Avez-vous pris votre abonnement 2024 ? Non ! CLIQUEZ ICI !
Ou alors participez avec un DON


Découvrez des pages au hasard de l’Encyclo ou de Docu PN
A compter du 25 mai 2018, les instructions européennes sur la vie privée et le caractère personnel de vos données s’appliquent. En savoir +..

Eric Zemmour/Luc Ferry : Docteur tant pis/Docteur tant mieux ?

, popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

images (99)images (98)Rien de plus opposé, au premier regard, que Luc Ferry et Eric Zemmour, à part le fait de les lire l’un et l’autre dans le Figaro, régulièrement. Rien de commun entre le philosophe élégant et porté à l’optimisme et le journaliste batailleur dont le pessimisme est ravageur. Pourtant lorsque les deux analysent le devenir de notre société comme deux médecins au chevet d’un malade, ils font le même diagnostic, le même constat, et c’est seulement sur l’avenir du patient, sur le pronostic que leurs avis divergent. En fait, tous les deux sont d’accord pour dire que la mondialisation capitaliste, qui a pour conséquence l’avènement du consumérisme individualiste, a brisé un à un les obstacles.

Pour Ferry, la « destruction créatrice » perçue par Schumpeter comme le mécanisme essentiel du progrès économique dans un système économique devient « l’innovation destructrice ». Le mot positif devient le substantif et le négatif n’est plus qu’au second rang. L’innovation l’emporte sur la destruction. De plus, c’est un phénomène beaucoup plus large que l’économie. Il est à l’oeuvre dans le monde de la morale comme dans celui de l’art. Schumpeter pensait que le capitalisme était emporté par un mouvement puissant irréversible qui finirait par le détruire. Luc Ferry envisage une fin plus heureuse dans la mesure où l’on se donnera les moyens de faire des choix. Le capitalisme est « amoral » et privé de sens. Sa rationalité sans mesure repose sur la concurrence et la consommation. La première pratique une sélection « naturelle » des entreprises, des activités et des emplois. La seconde ressemble à l’addiction aux drogues avec des besoins qui augmentent tandis que la satisfaction diminue. L’information elle-même n’échappe pas à cette règle sous la férule de l’audimat. L’art pousse cet « esprit » du capitalisme moderne jusqu’à la caricature, en produisant des « oeuvres »dénuées de créativité, de technique, sans rapport à la beauté et même privées d’intelligence. On songe bien sûr au « plug anal » de la Place Vendôme, censé marquer la tenue de la FIAC. On pense au désir des entreprises les plus « branchées » de participer à l’érection de ces temples de la vacuité consacrés à l’art contemporain.

Autrement dit, la déconstruction n’est pas la subversion, mais au contraire l’expression de notre société et de son évolution. C’est ce qui explique que comme le dit Luc Ferry, la « Bohème » s’embourgeoise, que les « soixante-huitards se retrouvent sénateurs après avoir été à la Ligue Communiste Révolutionnaire », ou qu’ils participent au premier rang des faiseurs d’opinion. Ce constat est identique à celui de Zemmour lorsqu’il rappelle l’ascension sociale des « chasseurs de notaire » de Bruay-en-Artois, promis comme « Marc » alias Serge July au plus bel avenir. Mai 68 et le capitalisme dérégulé, sans mesure, face à l’impuissance publique des Etats, continuons le combat, c’est le même ! Sur deux points cependant l’opposition est totale. D’abord, l’innovation destructrice n’est pas une descente aux enfers telle que la voit Eric Zemmour. L’économie libérale a sorti les masses de la misère. L’hédonisme des individus-rois, s’il accompagne l’hyperconsommation, sonne la fin des grands sacrifices collectifs. Personne ne voudrait, selon Luc Ferry, mourir pour Dieu ou pour la patrie. Enthousiaste, l’auteur le proclame : « la meilleure nouvelle du millénaire » !

Ensuite, il est temps encore de faire des choix salvateurs. Si le sacré traditionnel est mort, un nouveau est en train de naître, celui qui divinise l’humain, et met au premier plan l’amour ou l’amitié, les sentiments personnels qui unissent les hommes. Le passage du mariage-institution au mariage-reconnaissance d’un sentiment, y compris entre deux personnes de même sexe marque cette « révolution de l’amour ».

L’impuissance publique de l’Etat-Nation interdit à celui-ci de participer de manière efficace au sauvetage de l’innovation positive. La solution est donc toute trouvée : l’Europe fédérale, capable de redonner le poids et la dimension nécessaire à la volonté politique. On devine ici la réaction zémmourienne à cette solution. Un mot « gaullien » affectionné par l’auteur lui viendrait sans doute à l’esprit : une philosophie de « colibri », inspirée par la domination de la sentimentalité féminine ! Luc Ferry a oublié un « détail »… L’Histoire est tragique. Il y a de la légèreté voire de l’indécence à dire, maintenant que les rouges sont morts à l’Est, qu’il est préférable d’accepter d’être rouge plutôt que mort. Il y a toujours des gens qui meurent pour Dieu et pour la patrie. Aujourd’hui, ils ne sont pas forcément dans le même camp, d’ailleurs. Quant à la décision de défendre la patrie, elle relève bien des Etats-Nations, là où il y a un Bien Commun à défendre, et un pouvoir capable de décider. Dans les deux cas, le « machin européen » est hors-jeu car la multiplicité et la diversité des technocrates qui y règnent montrent bien qu’aucune volonté politique ne peut s’y dégager assez rapidement et fortement pour répondre aux menaces. Les deux docteurs sont d’accord sur la maladie et s’opposent sur son évolution. A y bien regarder, puisque la gauche semble plutôt du côté de la maladie que du malade, cette confrontation est celle qui devrait aujourd’hui structurer le débat à droite, le seul vrai débat.

Voir en ligne : http://www.christianvanneste.fr/201...