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Affaire Fillon : un mois pour le détruire, dix ans pour le juger

, par  Régis de Castelnau , popularité : 4%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
Article publié le 2 octobre 23

En novembre 2016, François Fillon fut, à la surprise générale, choisi pour représenter la « droite républicaine » à la primaire ouverte organisée par les LR. Tout le monde s’attendait au retour de Nicolas Sarkozy et les dispositifs politico-médiatico-judiciaires étaient fin prêts pour barrer la route à celui qui avait réussi à provoquer dans les couches moyennes une détestation finalement assez voisine de celle qui frappe Donald Trump outre-Atlantique. C’est la bourgeoisie qui se déplaça à la primaire, et portant son choix sur un profil de notaire de province guère enthousiasmant. Lequel était donné quasiment élu d’avance.

Les socialistes réunis autour de François Hollande le président sortant, incapable de se représenter, « comme vomi par le pays » (Emmanuel Todd), durent en urgence changer leur fusil d’épaule. L’opération fut organisée par Jean-Pierre Jouyet secrétaire général de l’Élysée, le Canard enchaîné et Éliane Houlette patronne du Parquet National financier. L’objectif était clair, disqualifier François Fillon et favoriser l’élection d’Emmanuel Macron alors ministre de l’Économie après avoir été secrétaire général adjoint de l’Élysée. On connaît la suite…

Il paraît que diable se niche dans les détails, mais l’adage se révèle d’autant plus vrai que ceux qui sont chargés d’informer l’opinion transforment les faits importants en détails. Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision importante à double titre. D’abord, il a déclaré inconstitutionnel un article du Code de procédure pénale qui interdisait de soulever des nullités de procédure dans les instances pénales. Ensuite, avec cette décision, la procédure commencée en 2017 contre François Fillon va devoir reprendre au niveau de la Cour d’appel et les nullités soulevées par l’ancien candidat à la présidence de la République vont devoir être examinées. Ce n’est pas rien d’apprendre que notre cour suprême met fin à une violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et que la procédure pénale qui a permis de disqualifier François Fillon, assurant ainsi l’arrivée du parfait inconnu, Emmanuel Macron au pouvoir, va devoir en partie être recommencée. Mais cela n’a guère intéressé le système médiatique français. Tout le monde s’est contenté de reprendre mot pour mot la dépêche de l’AFP qui ne disait pas grand-chose, et de revenir à ce qui est important, à savoir l’invasion en France des punaises de lit.

Petit retour en arrière : le cauchemar de François Fillon a donc commencé le 25 janvier 2017 lorsque le Canard enchaîné, qu’on imagine dûment informé par les amis d’Emmanuel Macron, publie un article selon lequel l’ancien premier ministre aurait salarié son épouse comme attachée parlementaire. Le même jour, dans la matinée, PNF, organisme créé par François Hollande pour garantir la protection de ses amis, ouvrait une enquête préliminaire pour poursuivre l’horrible crime. Dont il faut rappeler qu’il a été perpétré par une part importante des parlementaires français depuis 40 ans, mais dont le reproche pénal ne fut fait qu’à François Fillon. Bruno Le Roux, ministre socialiste, et Bruno Le Maire, ministre macroniste, également pratiquants assidus de ces facilités, n’ont jamais été véritablement importunés.

Sans culture judiciaire, François Fillon ne vit pas arriver le missile lancé contre lui et commit toutes les erreurs possibles avant de se retrouver mis en examen 47 jours plus tard, à trois semaines de l’élection présidentielle. Le tout après la procédure la plus rapide de l’histoire judiciaire française, et dont toutes les péripéties furent évidemment étalées dans la presse, en violation de la loi. L’opération, dont c’était l’objectif évident, a abouti à ce que François Fillon finisse troisième au premier tour, permettant ainsi à Emmanuel Macron d’être opposé à Marine Le Pen au second tour et d’être assuré d’entrer à l’Élysée. L’auteur de ces lignes a écrit un ouvrage qui détaille dans quelles conditions ce raid s’est effectué et comment la magistrature a accepté de mettre la main à la patte à la dernière étape d’une opération concoctée par la haute fonction publique d’État et soutenue par l’oligarchie.

Par la suite, il a fallu justifier cette procédure et faire oublier cette intervention directement politique. Les juridictions saisies sur le fond déclarèrent François Fillon coupable et prononcèrent des peines inhabituellement sévères, assortissant leurs décisions de cours de morale publique, sentencieux et intempestifs. Leçons qui sont devenus d’ailleurs une habitude dès lors que ce sont des membres de la classe politique qui sont poursuivis. Comme pour les affaires Sarkozy, la Cour de cassation valida tranquillement toutes les acrobaties procédurales.

La Cour d’appel de Paris confirma la condamnation de François Fillon et celui-ci se pourvut alors en cassation. Et c’est à ce stade qu’il formula sa Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour faire constater par le Conseil le caractère inconstitutionnel de l’article 385 du code de procédure pénale. Celui-ci interdit que l’on puisse soulever des nullités de procédure postérieurement à l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction devant le tribunal. C’est une violation légale grossière des droits de la défense due au fait qu’en France, on préfère l’ordre à la justice et que l’on déteste le formalisme procédural. En oubliant ce que disait le philosophe fonctionnaliste Rudolf von Jhering : « Ennemi juré de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté », François Fillon avait soulevé des nullités qu’il venait seulement d’apprendre, devant la Cour de Paris. Elles furent écartées sans même être débattues. Le Conseil constitutionnel nous a enfin débarrassés de cette atteinte aux droits des justiciables.

La lecture du considérant N°16 de la décision ne laisse pas de place pour le doute : l’arrêt de la Cour d’appel de Paris condamnant François Fillon devrait être annulé par la Cour de cassation et l’affaire rejugée devant une autre cour d’appel. Donc si l’on évalue les délais au doigt mouillé, nous aurons probablement l’arrêt d’annulation en mars 2024 avec un probable renvoi devant la Cour d’appel de Versailles pour fin 2025. On imagine que le corporatisme jouera à nouveau à plein et que Fillon sera condamné. Ce qui donnerait lieu à un nouveau pourvoi en cassation avec arrêt fin 2026. Si je peux me permettre une facétie, je conseillerais aux hauts magistrats de rendre leur décision le 25 janvier 2027, jour anniversaire de l’article téléguidé du Canard enchaîné. Ce serait assez savoureux, 10 ans tout juste après le début du raid judiciaire organisé par la bande de François Hollande — Jean-Pierre Jouyet, Éliane Houlette, Isabelle Champrenault, Serge Tournaire — pour disqualifier la candidature de François Fillon, favorisant ainsi l’élection d’Emmanuel Macron. 10 ans : cela fera les deux mandats de celui-ci. 10 ans qui lui auront permis d’abîmer la France au-delà de ce que l’on pouvait imaginer.

Je me rappelle une discussion avec le politologue Jérôme Sainte-Marie au printemps 2017, lors de laquelle il m’avait dit : « Tu ne reconnaîtras pas la France après les mandats de Macron. » Il avait malheureusement raison.

Régis de Castelnau

Voir en ligne : https://www.vududroit.com/2023/10/a...