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Quand le Hamas retrouve son chemin de Damas

, par  Elie Kossaifi , popularité : 4%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
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Après une décennie de froid et après avoir soutenu les groupes islamistes combattant Damas, le mouvement palestinien Hamas s’est réconcilié avec le régime syrien à l’issue d’une rencontre qui a eu lieu dans la capitale syrienne le 19 octobre 2022. Cette décision qui mûrit depuis plusieurs années sous l’œil vigilant de l’Iran et du Hezbollah ne peut être comprise indépendamment des changements qui affectent la géopolitique du Proche-Orient.

Pendant de longues années, le régime syrien et le Hamas ont entretenu une relation étroite. Damas a été un refuge pour les leaders du mouvement palestinien depuis le début des années 2000. En plus de la dimension politique, militaire et sécuritaire, il y avait un lien personnel très fort entre le président syrien et l’ancien président du bureau politique du mouvement, Khaled Mechaal, qui résidait à l’époque dans la capitale syrienne. Selon le chercheur palestinien Sakr Abou Fakhr, « les proches de Mechaal affirment que ce dernier rencontrait Assad lors de soirées barbecue ».

L’ONU estimait qu’il y avait alors plus d’un demi-million de réfugiés palestiniens qui résidaient en Syrie, notamment au camp de Yarmouk (près de Damas). Ce camp avait connu des batailles féroces fin 2012 . Abou Fakhr rappelle que le Hamas avait alors pris part au combat à l’intérieur du camp via le groupe Le butin de Jérusalem, conduit par un des proches de Mechaal. Ses combattants avaient pris le contrôle de la partie sud du camp avant de permettre l’arrivée de groupes extrémistes qui ont pris le relais. Mais le régime et ses alliés avaient fini par l’emporter.

Sur le plan politique, les deux principaux chefs du Hamas avaient clairement exprimé leur opposition à Assad. Ainsi, Ismaïl Haniyeh avait déclaré lors d’une prière du vendredi à la mosquée Al-Azhar en février 2012 : « Je salue tous les pays du printemps arabe, et je salue le peuple syrien héroïque qui milite pour la liberté, la démocratie et la réforme ». Quant à Khaled Mechaal, il avait brandi le drapeau de la révolution syrienne lors des célébrations du 25e anniversaire de la fondation du mouvement Hamas en décembre 2012 à Gaza, en déclarant : « Nous ne soutenons la politique d’aucun État ni d’aucun régime qui mène une bataille sanglante contre son propre peuple ». Ces positions ont été adoptées après que les leaders du Hamas ont quitté Damas pour s’installer au Qatar.

Un bras de fer entre politiques et militaires

Abou Fakhr explique que « la position du Hamas vis-à-vis du régime syrien reflétait celle des Frères musulmans, qui soutenaient les révolutions des printemps arabes en croyant qu’elles leur pavaient la route vers le pouvoir, notamment après leur victoire en Égypte et en Tunisie ». Il souligne également que deux courants cohabitaient au sein du Hamas : le premier affirmait que le mouvement devait rester neutre vis-à-vis de ces soulèvements, et le second poussait à l’adoption de la position générale des Frères musulmans dans la région, sachant que l’organisation égyptienne est considérée comme la maison mère du mouvement palestinien. Mais selon la chercheuse au German Institute for Global and Area Studies Marine Al Kous, les Brigades d’Ezzedine Al-Qassam, bras armé du Hamas, voyaient d’un mauvais œil le départ du mouvement de Syrie, à cause de la baisse du soutien financier et militaire iranien qui s’en est suivie.

Cet éloignement géographique n’a pourtant pas fait complètement sortir le Hamas du giron iranien, comme le rappelle le politologue Charles Lister du Middle East Institute sur le site de la chaîne qatarie Al Jazira1 bien que leur relation ait connu un certain recul avec les révoltes de 2011, et ce jusqu’à l’attaque israélienne de 2014 contre Gaza . Ainsi, en mars 2015, Khaled Mechaal, alors président du bureau politique du Hamas, a rencontré Ali Larijani, président du parlement iranien. L’événement a été qualifié par Bassem Naïm, vice-président du département politique du Hamas, comme étant un signe de « réchauffement de la relation étroite entre le mouvement et Téhéran ». De son côté, Larijani avait déclaré en marge d’une visite effectuée au Liban en décembre 2014 que le Hamas et le Jihad islamique étaient deux mouvements de résistance efficaces.

