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Russie-Turquie : l’Occident va-t-il à nouveau choisir le mauvais cheval ?

, par  vanneste , popularité : 5%
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Le duo (ou le duel) entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan revêt la politique internationale d’une dimension personnelle remarquable. La plupart des démocraties sont vouées à des alternances ou soumises à des règles constitutionnelles qui limitent la durée de leurs dirigeants, et quand celle-ci leur est accordée, le pouvoir reste contraint par des oppositions parlementaires ou des protestations populaires. Le Président russe, à la tête de l’Etat ou du gouvernement, dirige le pays depuis vingt ans, celui de la Turquie, dans les mêmes fonctions, depuis dix-sept ans. Seule Mme Merkel pourrait rivaliser avec ses presque quinze ans de chancellerie, mais bien que l’Allemagne soit plus puissante économiquement que les deux autres, ses marges de manoeuvre sont beaucoup plus limitées par le système politique allemand, par l’intégration du pays à l’Union Européenne et à l’Otan, et par une mauvaise conscience historique qui inhibe la parole autant que l’action, dès que l’on quitte le domaine de l’économie pour celui de la stratégie internationale.

Historiquement, la Russie et la Turquie ont toujours été des adversaires. Moscou se voulait la troisième Rome, après Byzance, dont elle perpétue le christianisme orthodoxe. Elle a toujours considéré le verrou des détroits de la Mer Noire, comme une insupportable limite à son accès à la liberté des mers. Or c’est la Turquie qui en a la clef. Une grande partie des territoires gagnés par l’Empire tsariste l’a été à la suite de victoires sur les Turcs. La révolution bolchévique a malheureusement donné aux Turcs la région de Kars, qui était russe avant 1914, et peuplée d’Arméniens. La Turquie, depuis le début du XXe siècle, tend à réaliser une homogénéité ethnique et religieuse. Les Chrétiens qui constituaient un tiers de la population anatolienne en 1900, sont évalués dans une fourchette comprise entre 2% et 0,2% de la population.

Erdogan cumule l’héritage nationaliste turc violemment opposé aux minorités ethniques et l’islamisme conquérant des Frères Musulmans. A la suite de la victoire des Arméniens sur les Azéris, les premiers soutenus par la Russie, il a fait raser le monument qui à Kars célébrait « l’amitié turco-arménienne ». Qardawi, le prêcheur frèriste sur Al-Jazeera voit en lui le futur nouveau calife, Le dernier étant l’ultime sultan ottoman… L’ambition du président turc est immense. Elle s’est déployée lors du Printemps arabe par le biais des Frères Musulmans qui animaient la révolution en Egypte, et la guerre en Libye, à travers les milices de Misrata, et en Syrie, avec les islamistes « modérés » de l’ASL. Ce soutien encore très visible dans les deux pays s’étend parfois jusqu’aux djihadistes. Autour d’Idlib, l’armée turque aide en fait l’avatar d’Al-Qaïda, Hayat Tahrir al-Cham contre l’armée syrienne et ses alliés. Sa connivence avec l’Etat islamique fut évidente : frontière poreuse pour l’arrivée des djihadistes, et dans l’autre sens pour le pétrole volé à la Syrie ; refus de participer aux opérations militaires contre daesh ; absence de soutien aux Kurdes, considérés par Ankara comme des ennemis prioritaires. Récemment, Erdogan a signé avec le gouvernement fantoche de Tripoli un accord qui lui octroie une extension de la zone maritime turque vivement contestée par des pays voisins, notamment la Grèce. Erdogan est un brutal sans nuances : il ne craint pas d’appeler l’OTAN à la rescousse puisque la Turquie en est membre alors que son armée intervient en Syrie sans mandat. Maniant à la fois la souveraineté en prétendant sa frontière menacée, le droit international humanitaire et la légitime défense pour attaquer l’armée syrienne sur son territoire, tout en menaçant l’Europe de déverser sur elle, et donc sur la Grèce, membre de l’OTAN, un flot de réfugiés, Erdogan fait feu de tout bois sans vergogne. Mis en difficulté par une tentative de coup d’Etat et des déconvenues électorales, il compte sur le nationalisme turc pour réaffirmer son pouvoir.

Or, Vladimir Poutine a réussi le tour de force d’un rapprochement entre les deux pays. La Russie est certes plus puissante. Mais sa population composite avec une forte minorité musulmane l’oblige à plus de circonspection. Elle fait la guerre au terrorisme islamiste, non à l’islam. Lors du putsch turc, elle a affirmé sa solidarité avec Erdogan. Elle a accepté sans broncher qu’on lui abatte un avion, qu’on lui assassine un ambassadeur, et pendant ce temps, elle permettait à Bachar Al-Assad de reconquérir la plus grande partie du territoire, avec l’assentiment d’Ankara. Hier encore, elle autorisait le président turc à jouer les matamores en se vengeant sur les troupes syriennes, alors qu’elle est maîtresse du ciel. Mais Saraqeb a néanmoins été reconquise par ces dernières, et la police militaire russe y patrouille pour assurer la paix. Cette ville est au croisement des deux autoroutes qui relient Alep à Damas et à la mer. Elle est essentielle pour le redressement économique du pays, pour répondre à la détresse d’une population dont on ne parle jamais tandis qu’on se répand sur la misère des zones contrôlées par les terroristes.

Le droit international et les perspectives de paix jouent en faveur de Poutine. Il est scandaleux que les Occidentaux, une fois encore, semblent tendre l’oreille aux appels de l’agresseur et du maître-chanteur. Il est plus révoltant encore que notre presse soit totalement partiale à l’encontre de la Syrie. Dans deux jours, les deux chefs d’Etat vont se rencontrer à Moscou. Il faut espérer que le Russe parvienne à ramener le Turc à la raison, et à faciliter le retour de la paix pour les Syriens. Quant à nos gouvernants, membres de l’OTAN et de l’UE, s’ils avaient un peu de cette force de caractère qui anime les deux protagonistes, ils devraient exclure la Turquie de l’OTAN, bloquer résolument les frontières et cesser de verser une rançon. Erdogan a voulu la guerre, il l’a entretenue, il a les réfugiés : qu’il les garde !

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