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Pécresse et sa banque des jeunes : quand le goût du risque a l’odeur du fisc

, par  Nathalie MP Meyer , popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Valérie Pécresse entend « redonner le goût du risque à notre jeunesse ». Une nouvelle que toute personne un tant soit peu libérale , ou simplement inquiète de voir à quel point notre modèle social est devenu le théâtre grotesque d’une politique récurrente et coûteuse de chèques-cadeaux tous azimuts, accueillera certainement avec joie.

Hélas, ce serait se réjouir beaucoup trop vite.

D’une part parce que nous sommes en France et qu’aucune politique économique et sociale digne de ce nom ne saurait exister sans que l’État y mette encore un peu plus sa grosse patte redistributrice. Valérie Pécresse a d’ailleurs pleinement confirmé cette théorie, se récriant à l’idée d’être taxée de libérale et se revendiquant encore et toujours du gaullisme social. Deux mots qui ne signifient rien d’autre que dirigisme et redistribution.

Et d’autre part parce que tout ce qui se rapporte aux idées de risque, de concurrence et de prise de responsabilité est considéré dans notre pays comme une injure faite à la belle idée d’égalité. Ce que Valérie Pécresse s’est également employée à nous confirmer. Car à écouter la candidate présidentielle des Républicains, il s’avère en fait que son « goût du risque » signifie « droit à l’échec » financé par nos impôts – tout cela étant débité en quelques minutes dans la même séquence télé !

Invitée lundi 31 janvier 2022 à développer son programme face à un panel de six Français abstentionnistes dans la nouvelle émission politique de LCI « Mission Convaincre », Mme Pécresse a souligné qu’elle comptait exonérer 95 % des Français de droits de succession et améliorer un certain nombre de mesures de transmission du patrimoine (notamment ramener la durée entre deux donations de 15 à 6 ans).

La France navigue en effet depuis longtemps dans le peloton de tête des pays du monde développé qui prélèvent le plus de taxes et d’impôt proportionnellement à la richesse créée chaque année, et les droits de succession ne font pas exception . Comme le dit Mme Pécresse, si ce type de politique hautement confiscatoire apportait de la prospérité et résolvait les problèmes d’égalité, ça se verrait ; or ce n’est manifestement pas le cas.

De plus, les Français eux-même se montrent massivement hostiles à l’idée que des personnes ayant constitué par leur travail un patrimoine petit ou grand qui a déjà subi la taxation sur les revenus du travail ou du capital, sur la consommation (TVA, TICPE…) et éventuellement sur la fortune (ISF puis IFI) sans oublier la taxe foncière et la taxe sur l’audiovisuel public, soient dépouillées de la possibilité d’en disposer à leur guise par une énième taxation.

Selon un récent sondage Opinion Way-Square pour Les Échos, ils sont 81 % à souhaiter une diminution des droits de succession, considérant qu’il « est juste pour les parents de transmettre le plus possible à leurs proches ». En 2018 déjà, 82 % d’entre eux jugeaient cette taxation illégitime.

Jusque-là tout va bien, tout va même très bien, dans un alignement rare entre les souhaits des Français et les premiers jalons possibles d’une politique fiscale favorable à l’investissement donc à la croissance et à l’emploi. Mais l’économiste Thomas Piketty et le think tank Terra Nova, l’un et l’autre orientés à gauche, n’auront pas parlé ou écrit en vain. D’où objection immédiate : et l’égalité des chances, et les inégalités de naissance, et l’inégale répartition du capital ? Comment comptez-vous réparer tout cela, Mme Pécresse ?

Et c’est là que tout s’effondre.

Car bien sûr, en bonne gaulliste sociale qu’elle est, Valérie Pécresse a tout prévu : c’est l’État qui va se charger de doter ceux qui n’ont rien au départ. Elle va créer une « banque des jeunes » qui distribuera des prêts afin d’aider les jeunes sans patrimoine à poursuivre des études ou créer une entreprise. Mais attention, pas n’importe quels prêts : des prêts garantis par l’État que le bénéficiaire n’aura pas à rembourser s’il ne parvient pas à un certain niveau de salaire ou un certain niveau de chiffre d’affaires.