Mais le vrai « réchauffement » a eu lieu en 2017, après les élections internes du mouvement qui ont abouti à la victoire des représentants de l’aile militaire, et sa prise de contrôle des institutions de la bande de Gaza. Le nouveau chef du Hamas dans le territoire, Yahya Essenouar, ainsi que la plupart des membres du bureau politique sont en effet issus des Brigades Al-Qassam, ou en sont proches.

Gaza, Téhéran, Beyrouth

Ce réchauffement des relations entre Téhéran et le Hamas n’a pas tardé à déteindre sur les relations avec le mouvement avec le Hezbollah libanais, proche allié de l’Iran. Les deux groupes palestinien et libanais étaient proches jusqu’en 2011, grâce à leur coopération politique et militaire, et leur adhésion à ce qu’il est convenu d’appeler « l’axe de la résistance » (contre Israël), aux côtés de la Syrie et de l’Iran. Al Kous rappelle que le Hezbollah a, historiquement, toujours eu un ascendant sur le Hamas, assurant l’entraînement militaire de ses troupes, lui prodiguant des conseils politiques et soutenant ses relais médiatiques. De plus, de nombreux leaders du Hamas vivent dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah. Ce faisant, le parti de Dieu a toujours constitué un lien important entre le mouvement palestinien et Téhéran.

Mais après le déclenchement de la guerre en Syrie, le Hamas a soutenu des groupes d’opposition tandis que le Hezbollah a envoyé ses combattants défendre le régime d’Assad, faisant tomber leur collaboration à son plus bas niveau. Toujours selon Marine Al-Kous, s’ils ont continué à entretenir un minimum de communication en privé, les deux partis se sont échangé maintes critiques en public. Les membres du Conseil législatif du Hamas ont par exemple souligné que le soutien militaire du parti au régime d’Assad n’avait rien à voir avec la résistance. De son côté, le Hezbollah a accusé le mouvement palestinien de trahir la cause de la résistance à Israël, et de trop se rapprocher des Frères musulmans en Égypte.

Mais là aussi, les relations se sont améliorées durant la première moitié de l’année 2017. Déjà en mai 2015, Mohamed Al-Deif, commandant en chef des Brigades d’Al-Qassam, avait écrit à au secrétaire général du Hezobllah Hassan Nasrallah, appelant à unir leurs forces face à Israël, ce qui reflète la volonté manifeste et précoce des dirigeants militaires du Hamas de rétablir les relations du mouvement avec l’Iran et le Hezbollah. Les réunions bilatérales entre les principaux responsables ont alors repris, comme celui du 31 octobre 2017 qui a réuni à Beyrouth Hassan Nasrallah et le vice-président du bureau politique du Hamas Salah Al-Arouri. Le lendemain, Ismaïl Haniyeh avait participé à la deuxième conférence mondiale pour soutenir la résistance qui avait lieu à Beyrouth. Plus de cent personnes, venues de 80 pays, y ont pris part, dont Nasrallah et son numéro deux Naïm Kassem.

Dès 2017, le Hezbollah a graduellement permis au Hamas d’élargir sa présence politique, militaire et sécuritaire au Liban. Après la crise du Golfe entre le Qatar, un des principaux soutiens du mouvement palestinien, et l’Arabie saoudite cette année-là, Al Arouri s’était réfugié à Beyrouth, Doha n’étant plus capable d’accueillir les leaders toujours en activité du Hamas, étant trop occupé à récuser les accusations de financement du terrorisme.

La visite d’Haniyeh à Beyrouth en septembre 2020 montre le changement dans la nature de la présence du Hamas sur la scène libanaise. Le chef du bureau politique y a rencontré Nasrallah, et de nombreux membres du Hamas se sont déployés de manière visible et massive dans le camp d’Aïn Al-Hilweh. La visite d’Haniyeh advenait par ailleurs peu de temps après la signature de l’accord de normalisation entre les Émirats arabes unis et Israël le 13 août 2020, lui conférant ainsi une signification politique sans équivoque, et montrant la disposition de « l’axe de la résistance » à retrouver son unité. Par ailleurs, Mohamed Al-Sinwar, membre de l’état-major des Brigades Al-Qassam a révélé l’existence d’une chambre d’opérations commune entre son mouvement et le partenaire libanais2, qui a soutenu le Hamas durant la bataille de « L’épée de Jérusalem » en mai 2021. À la tête de cette chambre basée au Liban se trouvaient des officiers du Hezbollah et des Gardiens de la révolution iraniens. Autre preuve de cette présence militaire et sécuritaire du Hamas au Liban : l’explosion du dépôt d’armes appartenant au mouvement palestinien dans le camp de Borj Al-Chemali, près de Tyr, le 12 décembre 2021, et qui a entraîné la mort de Hamza Shaheen, un des cadres du mouvement.

