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La Tribune | "La réforme territoriale est sans vision directrice"

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Le 28 octobre, le Sénat a repris le chantier de la réforme territoriale. Les Sénateurs souhaitent une carte à 15 régions et non 13 comme l’a réaffirmé mardi le Premier ministre, Manuel Valls. François-Noël Buffet, Sénateur-Maire d’Oullins (Rhône) est le rapporteur de la Commission spéciale, chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions. Il déplore une réforme "saucissonnée" et en manque de cohérence. Sur le plan local, il dénonce des lacunes dans la création de la future métropole de Lyon.

Acteurs de l’économie : la réforme de la carte des régions est débattue, à nouveau, devant le Sénat. Quels sont les ajustements qui vous semblent incontournables maintenant que la haute assemblée a basculé à droite ?

François-Noël Buffet : nous arrivons dans un texte législatif qui nous contraint dans notre travail. La règle dite de l’entonnoir (NDLR : le débat se restreint devant chacune des chambres au fur et à mesure des lectures successives) nous empêche de reprendre le dossier. Nous sommes donc dans une logique qui consiste à faire évoluer le projet avec la volonté de lui donner un peu de cohérence. Le périmètre des régions a été arrêté en dehors de toute mise en cohérence avec les autres collectivités territoriales.

De plus, les compétences des différents échelons territoriaux ne sont pas revues de façon simultanée. L’approche est saucissonnée. Nous avons le sentiment d’avancer au coup par coup et cela change tout le temps. Il y a un problème de méthode. Il n’y a pas de vision directrice contrairement à la réforme de 2010. Celle-ci prévoyait des conseillers territoriaux, ce qui avait le mérite de rapprocher régions et départements. On aurait pu reprendre cette idée d’un seul élu sur un territoire bien défini, en l’améliorant sans doute

Le contexte étant ce que vous décrivez, de quelles marges de manœuvre disposez-vous ?

Nous partons du constat remontant du terrain. Le département doit rester un échelon important. Il incarne le territoire de proximité sur lequel s’ancreront les grandes régions. Nous l’affirmons dans un amendement (article 1/1). Dans une logique de grandes régions, il nous faut assurer la proximité. La proximité c’est le département. Il ne faut pas éloigner les élus du terrain. Nous réaffirmons ce choix stratégique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur un document qui avait plutôt recueilli l’unanimité : le rapport Raffarin/Krattinger, fin 2013.

Quant aux limites des régions, le texte se contente de les fusionner alors qu’il aurait fallu procéder à un redécoupage sur la base de deux critères : bassin de vie et puissance économique. Pour ce faire, il aurait été intéressant de demander à Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger de faire une proposition de loi en leur fixant un délai de cinq mois. Ce, dans une logique de donner à la France une organisation plus équitable. On a préféré aller vite et tout le monde sait qu’il y a des intentions électoralistes derrière ce choix.

Vous êtes favorable à une carte organisée de 15 régions et non 13 comme le veut le gouvernement et comme l’a entériné l’Assemblée nationale. Pouvez-vous justifier votre choix ?

De fait la nouvelle majorité du Sénat entend conforter l’Alsace attachée à son identité. Il veut préserver les régions Languedoc Roussillon et Midi-Pyrénées. Pour le reste, une sorte d’équilibre s’est constitué. C’est peut-être regrettable. La question c’est moins le nombre que la cohérence. La question n’est pas tant la taille d’une région que la cohérence des bassins de vie et la puissance économique. Deux régions pauvres feront toujours une région pauvre.

La troisième étape, inscrite dans le texte actuellement en débat, sera la possibilité pour un département de changer de région ou pour deux départements de se rapprocher (NDLR : ce qui pourrait être le cas des deux Savoies) sous réserve que chaque assemblée y soit favorable à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. On supprime l’obligation référendaire. Ce moyen permettra sans doute d’ajuster la carte.

Carlos Da Silva, le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale a fait voter un amendement supprimant le plafonnement du nombre des conseillers régionaux à 150, et prônant l’addition des actuelles assemblées. En vous y opposant, vous n’allez pas vous faire que des amis parmi les élus en particulier en Rhône-Alpes.

En terme d’économie et d’exemple, c’est déplorable. Oui, j’ai déposé un amendement pour revenir au principe des 150 conseillers territoriaux, à la seule exception de l’Ile de France qui couvre une population de onze millions d’habitants. Rhône-Alpes en compte 6 millions et l’Auvergne 1 million, ce qui ne justifie pas de déroger à la règle des 150.

Une étude de l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) chiffre à 2 milliards d’euros les économies possibles en procédant à un alignement des gestions régionales. Cela vous paraît-il envisageable ?

Dans l’idée de rapprocher, il y a l’idée de mutualiser. Et la capacité existe. L’enjeu, ce sont les dépenses de fonctionnement. C’est là que l’on peut gagner des marges de manœuvre. La vraie source d’économie, c’est la spécialisation des compétences. Tout le monde n’a pas envie de tout faire. Dans le Rhône 40 % des maires ont été renouvelés, lors des municipales de mars 2014. Ces nouveaux élus, plutôt jeunes, ont conscience de la nécessité de rapprocher les communes qui le souhaitent. C’est une affaire de générations et de circonstances, encore que d’anciens élus ont amorcé les choses. Il y a un nouvel état d’esprit.

La création de la métropole va-t-elle donner à l’agglomération lyonnaise une plus grande visibilité à l’international comme le subodorent certains ?

