Dramatique information cette semaine, reprise en boucle, avec des trémolos dans la voix ou le stylo par tous les médias libres de notre démocratie de moins en moins populaire : si Marine le Pen arrive au pouvoir, Enrico Macias fait son alyah, soit, pour ceux qui ignoreraient ce mot, quitte la France pour s’installer en Israël. Une catastrophe nationale. Et Enrico, pour remplir encore plus les esprits d’effroi, ajoute qu’il entraînerait à sa suite tous les juifs de France. « Ma parole » (avec l’accent de là-bas), il se prend pour Moïse.

Bon, je ne m’étendrai pas sur la décrépitude du pauvre Macias, à ce stade, c’est le cabanon, mais cette histoire dégoulinante m’a inspiré quelques réflexions plutôt réjouissantes, si on y réfléchit.

D’abord, on ne nous sort pas par hasard et sans arrière pensée de la naphtaline le chantre de l’identité heureuse, des « enfants de tous pays », des « gens du Nord », des « j’ai quitté mon pays » (j’ai quitté mon pays, suivez mon regard, ça ne vous rappelle pas une actualité urticante ?). Il nous arrive tout juste après le flamboyant octogénaire, chevalier Bayard de la vulgarité sans risque, Guy Bedos, dont le battage médiatique aurait semble-t-il non seulement fait pschitt, mais aussi plouf et paf.

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Qu’est-ce que ça veut dire, tout ça ? Hé bien je vais vous le dire : c’est que les socialistes et les Républicains sont dans une sacrée merde ! Et qu’après avoir tout essayé, médias, chanteurs, sportifs, sportifs chanteurs, comiques gais, comiques tristes, gays, guettes, bi, trans, philes, phobes et anti, ils ne savent plus à quelle momie se vouer pour garder leurs jobs.

Parce qu’en réalité, PS et LR ont un sacré problème, le même d’ailleurs pour l’un que pour l’autre, qui va leur péter à la figure au mois de décembre : les Régionales. Que vont-ils décider entre le premier et le deuxième tour des Régionales, quand ils vont se retrouver en troisième position face à une liste FN arrivée en tête ? Hein ? (Lisez ci-après le « Mode de scrutin des Conseils Régionaux » et vous comprendrez.)

S’ils maintiennent leur liste, ils peuvent espérer conserver quelques élus – prébendes, avantages, clientèle -, mais ils portent objectivement le FN à la tête de la Région – horreur, malheur, déshonneur (encore que l’honneur, ce n’est apparemment pas leur principale préoccupation) -.

Si, n’écoutant que leur conscience pure, et pour sauver la République en danger, ils se retirent en demandant à leurs électeurs de faire barrage à l’Attila bleu marine, ils conservent certes leur blancheur virginale, mais ils n’ont aucun élu, pilule sans doute plus difficile à faire passer qu’une toute petite tache de honte sur leur costume trois pièces déjà bien maculé.

Enfin, s’ils fusionnent leurs listes, oui, vous avez bien lu, ne changez pas de lunettes, il s’agit bien de fusionner des listes PS et LR, et c’est même Juppé qui l’envisage très sérieusement, ils sauvent les meubles, les Régions et toutes les petites choses sans intérêt (au sens que c’est gratuit pour eux) qui récompensent le dévouement à la patrie éperdue de reconnaissance… Tout bénef pour les socialos, puisque incarnant la morale, ils sont de toute façon irréprochables, sans compter que les électeurs qui votent pour eux y trouvent assez d’avantages matériels pour fermer les yeux sur la manière.

Mais le risque est tout autre pour LR, non seulement de perdre à jamais des électeurs déjà de plus en plus réticents à voter pour eux, mais de voir ses militants, qui eux sont vraiment de droite, aller militer ailleurs, là où ils auront l’impression de se retrouver encore en famille… au FN.

Et s’il n’y a plus de militants chez LR, qui va coller les affiches et distribuer des tracts dans les marchés ? NKM, Juppé, Baroin et Le Maire ?

[([*Mode de scrutin des Conseils Régionaux :*]
Les conseillers régionaux sont élus au scrutin de liste selon un système mixte combinant les règles des scrutins majoritaire et proportionnel.
Au premier tour, si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés (plus de 50%), elle obtient le quart des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.
Sinon, il est procédé à un second tour la semaine suivante. Les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés peuvent se maintenir, et éventuellement fusionner avec les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages.
Au second tour, la liste qui arrive en tête obtient un quart des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour.)]