Sur le plan politique, le Hamas a œuvré à une réconciliation politique entre le Hezbollah et le Groupe islamique au Liban3 Il a ensuite réussi à placer à leur centre de décision l’aile qui lui est la plus proche, et dont les membres seraient par ailleurs des salariés du mouvement palestinien, selon le journaliste Sohaib Jawhar, spécialiste des mouvements islamistes.

Défaites décisives, d’Alep jusqu’au Caire

Le rétablissement des relations avec le Hezbollah et l’Iran ne pouvait avoir pour conséquence qu’une réconciliation entre le Hamas et le régime syrien. De son côté, le Hamas a petit à petit commencé à témoigner de son désir de « revenir » en Syrie, surtout après les élections internes de 2017. Ce désir a commencé à se manifester après l’offensive israélienne contre Gaza en 2014. Selon Abou Fakhr, c’est le courant qui tenait à la neutralité du mouvement dans le cadre du soulèvement syrien qui a poussé à ce que l’on remercie l’Iran et la Syrie pour leur soutien, le premier envoyant des armes depuis la seconde, et celles-ci transitaient par le Soudan et l’Égypte.

Un journaliste palestinien à Beyrouth qui ne souhaite pas révéler son identité affirme que la question de la réconciliation avec Damas a commencé à faire son chemin dans les milieux du Hamas après que le régime a remporté la bataille d’Alep, durant l’été 2016. Il était clair à ce moment-là que l’opposition était incapable de faire chuter le régime. De fait, le pari du Hamas sur l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Syrie devenait illusoire, surtout après le renversement de leur gouvernement en Égypte.

Désormais, ce ne sont plus seulement les ailes militaire et sécuritaire du Hamas qui appellent à rétablir les relations avec le régime syrien. Même Ismaïl Haniyeh a changé de discours sur cette question, après son élection à la tête du bureau politique, et à se rapprocher de la Syrie et de l’Iran. En 2018, il a même affirmé que les déclarations qui lui ont été attribuées concernant un quelconque soutien à la révolution syrienne manquaient de précision, et que le Hamas n’a jamais été en conflit avec le régime syrien.

Mais pourquoi dans ce cas a-t-il fallu attendre tout ce temps pour que la réconciliation ait lieu ? Ce retard est-il dû uniquement aux réserves du régime syrien, ou bien les intérêts de toutes les parties impliquées dans cette réconciliation n’étaient-ils pas encore suffisamment clairs ?

Difficile de croire que ce sont les états d’âme de Damas qui ont retardé la chose. Car dans le rapport de force actuel, le régime d’Assad ne peut rien refuser à l’Iran, a fortiori pour ce que ce dernier considère comme relevant de son intérêt vital. Il n’empêche que les conditions d’accueil du représentant du Hamas, Khalil Al Hayya, à Damas et sa rencontre avec Assad le 19 octobre 2022 n’expriment pas tant les réserves du président syrien quant au Hamas que la volonté d’Assad de montrer qu’il pèse au sein de « l’axe de la résistance ».

Les exigences de Bachar Al-Assad

Damas a établi quelques conditions préalables au rétablissement de ses relations avec le Hamas. Parmi ces conditions, le journal saoudien Al-Charq Al-Awsat cite l’éloignement de certains leaders du mouvement qui ne devront pas fouler le sol syrien, parmi eux Khaled Mechaal4. Le régime syrien distingue ainsi entre la frange « résistante » du mouvement, et celle qui est alignée sur « les Frères », selon un article du journal syrien proche du régime Al-Watan, en date du 10 octobre 2022. Les médias syriens ont d’ailleurs peu relayé la nouvelle de la réconciliation. Al-Watan avait également révélé, le 18 octobre 2022 — soit la veille de la rencontre de réconciliation — qu’Al-Hayya avait été choisi pour diriger la délégation du Hamas en Syrie, traduisant clairement la volonté du régime de montrer que c’est lui qui mène la danse, tant sur le fond que sur la forme.

