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Fallait-il confier la conduite de la Justice à une idéologue ?

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permispourtousChaque époque a ses mots-clés. Ils ouvrent des paradis ou des enfers. Souvent ce que l’on espérait être l’un se révèle l’autre. Ils éclairent une époque à moins qu’ils ne cachent les dangers dont elle est grosse. Depuis des années, notamment la victoire paradoxale de Chirac en 1995, lorsque la « droite » a battu la droite sur le thème de la fracture sociale, ces mots ont un air de famille qui convient à l’inconscient collectif d’un pays où l’égalité a doublé la liberté dans l’ordre des valeurs, et où la gauche idéologique règne aussi dans ce qu’on continue par une morne habitude à appeler la droite, même si celle-ci répugne à employer le mot. Après la fracture à réparer, ce fut l’exclusion à réprouver, puis vint le temps du « sans » et du « tous ». Lorsqu’un immigré clandestin est sans-papiers, il ne s’agit plus de constater l’absence de la justification légale de sa présence sur le territoire, mais de s’offusquer d’une exclusion au droit d’avoir des papiers alors que le fait de la présence en impose la possession au nom de l’égalité avec ceux qui en sont munis. Lorsqu’une paire de personnes de même sexe s’aiment et ont envie de vivre ensemble, et le font d’ailleurs, pourquoi les priver de ce mariage pour tous qui ferait cesser l’injuste discrimination dont elles sont les victimes pathétiques ? Lorsque des étrangers vivent depuis un certain temps en France, sans en être devenus citoyens, comment ne pas s’indigner de l’exclusion qui les condamne à ne pouvoir participer au moins aux élections de la commune où ils résident ? Les sans-carte d’électeurs réclament la citoyenneté pour tous. Madame Taubira est la « passionaria », l’incarnation vibrante de cette démarche idéologique. Elle la défend avec beaucoup de fougue rhétorique et un rien de mépris pour ses adversaires. Elle vient néanmoins de déraper sur la voie publique en étendant malencontreusement cette logique des « sans » et du « tous » aux « sans-permis de conduire ». Certes, il ne s’agissait pas de dire qu’il fallait un « permis pour tous » et de défendre la cause des « sans-permis », mais l’attitude est la même : l’illégalité n’est pas si grave. Elle doit être banalisée avant d’être régularisée. Une contravention administrative forfaitaire remplacera avantageusement la procédure judiciaire répressive.

Cette proposition a soulevé un tollé. La Ministre s’est réfugiée dans son jargon de cuistre : elle déplore et reconnaît le manque d’acceptibilité sociale actuelle. Bref, si on traduit : les Français sont encore trop idiots pour accepter cette avancée. Comme pour le mariage, ça viendra. Ce repli tactique est plein d’enseignements. On peut y voir la confrontation entre l’idéologie suicidaire dont souffre notre pays et la résistance du bon sens, ce bon sens dont notre philosophe national, Descartes disait qu’il était la chose la mieux partagée, sauf peut-être chez les politiciens et leurs comparses des médias, aurait-on envie d’ajouter. Alors que la mortalité routière a repris sa progression après des années de recul, fallait-il envoyer pareil signal de permissivité ? Un tragique accident qui a coûté la vie à quatre jeunes dans le Morbihan a malheureusement illustré cette réflexion. Le conducteur était un mineur évidemment non titulaire du permis de conduire. Si l’accélération de la procédure d’obtention du permis et l’allègement de son coût seraient les bienvenus, notamment pour faciliter l’accès des jeunes à l’emploi, ce n’est vraiment pas le moment de favoriser ceux qui ne se donnent pas la peine de le passer ou ont commis des fautes qui les en ont privés. De plus, il faut prendre en considération les risques que l’on fait courir aux victimes, du fait notamment de l’absence d’assurance.

Cette idée inopportune a au moins le mérite de dévoiler la logique de la politique menée par Madame Taubira et les dangers de l’idéologie qui l’inspire. Ceux-ci sont de trois ordres. D’abord, elle introduit de la confusion dans l’édifice social et dans les comportements qu’il réclame. Comment attendre des citoyens et des habitants d’un pays qu’ils conforment leurs actes à la loi lorsqu’on gomme les différences nettes entre ce qui est légal et ce qui ne l’est pas, lorsqu’on passe son temps à dire que tout se vaut, que l’homme et la femme ne sont que des artifices culturels, que les citoyens et les résidents doivent être munis des mêmes droits, que le coupable est lui aussi une victime ? Ensuite, subrepticement, il s’agit d’imposer le fait au droit, ce qui est le contraire même de la démocratie et de cet Etat de droit dont on nous rebat les oreilles. Parce qu’il y a beaucoup de clandestins, il faut les régulariser et les loger. Parce qu’il y a beaucoup de personnes détenues, il faut les libérer plutôt que de construire de nouvelles prisons en vue d’appliquer la loi aux condamnés. Cette démarche est un contre-sens scandaleux puisque sous son apparence généreuse, elle renverse le rapport entre la justice et la machine judiciaire. Ce n’est plus celle-ci qui doit obéir à celle-là, c’est la machine qui doit dicter sa loi à la justice : une simple contravention pour les « sans-permis » pour désengorger les tribunaux, un système pénal laxiste pour désengorger les prisons. Enfin, cette logique technocratique de l’efficience administrative n’est pas systématique. Curieusement, la Justice redevient lourde et tatillonne lorsqu’il s’agit de protéger les droits des étrangers. De recours en recours, la majorité de ceux qui n’avait aucun droit d’être présents sur le territoire, comme l’administration pouvait le vérifier, s’y maintient néanmoins. De même, notre pays qui oublie que la première de ses valeurs est la liberté, réduit sans cesse le champ de la liberté d’expression et multiplie les moyens d’y porter atteinte.

Il n’y a sans doute pas de pire moyen pour rendre la Justice aveugle que de la confier à une idéologue. Encore faut-il compter sur le bon sens de beaucoup de magistrats pour limiter les effets de sa politique.

Voir en ligne : http://www.christianvanneste.fr/201...