C’est d’abord un mot et une sorte de label pour huit métropoles. Toutes les autres restent sous le statut d’EPCI (NDLR : Etablissement public de coopération intercommunale). Le Grand Lyon est le seul à devenir une collectivité locale à statut particulier. Reste que la métropole est votée et que c’est une étape. On va simplifier une partie des choses, mais on ne change pas le périmètre. La communauté de communes de l’Est lyonnais et le Nord Isère, deux territoires d’avenir, n’en font pas partie. En prenant les compétences sociales du département dans son périmètre, la métropole verra ses capacités d’investissement diminuer.

De plus, il n’y aura pas d’économies d’échelle, ou peu, puisqu’il s’agit de nouvelles attributions. D’ores et déjà, Gérard Collomb a annoncé que les investissements sur le mandat seraient réduits de moitié, environ, par rapport au précédent. Pour le périphérique Ouest, c’est le stand-by. Dans les couloirs du Grand Lyon, on nous répond être à la recherche de financements. Toutefois, il semblerait que le prolongement du métro jusqu’aux hôpitaux Est, et l’A45, évite cette difficulté. C’est une bonne nouvelle.

Estimez-vous que Gérard Collomb a suffisamment associé l’opposition aux différentes étapes de la construction de la métropole ?

Non. Nous ne disposons d’aucun élément financier, à deux mois de l’échéance. Nous ne savons pas comment sera gérée la proximité. Quel est le devenir des communes à l’horizon 2020 avec l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains ? Il faut que la Métropole déconcentre ses services de proximité en s’appuyant sur les communes. Cela coutera moins cher que de créer des maisons de la métropole. Il faut également modifier la loi PLM et donner plus de pouvoirs aux mairies d’arrondissements.

Le projet de découpage des circonscriptions dans la métropole mobilise vivement la droite et le centre. Pourquoi ?

La loi MAPAM dit que l’État dispose d’une année pour décider du nouveau mode électoral pour 2020. À défaut, il est possible de passer par le processus législatif. Or, en deux semaines le Préfet Carenco organise une pseudo consultation et décide du redécoupage des circonscriptions. C’est insupportable. C’est un petit coup d’État. Ces délimitations correspondent aux futures conférences des maires. Le Préfet a franchi la ligne jaune en délimitant par avance les périmètres de ces conférences.

Retournons à la région : Michel Barnier a officiellement annoncé qu’il briguerait la présidence, fin 2015. On évoque également la possible candidature de Laurent Vauquiez. Les mois qui viennent s’annoncent sportifs. Lequel des deux soutenez-vous ?

C’est toujours un moment désagréable que de devoir départager deux grands élus politiques. Le rêve serait qu’il puisse se parler. Nous avons la chance d’être en capacité de gagner à nouveau cette Région. Je respecte le président actuel, Jean-Jack Queyranne, mais il n’a pas de majorité. On a le sentiment d’une assemblée un peu bloquée alors que ce territoire pourrait avoir de grandes ambitions. Portons nos valeurs de la droite républicaine et arrêtons de nous faire peur avec le Front National. Aux dernières municipales, j’avais face à moi cinq listes dont une du FN, et, pourtant, j’ai été élu au premier tour.

Que pensez-vous de la campagne interne à l’UMP ? Quel regard portez-vous sur le retour de Nicolas Sarkozy ?

Incontestablement on parle beaucoup de sa campagne. On connait son tempérament. Il est capable de faire bouger les lignes. Il n’a pas changé. L’énergie déployée n’est pas inintéressante dans un pays en grande difficulté. Après, la question, c’est à quoi cette énergie va lui servir. Il a l’intention d’ouvrir, de remettre du débat à l’intérieur du mouvement. Personnellement, j’y suis favorable. Nous avons trop souffert ces dernières années d’une famille qui était trop refermée sur elle-même et en conflit interne. On a besoin d’un mouvement de la droite républicaine qui soit capable de s’ouvrir à tous les sujets sans difficulté, qui soit capable de rassembler. Pour cela, il faut une personnalité forte. Cela marchera ou cela ne marchera pas, pour l’instant nous en sommes au stade du mouvement.

Dans l’optique 2017, la guerre des chefs à l’UMP est définitivement terminée ?

Nous n’avons pas le droit. C’est interdit. La guerre des chefs est à prescrire. Il faut la condamner. Parce que sinon, nous aurons un jour, ou peut-être bientôt, de grandes surprises avec le FN. La guerre des chefs, ce serait courir incontestablement le risque que ce parti-là soit un jour majoritaire dans notre pays. En ce qui me concerne, ce n’est pas possible. Il appartient à chacun dans notre parti d’avoir conscience de cela. Mais il appartient aussi à ceux qui veulent porter un projet en 2017 de redonner confiance aux Français dans la classe politique.

La condition majeure aujourd’hui c’est de redonner confiance. Nous avons une gauche au fond du gouffre avec une fonction présidentielle décrédibilisée. Il faut restaurer la confiance avec un projet novateur et une refonte profonde de notre pays. Il faudra expliquer la démarche aux Français et traduire le destin collectif que l’on veut. Sinon cela apparaitra comme de la petite cuisine. On est sans doute à un moment très important d’évolution de nos comportements et de réaffirmation de ce qui fonde nos valeurs. Un moment de refondation politique s’ouvre maintenant.

Vous êtes proche d’Alain Juppé, le duel avec Nicolas Sarkozy a commencé...

Indépendamment des personnes, je pense que celui qui tient le parti prend une option. Après, une fois le parti pris, il faut avoir la capacité de construire quelque chose. Pour remporter 2017, il nous reste encore trois ans.

Voir en ligne : http://www.ifrap.org/La-Tribune-La-...