Selon plusieurs sources journalistiques que nous avons croisées, Damas aurait également exigé que le Hamas s’excuse de son ancienne position sur la guerre en Syrie, chose que le mouvement aurait « catégoriquement refusé ». Au lieu de cela, le Hamas a publié le 15 septembre 2022 un communiqué où il affirmait rétablir ses relations avec Damas et insistait sur « ses efforts pour construire et développer des relations solides avec la Syrie ». Cette décision avait déjà été annoncée par Al-Hayya le 22 juin 2022 dans les colonnes du journal libanais Al-Akhbar, réputé proche du Hezbollah. Pour le mouvement palestinien, il s’agit de « servir la oumma et ses causes justes, et en premier lieu la cause palestinienne, surtout au vu des évolutions régionales et internationales rapides ». Le communiqué du Hamas a également condamné les bombardements israéliens en Syrie.

Pour beaucoup d’analystes, cette réconciliation doit beaucoup au désir de l’Iran de restaurer « l’axe de résistance », afin de répondre aux normalisations qui ont eu lieu en 2020 entre Israël et quatre pays arabes, et plus récemment avec la Turquie . Bassem Naïm a déclaré à ce propos que « puisque certains pays arabes ont choisi de normaliser leurs relations avec Israël, il est logique que le Hamas soit aux côtés de ceux qui choisissent la résistance contre l’ennemi sioniste »5. Or, comme on l’a vu, les efforts de l’Iran et du Hezbollah pour tenter de réconcilier les deux parties sont bien antérieurs à cette vague de normalisation. « C’est juste que les raisons sont maintenant arrivées à maturité », affirme Abou Fakhr. Ce qui est sûr, c’est que cette décision traduit une convergence des intérêts de toutes les parties concernées… y compris la Russie, selon le journaliste anonyme palestinien. Le Hamas a d’ailleurs bénéficié dernièrement d’aides financières de la part de Moscou.

Loin d’Istanbul, encore plus de Doha

Mohamed Kawass, contributeur du site libanais Assas Media signale que :

La Turquie cherche à rétablir son principe du zéro problème avec ses voisins, alors que la réconciliation des pays du Golfe [qui a eu lieu dans la ville saoudienne d’Al-Ula le 4 janvier 2021] a imposé une nouvelle réalité au Qatar dans ses relations avec ses voisins du Golfe et les cercles arabes et internationaux. De fait, le Hamas a perdu de son soutien qatari et turc6.

Le nouveau rapprochement entre la Turquie et Israël a en effet incité la première à réduire la présence du Hamas sur son territoire, ce qui a conduit à l’expulsion de dix militants du mouvement de Turquie.

Abou Fakhr relativise toutefois la donne pour Doha :

La réconciliation entre Damas et le Hamas n’a pas mis celui-ci en mauvais termes avec le Qatar. Celui-ci sait que le mouvement palestinien est obligé de normaliser ses relations avec Assad, et les Qataris n’ont aucun problème avec les Iraniens qui souhaitent également cette réconciliation.

Comme le disait Charles Lester sur la chaîne Al Jazira : « La dynamique la plus intéressante dans le cadre de cette réconciliation est la relation entre le Hamas et le Qatar, qui reste le pays le plus déterminé de la région à continuer à résister à toute normalisation avec le régime d’Assad ». Pour Lester, « le temps dira si Doha est capable de réconcilier ces deux positions contradictoires », c’est-à-dire sa proximité avec le Hamas, et la normalisation des relations de ce dernier avec le régime d’Assad, auquel le Qatar s’oppose toujours farouchement. Les médias qataris ont d’ailleurs traité le sujet de manière critique. Lors de la conférence de presse qui a suivi sa rencontre avec Assad, Khalil Al-Hayya a indiqué que « le Hamas a pris la décision de retourner à Damas de son propre chef, mais il en a informé les pays avec lesquels il entretient des relations », niant toute objection de leur part, « y compris le Qatar et la Turquie ». Toutefois, le même Al-Hayya a publié un communiqué le 23 octobre indiquant que Doha n’a pas apprécié le rétablissement des relations entre le Hamas et Assad.

Difficile situation sécuritaire

Ce qui est toutefois certain, c’est que le Hamas a pris la décision de se réconcilier avec Assad en prenant en considération d’abord et avant tout ses propres intérêts, avant les intérêts d’une quelconque des parties régionales qui le soutiennent. En d’autres termes, le mouvement a constaté qu’il avait moins à y perdre qu’à y gagner. L’analyste syrien Karam Cha’ar estime que « l’isolement politique du Hamas dans la région le pousse à rester dans le giron de l’Iran ». Al-Hayya a souligné que cette décision a été prise de manière unanime au sein du bureau politique, ce qui prouve bien que ce choix était surtout une nécessité.

