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Bougrab à la Mutualité : festival de mensonges

, par  Kader HAMICHE , popularité : 2%

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  Mardi 16 avril dernier était projeté à la Mutualité le film de Marcella Ferraru « Mémoires de femmes » consacré au rôle des femmes algériennes dans la guerre d’indépendance. Avec notre ami Georges Belmonte, j’ai effectué un aller-retour express Toulouse-Paris pour assister à cette manifestation dont j’appréhendais, je le reconnais, beaucoup de frustrations. Le moins que je puisse dire est que nous avons été servis ! Oui, je l’admets, malgré l’indiscutable probité des organisateurs, la Fondation Secours de France, une des très rares qui se soient intéressées au sort des Harkis après le 19 mars 1962, j’avais d’énormes préventions quant à cette soirée. Habitué du fait, je craignais qu’elle soit une opération de récupération d’un drame au service d’intérêts politiques et privés : ce qu’elle fut, en effet.

  Pour être précis, je craignais surtout pour le contenu du film. Présenter la guerre d’Algérie sous l’angle de la participation des femmes me paraissait un point de vue féministe parfaitement artificiel. En effet, quel rapport peut-il y avoir entre des combattantes fellaghas, des femmes de Harkis ou même des « Harkettes ». Dans le premier cas, l’engagement est sous-tendu par une prise de position politique et idéologique ; dans le deuxième, on a affaire avec des « femmes de » sans rôle spécifique dans la guerre ; dans le troisième, il s’agit de jeunes femmes recrutées par l’Armée comme infirmières ou personnels d’intendance, et non comme combattantes. Du reste, le film le montre très bien. Alors que les femmes de l’ALN qui témoignent ont un discours politique, les autres y parlent de compassion et de souffrances. Ce n’était pas inintéressant, d’ailleurs, même si la fin du film fait beaucoup dans le larmoyant. Je regrette surtout que des femmes de Harkis n’aient pas été invitées à témoigner en tant que telles sur leur rôle passif sur le plan militaire mais déterminant sur le plan psychologique, notamment.

  « Mémoires de femmes » est néanmoins une oeuvre utile quand il montre le traitement indigne réservé par notre « République » à Mesdames Salan mère et fille. De même, pour le « nostalgique de l’Algérie française » que je suis, les images, inédites, des fraternisations de 1961 furent un très grand moment qui me consola, à dire vrai, du contexte de la projection du film. A voir, donc, pour ces passages mais aussi, pour le témoignage poignant du Général Hélie de Saint-Marc. Mais, vous l’aurez compris, c’est surtout ce qui sous-tend cette manifestation qui nous intéresse ici.

  La projection du 16 avril à la Mutualité fut, en vérité, une opération publicitaire à la gloire de Jeannette Bougrab et de « son » président Sarkozy, dont les groupies attendent le retour en trépignant d’impatience. Une manifestation à laquelle assistaient un aréopage de personnalités plus ou moins prestigieuses, mené par M. Claude Bébéar, protecteur de ladite Jeannette, et de pique-assiettes UMP-compatibles. Mais venons-en au fait. Après que le président de Secours de France, Monsieur Jean-Marie Schmitz, ait ouvert la soirée, nous eûmes droit à un discours, nul dans la forme et particulièrement scandaleux dans son contenu, de « Madame la Ministre » Jeannette Bougrab. Pourquoi scandaleux ? Parce que truffé de mensonges explicites et de tromperies implicites ou cachées. En voici un florilège.

  Faisant référence à un discours prononcé par Nicolas Sarkozy lors d’une remise de décoration, Jeannette s’est permis de se gargariser de ce qu’il aurait, selon elle, « reconnu le drame des Harkis ». Et elle a fait mine de croire qu’il s’agissait d’une reconnaissance officielle. Certes, elle ne fait, là, que répéter un mensonge abondamment diffusé par ailleurs par une presse complaisante, mais c’est parfaitement faux ! En public, le candidat Sarkozy, et non le président, a, dans ses discours de campagne de Perpignan et de Nice prononcés devant des parterres de Pieds-Noirs et de Harkis en avril 2012, admis le drame que ceux-ci avaient subi. De là à dire qu’il l’a reconnu officiellement, il y a un pas qu’elle a franchi à plusieurs reprises.

