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Twitter : le pari libertarien d’Elon Musk

, par  Frédéric Mas , popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Il fait rêver les plus technophiles d’entre nous, manie l’humour grinçant sur Twitter, et maintenant suscite l’espoir des défenseurs de la liberté d’expression exaspérés par les politiques de modération des plateformes.

En rachetant Twitter pour 44 milliards de dollars, Elon Musk promet aux yeux des plus optimistes de transformer un safe space pour progressistes en paradis libertarien où toutes les voix pourront s’exprimer.

Elon Musk acquiring Twitter is a big win for free speech.

— Lex Fridman (@lexfridman) April 25, 2022

L’initative du roi de la tech a d’abord suscité l’effroi du monde politico-médiatique avec plus ou moins de mauvaise foi. Parmi les craintes les plus loufoques, on retrouve les accusations désormais classiques venant des gardes rouges woke. Avec Musk aux manettes, ce sont les minorités qui vont être menacées, le suprémacisme blanc et le patriarcat vont pouvoir pérorer sans crainte.

Elon Musk has openly called himself a “free speech absolutist” and said that he wants to create a space where anything can be said about anyone.

That’s why white nationalists are giddy today. Here on Twitter and other platforms that I track daily.

It’s dangerous.

— Shaun King (@shaunking) April 25, 2022

D’ailleurs, Elon Musk est originaire d’Afrique du Sud, ce qui signifie bien qu’il est raciste-suprémaciste-nostalgique de l’apartheid.

At its root, @ElonMusk wanting to purchase Twitter is not about left vs right.

It’s about white power.

The man was raised in Apartheid by a white nationalist.

He’s upset that Twitter won’t allow white nationalists to target/harass people. That’s his definition of free speech.

— Shaun King (@shaunking) April 25, 2022

Avant même l’acquisition de Twitter par Elon Musk, les trolls les plus virulents crient au scandale : la liberté d’expression n’est qu’un code pour avancer un agenda politique réactionnaire. Vous avez dit complotistes ?

Musk n’a jamais pris publiquement position politiquement, et est connu pour être donateur pour le parti démocrate comme pour le parti républicain. Contrairement à un Peter Thiel , il ne s’est jamais déclaré ouvertement libertarien. Mais peut-être que les dernières années, particulièrement riches en politiques autoritaires, ont convaincu le milliardaire de défendre franchement la liberté ?

Le « danger » du pluralisme

Parmi les voix les plus liberticides, c’est le retour du pluralisme politique qui fait peur. La première déclaration d’Elon Musk sur les réseaux après le rachat de Twitter est une vibrante apologie de la liberté d’expression :

« La liberté d’expression est le fondement d’une démocratie qui fonctionne, et Twitter est la place publique numérique où sont débattues les questions vitales pour l’avenir de l’humanité ».

Cela pourrait donc signifier une visibilité accrue pour les conservateurs, les hétérodoxes et les radicaux. On sait qu’Elon Musk n’aime pas beaucoup la censure, les wokes, qu’il s’agace de l’unanimisme porté par les réseaux, que ce soit sur la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, la cancel culture ou même… la démographie.

pic.twitter.com/CfoJ3qdCRJ

— Elon Musk (@elonmusk) March 14, 2022

Ceux qui s’alarment de voir réapparaître des discours qui à leurs yeux sont condamnés par l’Histoire, la Marche du monde, la science ou la morale publique dictée par les CSP+ de la Silicon Valley ont depuis longtemps condamné le débat démocratique lui-même. Déjà les comptes mainstream s’affolent du retour de Donald Trump, ou de la contestation de l’orthodoxie sanitaire par des hordes d’antivax déchaînés.

Parmi les voix critiques les plus sérieuses, ce sont les déstabilisations politico-idéologiques qui pourraient provenir des réseaux qui sont à craindre, parce que Twitter pourrait s’éloigner des institutions politiques organisées. Jonathan Haidt l’observait récemment dans un article de The Atlantic : la fragmentation culturelle poussée par les réseaux sociaux, plus encore que la polarisation politique, fait tanguer la démocratie libérale.