Et d’annoncer fièrement :

C’est la banque du droit à l’échec ! Vous vous lancez dans des études et si ça ne marche pas, vous ne remboursez pas, c’est l’État qui prendra à sa charge si ça ne marche pas. » […] « Je permets avec cette banque des jeunes de redonner le goût du risque à notre jeunesse et surtout de réduire les inégalités de départ. » (vidéo ci-dessous, à partir de 1 h 21′ jusqu’à 1 h 25′ 10″)

Le goût du risque ? Quel risque ? En revanche, on voit bien l’effet d’aubaine. Quel jeune hésiterait à contracter ce prêt puisqu’on lui annonce dès le départ que cela ne l’engage à aucun résultat et, précisément, à aucune prise de risque ?

À partir du moment où l’échec est purement et simplement effacé, à partir du moment où la responsabilité de cet échec retombe non pas sur le jeune mais sur la société en général via l’impôt et la dette publique, le prêt a beaucoup de chance de devenir une simple allocation de plus, un chèque jeune comme on en a déjà tant vu, pour quelqu’un qui n’aura eu au départ aucune incitation à se décarcasser dans ses études ou dans un projet professionnel. Cela revient pratiquement à admettre que par construction, les prêts étudiants peuvent être annulés à volonté par les pouvoirs publics. On dirait du Bernie Sanders .

De plus, puisqu’on parle de la sacro-sainte égalité qui doit régner au millimètre près entre tous les citoyens, pourquoi celui qui réussit ses études devrait-il rembourser son prêt quand son copain qui échoue sera exonéré de tout ? Le signal donné à la jeunesse à travers cette mesure qui accentue la dépense publique est le contraire exact d’une incitation au goût du risque.

Quant à Valérie Pécresse qui se flatte de vouloir remettre la France sur ses pieds, cette proposition a-t-elle la moindre chance d’amorcer le début d’un commencement de transformation structurelle du pays ? S’il s’agit d’avoir toujours davantage de chômeurs indemnisés et de populations pauvres soutenues par toujours plus de prestations sociales, sans doute, tant qu’il y aura assez d’argent des autres pour subventionner notre modèle social dangereusement exponentiel.

Mais s’il s’agit de voir la croissance repartir, le chômage refluer, le pouvoir d’achat augmenter et les individus être restaurés dans leurs possibilités de choix, leur sens des responsabilités et leur capacité de travail et d’initiative, comme cela s’est fait chez la plupart de nos grands voisins par des politiques conjointes de baisse des dépenses et des impôts et par démonopolisation des services d’État, on peut sans risque affirmer que non. Toute notre histoire depuis 50 ans l’atteste.

Oh, bien sûr, je tombe aujourd’hui à bras raccourcis sur Valérie Pécresse qui nous a offert lundi dernier un joli festival de contradictions. Mais ne nous leurrons pas, tous les candidats en sont à chercher leur électorat à travers une belle débauche de dotations et autres sympathiques allocations.

Du côté d’Emmanuel Macron, on ne compte plus les chèques énergie, les stages remise en selle et autres contrats d’engagement jeunes , mais ce n’était évidemment pas suffisant. Au moment où Mme Pécresse passait son grand oral devant des abstentionnistes, il faisait du teasing sur Twitter à propos du pass culture qui devient accessible aux jeunes de 15 à 17 ans. Quant à Éric Zemmour, il compte accorder une bourse de 10 000 euros à chaque naissance dans une vraie famille de la vraie ruralité de la vraie France profonde. Je ne parle même pas des candidats de gauche.

À chacun sa clientèle, à chacun son constructivisme. Mais dans tous les cas, l’État mène la danse, les contribuables continuent de payer, et le pire, c’est que personne n’est content. Ça promet.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2022/0...