  Si Nicolas Sarkozy avait reconnu le mal que la France a fait aux Harkis et aux Pieds-Noirs d’Algérie, il aurait fait voter en bonne et due forme, comme il le leur avait promis, une loi portant reconnaissance et réparation. Ce n’est pas le cas.

  Jeannette Bougrab est revenue avec des accents d’indignation sur les injures proférées à l’encontre des Harkis (et de l’Armée française) par Jean-Pierre Elkabbach lorsqu’il la reçut dans son émission Bibliothèque Médicis, sur Public Sénat, le 14 février dernier. Elle s’attarda avec la faible véhémence dont elle est capable, sur la circonstance aggravante, à savoir, le fait que Public Sénat est une chaîne institutionnelle. Ce qui montre au moins qu’elle a lu l’article que j’ai publié dans Boulevard Voltaire et repris en présentation de la pétition « Taisez-vous, Elkabbach ! » (Que les lecteurs peuvent encore signer ici-même). Mais, apparemment, elle réserve son indignation pour un public privé puisqu’elle n’a pas pris la peine de se plaindre auprès du CSA ni même auprès du président de Public Sénat, ni même d’en faire état lors de ses multiples interventions médiatiques pour la promotion de son livre. Et elle n’a pas non plus jugé opportun de porter plainte contre l’insulteur au titre de l’article 5 de la loi du 23 février 2005 punissant les injures aux Harkis, ni au titre de la loi punissant les injures à l’institution qu’est notre Armée.

  Madame Bougrab ne nous a dit que ce qui pouvait servir à sa gloire. Ce qu’elle a omis, c’est le fait qu’elle se soit gargarisée de ce qu’un ministre algérien de la culture ait pu lui dire, lors d’une visite officielle en Algérie, « Bienvenue dans votre pays ! » sans qu’elle lui rétorque « Mon pays, c’est la France ! » Ce qu’elle n’a pas dit, c’est que Jean-Pierre Elkabbach, l’ami du FLN fait citoyen d’honneur d’Oran, la ville où a été commis le 5 juillet 1962 le massacre le plus symbolique du drame des Pieds-Noirs, c’est que Elkabbach, donc, qui est comme chez lui sur le service public de télévision alors qu’il est président d’une société privée de production (Lagardère Medias), l’a provoquée en lui faisant remarquer que si, elle, pouvait aller à sa guise en Algérie, les Harkis, eux, ne pouvaient pas se rendre librement dans « leur pays ». Ce qui, au passage, donne une idée de l’état d’esprit de ce personnage à la solde du révisionnisme historique, opéré par le lobby des porteurs de valises du FLN selon un prisme racial voire raciste. Là aussi, Jeannette eût pu répondre que « le pays des Harkis, c’est la France ! » Elle n’en fit rien, et pour cause. Dans le fond, elle est sur beaucoup de points d’accord avec son insulteur et ses semblables.

  La preuve ? Dans son livre « Ma république se meurt ! », Jeannette Bougrab parle non pas comme une fille de Harki qu’elle est mais comme une immigrée. Tous les poncifs y sont : elle que la France a choyée et portée aux nues en en faisant un ministre après lui avoir donné la meilleure des éducations prétend maintenant qu’elle a été victime du racisme des Français. Elle dont le grand-père et l’oncle ont été assassinés parce qu’ils ont aimé la France dit que les Harkis ont été « victimes de la colonisation » (?). A-t-elle réfléchi une seconde ? Ainsi, les quatre à cinq-cent-mille Musulmans d’Algérie qui ont, en sept ans, pris les armes pour le maintien de la présence française en Algérie auraient été des masochistes et des esclaves sous emprise ? Jeannette Bougrab, instruite au moins par vingt-cinq ans d’études et de vie politique, n’est-elle pas en mesure de comprendre que les Harkis n’ont pas été victimes de la colonisation mais de la décolonisation ? Ainsi, son grand-père, son oncle et, après eux, son père, auraient servi une France qui aurait opprimé leur peuple ? A supposer qu’elle n’aurait pas reçu ou compris les enseignements qui lui eussent permis de se faire une idée juste de la vérité, ne doit-elle pas à la mémoire de son grand-père et de son oncle, et à son amour filial pour son père, de remettre au moins en question les dogmes imposés par la doxa anticolonialiste rétrospective ?