Les étatistes ont tous en tête l’élection de Donald Trump , que certains ont accusé d’avoir été porté au pouvoir par des réseaux charriant les discours les plus extrémistes et les fake news. L’ancien président, exclu au moment de la prise d’assaut du Capitole, va-t-il voir son compte rétabli ? Plus généralement, certains craignent à la fois les opérations de déstabilisation de l’opinion publique à grande échelle si Twitter se transforme en open space, d’autres voient d’un mauvais œil que la principale « place publique » du numérique soit sous protectorat d’un milliardaire.

On se contentera ici de remarquer que l’existence même de la cancel culture tend à montrer que les vagues de déstabilisation, d’atteintes groupées à la réputation des biens et des personnes, existent déjà, et que comme d’habitude, le secteur privé fait le travail que le secteur public ne fait plus correctement depuis des années.

Un rêve libertarien, un monde étatiste

Si Musk semble faire le pari de la liberté d’expression, n’oublions pas que le monde réel n’est hélas pas libertarien du tout, et que les entraves à la liberté d’expression, comme à la liberté individuelle en général, sont légion. Liz Wolfe note sur Reason.com que si Elon Musk semble assez vocal sur la liberté d’expression, tout semble indiquer qu’il n’a qu’une vague idée de la manière dont celle-ci pourrait s’appliquer concrètement pour Twitter :

« Musk ne semble pas avoir une compréhension particulièrement solide du « discours de haine » et de la mesure dans laquelle ce que nous appelons discours de haine est, en fait, protégé par le premier amendement. »

Ajoutons qu’indépendamment des intentions de Musk, Twitter sera également tenu de respecter les contraintes extrêmement restrictives du Digital Service Act européen en matière de discours racistes et xénophobes.

Depuis des années, les États occidentaux externalisent leur censure en la faisant porter par des réseaux sociaux qui se mettent en quatre pour nettoyer les discours jugés inconvenants. À ces problématiques s’ajoutent celles, plus terre à terre, touchant au spamming, comme l’explique encore Liz Wolfe. En d’autres termes, la marge de manœuvre d’Elon Musk semble étroite, et son pari ne sera gagnant qu’à condition de rapporter un peu d’argent.

Ryan McMacken, économiste associé au Mises Institute , rappelle que l’action Twitter en bourse n’a jamais fait d’étincelles :

« L’action de Twitter n’a pratiquement pas évolué au cours de la dernière décennie, le cours ayant démarré entre 40 et 60 dollars fin 2013, et évoluant toujours entre 35 et 55 dollars au cours des six derniers mois. L’action ne verse pas de dividende, et Twitter n’a jamais vraiment compris comment transformer les utilisateurs en dollars publicitaires lucratifs. »

Elon Musk prévoit de faire passer Twitter à un modèle d’abonnement premium pour diminuer la place de la publicité, mais seulement dans l’anglosphère. L’effet d’annonce d’Elon suffira-t-il à faire rebondir Twitter ?

Peut-être sommes-nous en train d’être les témoins des premiers signes d’effritement de l’alliance entre les géants de la tech et de l’establishment progressiste occidental pour contrôler la parole publique.

in case u need to lose a boner fast pic.twitter.com/fcHiaXKCJi

— Elon Musk (@elonmusk) April 23, 2022

Peut-être faut-il s’attendre aussi à une réaction des États, qui ne peuvent voir que d’un mauvais œil la sécession numérique d’Elon Musk au nom d’une conception de la liberté d’expression qui leur est devenue étrangère depuis bien trop longtemps.

pic.twitter.com/TW2lLQakE5

— Elon Musk (@elonmusk) April 7, 2022

Article publié initialement le 27 avril 2022

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2022/1...