Avez-vous pris votre abonnement 2024 ? Non ! CLIQUEZ ICI !
Ou alors participez avec un DON


Découvrez des pages au hasard de l’Encyclo ou de Docu PN
A compter du 25 mai 2018, les instructions européennes sur la vie privée et le caractère personnel de vos données s’appliquent. En savoir +..

Auschwitz libéré le 27 Janvier 1945.

, popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

90326C’était hier le soixante-dixième anniversaire de la libération d’Auschwitz. Le Président de la République s’est rendu pour la première fois à Auschwitz pour participer à une commémoration qui rassemblait les représentants d’une cinquantaine d’Etats. Auparavant, il avait participé à Paris à des manifestations liées à ce jour de mémoire. Le nom de ce camp, ou plutôt de ces camps, est devenu écrasant. Pendant longtemps, la seconde guerre mondiale apparaissait comme une série d’événements purement militaires : les Alliés avaient écrasé l’Allemagne hitlérienne ; le général de Gaulle avait sauvé l’honneur et l’intérêt supérieur du pays, en faisant participer les troupes française à la victoire ; la Résistance avait contribué par ses douloureux sacrifices à la Libération et la Collaboration, qui avait été l’ombre de cette épopée, devait le rester. Dans un premier temps, la déportation avait surtout été perçue comme le calvaire des résistants soumis au régime extrêmement dur des camps de concentration, comme Dachau ou Buchenwald. Ceux qui étaient revenus avaient été accueillis en héros et avaient parlé. Puis, une autre lumière s’est projetée sur ce passé tragique. 76 000 Juifs avaient aussi été déportés. Très peu avaient survécu, et à leur retour, avaient trouvé des familles décimées et des situations précaires. Moins visibles, ceux-là n’étaient pas des héros, mais des victimes, et des victimes non seulement des Nazis, mais de l’Etat Français, de l’administration de notre pays, qui parfois avait tenu à montrer son efficacité aux Allemands, afin que ceux-ci sentent tout l’intérêt d’une collaboration entre les deux Etats. Dans un premier temps, le fait dominant de la seconde guerre mondiale avait été l’emploi de l’arme atomique et la menace qu’elle faisait peser sur l’humanité. Le génocide des Juifs d’Europe, la Shoah, est progressivement apparue comme l’autre aspect terrifiant du conflit bien qu’il ne soit pas militaire. Un Etat totalitaire moderne avait utilisé ses moyens au service d’une idéologie à la fois folle et monstrueuse. Une nation hautement « civilisée » avait entrepris de tuer systématiquement des hommes, des femmes, des enfants d’un groupe « ethnique » pour la seule raison qu’ils étaient nés. La dimension « industrielle » du crime est sidérante. Que des Français aient pu en être complices est renversant. En Octobre 2009, à l’invitation d’Haïm Korsia, l’actuel grand Rabbin de France, alors Aumônier-en-chef des Armées, j’avais visité Birkenau, le camp d’extermination d’Auschwitz, en compagnie d’élèves et de quelques collègues députés. J’ai rarement été aussi étreint par l’émotion que lorsque j’ai pris la parole tout au bout de cette vaste esplanade alors que la nuit tombait. A quelques pas du monument flottait un petit drapeau marqué de l’étoile de David. Je pensais à la fin des Mémoires de Guerre du Général… » Je pressens le retour de la lumière et de la vie ». La vie avait triomphé de cette usine de souffrance et de mort. Les Français qui ont été les complices de ce crime savaient ou ne savaient pas. Peu importe. Pour moi, nuls et non avenus, ils n’ont pas été la France. Mais ce jugement est loin d’être une excuse. La sacralisation de la Shoah, la ritualisation de son souvenir subissent le risque des cérémonies rituelles. On sait les paroles qu’il faut dire, les gestes qu’il convient de faire, mais on pense de moins en moins à ce qu’on dit à force de le répéter. « Plus jamais cela » affirme-t-on en désignant le « ventre fertile de la bête immonde », c’est-à-dire l’autre, si différent de nous qui nous donnons bonne conscience en pratiquant ce devoir de mémoire, le fasciste, selon les communistes, l’extrémiste de droite pour les socialistes, le terroriste islamiste aujourd’hui. Mais est-ce là ce qu’il faut craindre le plus ? Foncièrement antisémite, la collaboration avait rassemblé des homme d’horizons divers : des communistes comme Doriot, Marion, Gitton, des socialistes comme Déat ou Marquet, des radicaux comme Bergery, Luchaire ou Bousquet. De même la Shoah par balles des « einsatzgruppen » sur le front de l’Est n’était pas exclusivement le fait de SS fanatisés. Ce qu’il faut craindre le plus, c’est la contagion insidieuse du mal, par arrivisme, par conformisme, par soumission à l’air du temps. Les premiers résistants étaient avant tout des « cabochards », suffisamment structurés et autonomes, pour savoir dire non à l’inacceptable. Le plus dangereux n’est pas le monstre qui peut se repérer de loin, c’est la complicité, même dans un milieu restreint, de tous ceux qui ne lui résisteront pas, ne serait-ce que pour continuer à bénéficier de l’empathie du groupe. Laval demande aux nazis d’emmener les enfants aussi. Léon et Béatrice Reinach sont morts à Auschwitz avec leurs deux enfants, Bertrand et Fanny. Ils étaient les héritiers de Moïse de Camondo, qui a légué le Musée Nissim de Camondo à la France, en mémoire de son fils, un aviateur mort lors de la Première Guerre Mondiale. On veut croire que ces actions particulièrement indignes de la France n’aient pas été sciemment décidées, mais seulement motivées par la pression du moment, par l’opportunisme et le réalisme. Mais à bien y réfléchir, c’est cette complicité molle qui rend Auschwitz possible.

Voir en ligne : http://www.christianvanneste.fr/201...