C’est vrai, quoi, on les entend, on les voit pérorer à la radio, à la télé, tout fiers : « moi qui suis de gauche », et de faire la roue comme des paons boursouflés d’orgueil. Avez-vous vu comme on est beaux, comme on est bons ? Mais, mon coco, ma cocotte, concrètement, qu’est-ce que tu fais de si extraordinaire qui te rendrait moralement supérieur à moi, l’abominable homme de droite ?

Est-ce que tu aurais mis à disposition de quelques-uns des miséreux du monde entier, pour lesquels tu proclames urbi et orbi que la France a le devoir de les accueillir dignement, la résidence secondaire en Provence ou à Deauville que tu n’occupes qu’un mois par an ? Encore plus « chié », comme ferait dire Laurent Gerra à Jack Lang, as-tu installé (discrètement, tu ne veux pas te faire de la publicité) dans les pièces libres de ton vaste appartement situé au cœur d’un quartier monocolore de Paris, de Lyon ou de Bordeaux, une famille de maghrébins ou de subsahariens, que dans ton immense générosité tu ne fais pas que loger, mais que tu nourris, blanchis, et à qui tu fournis un pécule conséquent pour ses menus plaisirs ?

Tu concèdes d’un air navré que tu aurais bien voulu, mais que ça serait trop « compliqué » -ah, le mot compliqué, ce sésame contemporain qui permet aux faux-culs de s’exonérer de leurs contradictions- ; verses-tu alors une partie significative de tes revenus aux associations qui elles, se chargent, parfois avec sincérité, parfois avec une idée pas très catholique derrière la tête, d’éponger toute cette misère ? Et quand je dis « une partie significative », je ne parle pas de quelques centaines d’euros que tu n’oublies pas de déduire scrupuleusement de tes impôts, il n’y a pas de petites économies. Dis-moi, entre nous, quelle part de tes revenus consacres-tu à tes bonnes actions ? 10% ? 20% ? 30% ? Beaucoup plus ? Plutôt beaucoup moins, hein ? Pas plus que moi le facho, en somme ?

Tiens, puisqu’on parle d’impôts, il est de notoriété publique que nous, gens de Droite, utilisons toutes les ficelles du Droit fiscal pour payer le moins d’impôts possible, et c’est bien normal, puisque nous sommes de Droite, donc pingres et sans cœur. Mais toi, bénédictin de Gôche, qui es d’une infinie prodigalité avec l’argent public, je suppose que tu fais tout ce que ton imagination t’inspire pour contribuer le plus possible au financement de notre système social, en déclarant des revenus fictifs, en omettant de reporter les exonérations auxquelles tu aurais droit, en payant systématiquement en retard pour être pénalisé de 10%... Non ? tu fais comme moi, finalement ?

Alors tu me diras, oui, mais moi, contrairement à toi, salopard de facho, je suis progressiste, ouvert au monde, antiraciste, islamophile, féministe, écologiste, antispéciste, anti-nucléaire et pro-énergies renouvelables, anti-voiture et pro trottinettes, LGBTX friend, et par-dessus tout, je vote à Gauche  ! Et ça change tout ! Sans mon vote, la France ne serait pas le pays des droits de l’homme, la terre généreuse qui accueille sans distinction tous ses frères humains, le phare de la pensée mondiale ! Sans mon vote, la peine de mort n’aurait pas été abolie ! Sans mon vote, les femmes n’auraient pas le droit de vote – FAUX ! La gauche ne voulait pas du droit de vote pour les femmes, qu’elle considérait comme trop conservatrices et proches de l’église catholique pour faire de bonnes citoyennes-. Bon, d’accord, mais sans mon vote, il n’y aurait pas eu les congés payés – encore FAUX ! la CGT était vent debout contre, sous prétexte que les congés allaient amollir la classe ouvrière, qui ne serait plus disposée à lutter contre l’exploitant capitaliste. Le Front Populaire n’a fait que confirmer par une loi ce que les entreprises accordaient depuis des années à leurs salariés. Bon, bon, bon, mais sans le vote de Gauche, la France serait un pays rabougri, moisi, arriéré. Le mariage serait resté une institution rétrograde. Nous ne pourrions pas nous enorgueillir de plus de 200.000 avortements par an, et de la PMA pour toutes, en attendant la GPA pour tous. Qui voudrait vivre dans un tel pays ?

Eh bien pas mal de Français qui ne marchent pas sur la tête, eux ; qui préfèreraient que la France soit un peu plus parcimonieuse avec leur argent, qu’elle ne se transforme pas petit à petit, et de plus en plus rapidement d’ailleurs, en « Libanistan » ; que l’État assume ses devoirs régaliens de sécurité intérieure et extérieure, d’éducation et de justice ; qu’il se mêle un peu moins de la vie privée des Français ; qu’il ne leur parle pas comme à des demeurés ; qu’il ne s’assoie pas sur leur vote lorsqu’il ne va pas dans le « bon » sens. Pour résumer en une phrase, que cela signifie encore quelque chose d’être Français en France, plutôt que Patagon, chinois, maghrébin ou sub-saharien dans notre fameux pays des Droits de l’Homme.