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Ukraine : cinq leçons pour l’Europe

, par  Jean-Baptiste Noé , popularité : 3%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Jean-Baptiste Noé

Deux puissances s’affrontent, États-Unis et Russie, sur le dos d’un pays, l’Ukraine, qui est depuis près de 20 ans et des premières révolutions orange l’objet de leur antagonisme et de leurs convoitises. Dans cet affrontement sur le sol européen ne manque qu’un seul protagoniste, le principal, l’Europe. On n’entend ni le Royaume-Uni, ni l’Allemagne, ni la France. Ces pays sont économiquement plus puissants que la Russie, dont le PIB est inférieur à celui de l’Espagne. Leur cohésion sociale est plus forte, alors que la Russie est toujours frappée par une faible espérance de vie pour les hommes (autour de 55 ans) et une dépression démographique plus importante que les pays d’Europe de l’Ouest. Mais la Russie a une armée, moderne en bien des points, entrainée, puissante et elle sait s’en servir.

Première leçon pour l’Europe de cette crise ukrainienne : sans armée, un pays ne compte pas. L’armée ne sert pas à attaquer, mais à dissuader l’autre de nous attaquer. En 1991, l’Ukraine a renoncé à son arsenal nucléaire. Si tel n’avait pas été le cas et si Kiev avait gardé son armement, la Russie ne pourrait pas occuper aujourd’hui les territoires du Donbass. Les pays d’Europe ont une armée, qui s’appelle l’OTAN, mais qui n’est pas une armée nationale et qui donc ne sert pas les intérêts des pays. Ce n’est pas non plus une armée de mercenaires. C’est une armée de tribut et de soumission. Les pays baltes ne voulant pas de l’armée russe sur leurs terres ils ont ouvert leurs frontières à l’armée de l’OTAN. C’est, depuis 30 ans, tout l’enjeu de l’Ukraine : quelle armée occupera son territoire, l’otanienne ou la russe ? Nombreux sont les pays d’Europe à avoir abdiqué leur indépendance en acceptant de se soumettre à une armée autre que celle de leur pays.

Deuxième leçon pour l’Europe : l’indépendance énergétique est primordiale. En renonçant au nucléaire, l’Allemagne et la Belgique se sont soumises au gaz russe. En 2020, 55% du gaz consommé en Allemagne provenait de Russie. On comprend que Berlin soit si désireuse de mettre en service le gazoduc Nord Stream 2 afin d’accroitre encore davantage l’arrivée du gaz russe. Ce faisant, l’Allemagne accepte sa dépendance et renonce à toute autonomie énergétique. Berlin a dû renoncer à Nord Stream 2 sous l’effet de la pression américaine qui ne veut pas voir l’ouverture de ce gazoduc. L’Allemagne n’a donc plus de souveraineté politique. Il est heureux que le président Macron, après avoir attaqué la filière nucléaire durant 5 ans, vienne d’un coup d’en redécouvrir les bienfaits et de relancer le programme nucléaire français.

Troisième leçon : l’hypocrisie moralisatrice finie toujours être retournée contre soi. L’Europe ne peut opposer aucun argument politique et philosophique à Poutine puisque celui-ci ne fait qu’appliquer la théorie politique européenne. Que peuvent dire des pays qui ont soutenu la guerre contre la Serbie dans les années 1990, qui en ont détaché le Kosovo pour créer un État artificiel et mafieux ? Que peuvent dire des pays qui ont attaqué l’Irak, au mépris des résolutions de l’ONU et en mentant sur les armes de destructions massives ? Difficile alors de parler de respect du droit international et de l’intangibilité des frontières. Impossible aussi de s’offusquer de la défense de groupes sécessionnistes quand on a soi-même, en Syrie, financé et défendu « les rebelles », c’est-à-dire des groupes islamistes attaquant un État légitime agressé. Difficile aussi après l’intervention en Libye, où la résolution de l’ONU fut violée, allant jusqu’à renverser Kadhafi et à détruire un État légitime. Comment enfin s’opposer à ce que le Donbass rejoigne la Russie quand on défend depuis un siècle « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » et que l’UE soutient « l’Europe des régions », c’est-à-dire la sécession de la Catalogne et de l’Écosse ? Ce que les Européens font depuis 30 ans, au nom de la démocratie et des droits de l’homme, les Russes ne pourraient pas le faire en Ukraine ?

Quatrième leçon : le mensonge dissout les relations internationales. En 1991, les États-Unis avaient promis que l’Ukraine n’intègrerait jamais l’OTAN, puis ils sont régulièrement revenus sur cette promesse en défendant l’extension de l’OTAN jusqu’à la Russie, ligne rouge inacceptable pour Moscou. Si les États-Unis ne veulent pas de missiles soviétiques à Cuba, on peut comprendre que la Russie ne veut pas de missiles otaniens en Ukraine. Mensonge en 2003 pour justifier l’intervention en Irak. Mensonge en 2011 sur le dossier libyen, tant le renversement de Kadhafi était programmé. Mensonges durant toute la guerre en Syrie. À force de mentir, plus personne ne croit les États-Unis. La diplomatie repose essentiellement sur la parole et sur la confiance. En mentant, Washington a dissout ce qui fait la nature même de la diplomatie. Ne reste donc plus que la force et l’armée.

Cinquième leçon : la recomposition du monde se fait sans les Européens . Les États-Unis voudraient exclure la Russie de la messagerie Swift, la privant ainsi des possibilités d’échanges bancaires, mais cette sanction pénaliserait autant Moscou que les entreprises européennes travaillant avec la Russie. Les sanctions économiques vont peu peser sur les États-Unis, mais beaucoup plus sur les pays d’Europe. La Chine pourra ouvrir en grand ses bras pour continuer à accueillir les activités russes. Au moment où le monde s’écrit en Eurasie, l’Europe est absente de sa propre aire d’influence.

Voir en ligne : https://institutdeslibertes.org/ukr...