  Une autre preuve ? Dans la bien nommée émission « La fabrique de l’Histoire » (écouter) qu’Emmanuel Laurentin a consacrée aux Harkis du 4 au 7 mars derniers, Jeannette Bougrab a dit (38 mn 10 s) : « Que l’Armée française ait torturé c’est une chose que personne ne conteste aujourd’hui ! » Jeannette Bougrab fut ministre de la République française ! Qu’on excuse cette manifestation d’aigreur mais, avec des amis comme elle, la France n’a pas besoin d’ennemis !

  La vérité, c’est que Jeannette Bougrab, comme toute l’UMPS, a intégré, sur l’histoire des relations de la France avec ses colonies, une vision et un discours politiquement corrects et révisionnistes dictés par le lobby tiers-mondiste et anticolonialiste rétrospectif et droit-de-l’hommiste sélectif. En eût-il été autrement que la République confisquée, notamment, par ce lobby n’en eût pas fait un ministre.

 Enfin, Jeannette Bougrab atteint des profondeurs d’indignité quand elle se comporte sur la question de la tragédie des Harkis comme une charognarde. Que fait-elle, en effet ? Alors qu’elle est, en la matière, une renégate, comme beaucoup d’autres de son espèce, elle surfe sur le drame harki pour faire sa pelote. De même qu’elle a été ministre parce qu’elle est fille de Harki, de même, elle existe médiatiquement et éditorialement (je ne peux pas écrire « littérairement ») parce qu’elle est fille de Harki. Toute la promotion de son livre, qui n’est qu’un digest de considérations narcissiques sans intérêt, est basée là-dessus. Au cours des dix dernières années, je lui ai écrit plusieurs fois, comme à d’autres qui ont fait carrière en taisant leur harkitude (Kader Arif, par exemple, Secrétaire d’état aux anciens combattants), pour qu’elle fasse état de sa filiation. A l’appui de mes demandes, je me référais à Matoub Lounès répondant, peu avant son assassinat, à Bernard Pivot qui lui demandait (« Apostrophes ») pourquoi il prenait tant de risques en se disant ni arabe ni musulman. Matoub lui répondit : « Il faut se montrer aux siens ! » Cela signifie que, quand on a franchi des degrés dans la notoriété, on a le devoir de mettre celle-ci au service de la cause de ceux qui se débattent dans l’anonymat. Jeannette, comme Kader Arif (mais lui est socialiste, c’est-à-dire un renégat assumé), et comme bien d’autres enfants de Harkis célèbres qui tremblent pour leur carrière, n’a même pas daigné me répondre.

 Pire, ce qui peut, à la rigueur, se comprendre de ceux qui font carrière indépendamment de leur appartenance, est intolérable de la part de ceux qui lui doivent tout. Jeannette Bougrab, qui n’est pas passée par les camps, mais doit tout au drame que des enfants de Harkis y ont vécu, et qui continue de s’appuyer dessus pour faire carrière, pourrait, au minimum, éviter de tenir le discours de nos ennemis. Mieux, elle devrait, elle doit, parce qu’elle a la notoriété qui lui permet de se faire entendre, invoquer ce drame non pas seulement sur un plan théorique et abstrait mais se battre pour le mettre au grand jour, dire publiquement en quoi il a constitué. Relégués dans des camps de concentration et de travail forcé, les Harkis ont eu à y subir des horreurs auxquelles les enfants eux-mêmes n’ont pas échappé. Des petites filles violées, des enfants morts en bas âge de privations et de mauvais traitement enterrés sur place parce que les mairies des environs ne voulaient pas qu’ils le soient dans les cimetières, des femmes accouchant et repartant sans leurs enfants parce qu’on les leur a enlevés pour les donner à des couples français stériles (oui, vous avez bien lu !) : cela a existé ! Et bien d’autres saloperies toutes indicibles que Jeannette Bougrab pourrait dénoncer publiquement en tant que fille de Harki, en tant que féministe, en tant que citoyenne et en tant que personnalité de la vie publique. (Ecouter !)

  Assis au premier rang de la salle, je souhaitais intervenir, le plus calmement et civilement possible lors du débat qui devait suivre la projection du film. Il faut croire que les organisateurs ont eu peur de la confrontation puisqu’ils l’ont supprimé sans préavis. A moins qu’ils y aient été forcés par des invités pressés d’aller se goberger aux frais de la République.

Voir en ligne : http://www.kader-hamiche.fr/2013/04...