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Macron et les non-vaccinés : un populisme d’extrême centre

, par  Jonathan Frickert , popularité : 7%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Imaginez un candidat d’extrême gauche expliquer qu’il a très envie d’emm… les 700 000 millionnaires hexagonaux. Admettons que l’exemple est mal choisi tant celui-ci risquerait d’être élu lorsqu’on se souvient de l’effet d’un « mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance » sur l’opinion française.

Prenons un exemple plus parlant : imaginez une France alternative dans laquelle un candidat d’extrême droite déclarerait qu’il a très envie de faire la même chose aux 6 millions de musulmans de ce pays. Quel tollé profondément légitime cela provoquerait dans le quart d’heure.

Pourtant, les propos prononcés par le président de la République ce mardi soir face aux lecteurs de nos confrères du Parisien ont tout au plus créé un houleux débat dans l’opinion.

Pour cause, Emmanuel Macron n’a fait que jouer sur l’ambiguïté dans laquelle vit le pays depuis l’instauration du pass sanitaire.

Une «  petite phrase » qui lui permet de radicaliser son propre camps tout en continuant de fracturer l’opposition.

Terminer de fracturer la droite

Dès sa création le 1er juillet dernier, la logique du pass était transparente à l’ensemble des Français : mettre la pression sur les personnes non-vaccinées et leur rendre la vie la plus compliquée possible. Une logique que le président de la République n’a fait ici que verbaliser.

À cela s’ajoute une contradiction au sein des partis traditionnels et en particulier des Républicains au sujet de la nécessité ou non de rejoindre la logique entamée par le pass sanitaire et aujourd’hui avec le pass vaccinal voté à l’Assemblée nationale jeudi.

Une contradiction matérialisée en interne par l’opposition entre le président du groupe Damien Abad et le député de la Manche Philippe Gosselin .

Pour résumer, Emmanuel Macron continue encore une fois de fracturer une droite actuellement au coude-à-coude avec Marine Le Pen et Éric Zemmour pour l’accès au second tour de l’élection présidentielle.

Une droite contrainte de singer la communication d’un Nicolas Sarkozy dont l’héritier verbal est pourtant déjà à l’Élysée.

La petite phrase au service du camp du progrès

Car si Emmanuel Macron continue de fracturer la droite, ses propos montrent qu’il s’en inspire toujours fortement tant cette communication rappelle celle d’un Nicolas Sarkozy. Cette communication par « petites phrases » pourrait bien lui être profitable, à l’inverse du dernier président de droite que la France ait connu.

En effet, le positionnement centriste voire progressiste du président de la République est un atout de poids dans un contexte d’effondrement de la gauche dont les 7 candidats ne parviennent pas à dépasser les 26 % d’intentions de vote lorsque la droite tutoie les 47 %.

Une situation amenant un électeur de gauche sur deux à envisager un vote utile dès le premier tour pour le président sortant afin de faire barrage aux candidatures de droite.

Si la posture peut paraître paradoxale, elle montre le succès de la stratégie de clivage entre le camp de la raison et celui de l’obscurantisme qui serait incarné par les candidatures populistes.

Pourtant, la petite phrase d’Emmanuel Macron montre qu’il n’incarne plus tant que cela la raison dont il se prétend l’étendard.

Sortir du champ de la raison

Publié 34 ans après sa mort par sa fille Catherine, Le Premier Homme est un roman autobiographique d’Albert Camus connu pour contenir une phrase régulièrement citée depuis : « un homme, ça s’empêche ». Une phrase matérialisant ce que signifie la civilisation fondée sur la raison et la lutte contre nos instincts primaires.

Une telle posture est d’autant plus attendue de la part d’un président de la République, fonction d’incarnation et donc de rassemblement. Un homme s’empêche, et un président de la République doit s’empêcher d’autant plus. Cela suggère notamment de ne pas se laisser emporter par ses envies.

Seulement voilà : Emmanuel Macron ne s’empêche plus.

Plus que le fond de sa phrase et son vocabulaire, c’est bel et bien l’expression « j’ai très envie » qui est choquante. En se laissant guider par ses envies, Emmanuel Macron a quitté le camp de la raison pour rejoindre celui qu’il prétend combattre, à savoir le même camp qui monterait les Français les uns contre les autres au lieu de les rassembler comme nous pouvons l’attendre légitimement d’un chef d’État.

Une posture constitutive de la mouvance populiste dans laquelle le président de la République s’inscrit un peu plus aujourd’hui.

Par cette petite phrase, Emmanuel Macron a désormais quitté les habits de président de la République qu’il prétendait pourtant vouloir endosser « jusqu’au dernier jour du mandat », toujours selon ses propos au Parisien pour devenir un candidat populiste.

Cliver sans risque

Toujours en tête dans les sondages, Emmanuel Macron clive sans risque dans un pays où 73 % de Français ont un schéma vaccinal complet .

Si la plupart de nos confrères mettent l’accent sur les 53 % de Français qui se disent choqués par les propos du chef de l’État, ils sont à l’inverse 47 % à ne pas y voir de difficulté particulière. Mieux : ces propos mettent en évidence un authentique fossé générationnel , montrant un regain d’intérêt de l’électorat senior, dernier bastion sociologique de la droite républicaine, pour un président qui a su les ménager durant cette crise en refusant le confinement spécifique des personnes les plus vulnérables au virus : les plus de 65 ans, catégorie dans laquelle 6 personnes sur 10 approuvent les propos du président.

Le candidat de l’extrême centre

Emmanuel Macron se positionne une nouvelle fois comme un homme d’extrême centre. Centriste, il l’était notoirement. Extrême, il l’est devenu. Le cercle de la raison cher aux saint-simoniens dont Emmanuel Macron est le descendant idéologique directe s’est mû en cercle du grégarisme. Un cercle suivant le sens du vent et subissant sans broncher les effets de cliquets des mesures liberticides successives.

Et ce populisme d’extrême centre semble payant, puisqu’un sondage Ipsos Sopra-Steria publié vendredi montre qu’Emmanuel Macron gagne un point d’intention de vote , passant à 26 % au premier tour de la présidentielle.

Emmanuel Macron à la tête d’un État-Murphy

Le 21 septembre 2007, lors d’une visite en Corse, celui qui avait tout juste été nommé Premier ministre de Nicolas Sarkozy déclarait être « à la tête d’un État en faillite ». Une phrase qui avait également à l’époque fait polémique, mais uniquement dans les cercles initiés, les uns reprochant à François Fillon d’avoir vendu la mèche de la situation financière du pays, les autres d’avoir mené un putsch verbal du fait d’une formulation inconsidérée largement aidée par le vin local.

Aujourd’hui, et cette fois conformément au protocole, le président de la République assume explicitement d’être à la tête d’un État-Murphy : l’État de l’emm… maximum.

Ce climat à quelques mois de la présidentielle ne semble pourtant pas inquiéter le Conseil constitutionnel, dont le président Laurent Fabius a pourtant récemment alerté sur les menaces pesant sur l’État de droit dans un pays où s’opposent désormais cinquante nuances d’autoritarisme.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2022/0...