gratuit et son corollaire : la fin du travail.

Dans cet article, notre chroniqueur Didier Cozin analyse les enjeux et les non-dits de cette politique.

Tout a un coût, tout a un prix

Alfred Sauvy l’écrivait il y a 80 ans dans ses leçons magistrales d’économie : pour que les produits que nous consommons soient offerts ou gratuits il faudrait qu’ils soient aussi disponibles et accessibles que l’air que nous respirons (il en est déjà autrement pour l’eau, puisqu’elle doit être puisée, canalisée, filtrée, traitée, ce qui a un coût).

Tout ou presque a donc un prix (et un coût) et le débat actuel qui consiste à s’interroger sur l’intérêt de faire payer ces coûts à l’usager (ou à l’utilisateur), pourrait être à la fois vain, contre-productif et générateur de grands désagréments.

Jusqu’à présent les Français acceptaient -sans trop renâcler- de payer de leur poche les produits, les appareils ou les biens qu’ils utilisaient ou consommaient. Il n’en était pas tout à fait ainsi pour les biens immatériels (ou services). Habitués et confortés par la gratuité ancienne de l’école, de la santé ou de la sécurité, certains estimaient que d’autres services, comme ceux des transports en commun (ou du logement) pourraient être collectivisés et devenir « gratuits ».

La gratuité, ce prolongement séduisant de l’assistanat

Le socialisme a pour devise « toujours plus ». Non seulement il a contribué à bâtir une société surendettée, sur-importatrice et sous-travailleuse mais il se croit obligé d’aller toujours plus avant. Plus loin pourrait être promouvoir la gratuité intégrale des services devenant tous publics, les transports aujourd’hui, le logement demain (par exemple).

En France, à l’instar de Montpellier depuis cette fin d’année, ce sont donc près de 40 collectivités qui ont mis en œuvre la gratuité (parfois totale, parfois partielle) des transports collectifs alors que des usagers, des associations, des partis politiques militent ou revendiquent déjà la gratuité de tous les transports collectifs (y compris inter-régionaux) en prétextant de leurs coûts (le travail est malheureusement, et pour des raisons idéologiques, très cher en France) ou des enjeux climatiques (l’autobus remplacerait les voitures sans contraindre trop l’automobiliste moyen).

La gratuité, qui est l’étape ultime de l’aide sociale généralisée (sans condition de ressources) rendrait-elle pour autant les citoyens libres, égaux et notre société meilleure ou plus juste ? Il est permis d’en douter, tant les inconvénients de la gratuité sont innombrables et croissants :

a) La gratuité envoie un signal délétère au citoyen en l’empêchant de devenir adulte, de s’autonomiser, de devenir libre et indépendant (socialement comme financièrement) de l’État.

b) Le signal prix disparaît également puisque la ressource paraît illimitée, éternelle et gratuite. Tout comme le prix de l’énergie (KWH ou litre d’essence) nous fait prendre conscience qu’on peut et qu’on doit éviter de gaspiller, le prix des transports implique une réflexion et des arbitrages. Qu’en serait-il dans la société du tout gratuit ?

c) La concurrence est également faussée entre les différents modes de transports : les taxis (qui participent des transports publics) ou les autobus privés ne pourraient plus fonctionner, la gratuité et la simplicité de la marche à pied ou du vélo seraient remisées au rang de gadgets écolos.

d) Une surcharge et une congestion des réseaux rendraient les services déclinants ou médiocres.

e) Une baisse de la qualité du service, de la sécurité perçue (ou réelle avec la disparition ou la réduction de la présence humaine) apparaîtrait nécessairement, ainsi qu’une chute des investissements pour de nouveaux transports.

f) Le travail, l’activité économique et laborieuse deviendraient secondaires, ne seraient plus nécessaires pour la plupart des actes de la vie quotidienne. L’illusion de la fin du travail (une torture pour certains) tromperait des citoyens devenus passifs, soumis et aux ordres (le pouvoir revient toujours à celui qui paie).

g) Dans cette société massivement orientée vers le temps libre et les loisirs, l’offre de transports ne serait plus reliée au travail, mais aux sorties ludiques, aux déplacements nocturnes ou aux vacances (non indispensables et consommateurs de beaucoup de ressources)

À l’attention de Michael Delafosse, maire socialiste de Montpellier

La gratuité des transports est illusoire et fallacieuse puisque les matériels, l’énergie ou les salaires doivent être payés par quelqu’un (le contribuable ou nos créanciers). La gratuité est une facilité de caisse dangereuse, une pente glissante qui a des effets pervers et nécessiterait toujours plus de moyens financiers pour des résultats de moins en moins avérés (les rendements décroissants des aides).

Si les Français semblent séduits par la gratuité, les résultats de cette politique dans l’éducation, la santé (aide médicale), les transports ou les loisirs (pass culture) sont-ils à la hauteur des résultats attendus et ne provoquent-ils pas des dégâts importants ?

Nos concitoyens s’illusionnent s’ils pensent pouvoir mieux vivre et se développer dans un monde de gratuité, l’exemple des ex-« démocraties populaires » atteste du contraire : dans ces pays – non libres- les services publics quasi gratuits étaient dans un état lamentable, les salariés non managés et totalement abandonnés ne donnaient pas 10 % de leur implication ou de leurs compétences pour travailler.

Dans une société essentiellement matérielle et matérialiste, ce qui est gratuit ne vaut au final (presque) rien. Les progrès qu’ont pu représenter en leurs temps l’école gratuite (Jules Ferry), la sécurité sociale (après 1945), les HBM (devenues HLM) tout cela risque désormais de se retourner contre leurs bénéficiaires, citoyens éternellement mineurs, ne votant plus et maintenus sous tutelle par l’État ou ses administrations.

Sortir des aides, de l’assistanat, de la fausse gratuité, et permettre à chacun de jouer un rôle dans la société (autre que celui de consommateur passif) ne serait-il pas un projet plus engageant pour l’avenir que la multiplication infinie des aides, des dettes et des gadgets sociaux ?

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2024/0...