Cha’ar explique que :

Le Hamas a normalisé ses relations avec la Syrie sous pression iranienne. Téhéran a exigé cette réconciliation pour continuer à soutenir le mouvement palestinien. Maintenant que c’est fait, le soutien iranien au Hamas va augmenter.

Quant à Lester, il rappelle que « le Hamas se définit par sa résistance à Israël. Pour maintenir cela, il a besoin non seulement du soutien stratégique iranien, mais aussi de celui de la Syrie ». En effet, le retour du Hamas sous l’aile de « l’axe de la résistance » n’est pas seulement dû à des raisons politiques, mais également à des raisons militaires et sécuritaires. Abou Fakhr rappelle que « les deux dernières guerres sur Gaza ont prouvé que les armes de la résistance palestinienne ont besoin d’évoluer ». Or cette évolution ne peut être que le fait de l’Iran. Quant à la Syrie, elle jouait un rôle important comme pays de transit pour faire parvenir les armes au Hamas, mais aussi comme pays d’accueil pour ses camps d’entraînement.

La présence du Hamas en Syrie ne sera plus la même qu’avant le soulèvement. Certes, Al-Hayya a qualifié sa rencontre avec Assad de « chaleureuse » — ce qui a suscité de larges critiques dans les cercles proches -, mais le mouvement ne retrouvera probablement pas son siège en Syrie. Un membre du mouvement a déclaré au site britannique Middle East Eye :

La Syrie n’est plus ce qu’elle était, et sa situation sécuritaire est difficile aujourd’hui. La direction du mouvement n’y retournera pas. Le rétablissement des relations est une décision politique et logistique pour renforcer les alliances dans la région7.

Des sources syriennes ont déclaré pour leur part au journal libanais Al-Akhbar que « le retour de la représentation du mouvement et d’une partie de son activité à Damas nécessite plus de temps, au vu des complications qui ont affecté les relations entre les deux parties »8.

Pour Abou Fakhr, les deux parties se trouvent en ce moment dans une phase de test. Le représentant permanent du Hamas à Damas serait selon lui Ali Baraka, qui a occupé le même poste au Liban, et qui assiste Oussama Hamdan, le responsable des relations extérieures du mouvement. Le journaliste palestinien à Beyrouth suggère plutôt quant à lui que le retour du Hamas à Damas s’effectue sous l’aile du Hezbollah et des gardiens de la révolution iranienne.

La Syrie n’a pas réussi à capitaliser sur ses relations arabes pour faire son retour à la Ligue des États arabes. La réconciliation avec le Hamas représente par conséquent une sorte de prix de consolation lui permettant de redorer son image de pays arabe et soutien à la cause palestinienne. Mais le principal bénéficiaire de cette réconciliation est sans doute l’Iran, qui retrouve ainsi un maillon perdu de sa chaîne d’alliances dans le Proche-Orient. Il réactualise ainsi la logique d’un « axe de résistance » contre Israël, à l’heure où son régime fait face à de nombreux défis, tant en interne que sur la scène internationale.

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Traduit de l’arabe par Sarra Grira .

1« Iranian support vital for Hamas after ties restored with Syria », Al Jazeera English, 25 septembre 2022.

2Al Jazira, 28 mai 2022.

3La réconciliation entre les deux groupes a eu lieu en septembre 2020 lors de la visite d’Ismaïl Haniyeh à Beyrouth, où il a pu organiser une rencontre entre les chefs des deux partis, Hassan Nassrallah et Azzam Ayoubi.

4« Le Hamas annonce depuis Damas « tourner la page du passé » », Al-Charq Al-Awsat, 20 octobre 2022.

5« Iranian support vital for Hamas after ties restored with Syria », ibid.

6« Téhéran - Beyrouth. Le choix iranien du Hamas est-il définitif ? », Assas Media, 25 octobre 2022.

7« Hamas decision to restore ties with Syrian government sparks controversy », Middle East Eye, 18 septembre 2022.

8« Une nouvelle ère qui commence. La Résistance est la première à en profiter », Al-Akhbar, 20 octobre 2022.

Voir en ligne : https://orientxxi.info/magazine/qua...