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MON PEUPLE

, par  Suzanne de Beaumont , popularité : 5%
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MON PEUPLE

J’ai 90 ans. Mes arrières grands parents se sont établis en Algérie à l’âge de 25 ans. La vie très difficile dans ce pays, a fait qu’ils ont perdu tout contact avec leur famille de France. Et donc je ne connais que la vie en Algérie depuis 1932.

L’histoire de mon pays m’a été enseignée à l’école, la même que celle enseignée à tous les enfants de France. Mais la vie de tous les jours je l’ai appris en l’a vivant.

A l’école primaire, école de filles, j’ai toujours eu des camarades mauresques, c’est comme cela qu’on appelait les filles des gens originaires du territoire. J’ai appris bien plus tard que le gouvernement français avait institué le statut d’indigénat. Pour moi, il n’y avait pas de différence avec la France. En effet, ma mère, qui elle, avait été élevée en Normandie, me racontait que lorsque elle allait à l’école, à Honfleur, les enfants des pêcheurs lançaient des cailloux sur ceux qui allaient à l’école de leur quartier, parce que, eux, à l’école de leur quartier, il n’y avait que des enfants de pêcheurs. En somme, en France les enfants du peuple étaient plus pauvres, comme les enfants des arabes en Algérie. Ils se faisaient la guerre à coup de cailloux de la même façon.

La différence, c’était qu’en Algérie les enfants arabes étaient beaucoup plus nombreux en proportion que les enfants du peuple en France. Mais cela, je ne le comprenais pas encore.

Au lycée, à l’époque, après l’école primaire, il y avait le lycée de la sixième à la terminale et aussi le collège pour ceux qui s’arrêtaient au brevet des collèges, diplôme prestigieux, qui donnait droit à beaucoup d’emplois, dans l’administration par exemple. Au lycée de filles, la mixité ne commençait qu’à l’université ou dans la vie active, nous étions scolarisées avec beaucoup moins de filles arabes.

Les parents, à partir de 10 ans, les préparaient au mariage, et les retiraient de l’école. Celles qui venaient avec les « françaises » étaient filles de bourgeois et vivaient exactement de la même façon. Le voile musulman ne leur était imposé qu’à partir du mariage.

A mon époque, vers 1950, il y avait déjà quelques filles musulmanes qui suivaient des cours à l’Université d’Alger, qui devenaient avocates, institutrices, infirmières, employées de bureau et plus.

La vie n’était pas facile. Le besoin de gagner sa vie provoquait chez les hommes arabes comme français une dureté extrême qu’on a du mal à imaginer de nos jours, mais qui existe toujours avec la même intensité dans les pays sous-développés.

Pour comprendre comment s’était développée l’installation de villes et de villages à la française en Algérie je me reporte à un livre qui est considéré comme exemplaire à ce sujet. Il s’agit du livre intitulé « L’hôtel du Sersou » écrit par Albert Truphémus. Ce monsieur était inspecteur de l’enseignement primaire à l’époque où j’étais à l’école primaire. Ce livre n’a pas intéressé les français de France. Pourtant il suffit de relire Zola pour comprendre qu’il n’y avait pas beaucoup de différence entre la vie en France et en Algérie et que le peuple français n’était pas beaucoup mieux traité que le peuple musulman d’Algérie.

Les romanciers algériens actuels ne font que du Zola quand ils racontent les drames vécus par certains algériens. Ils mettent l’accent sur un « racisme religieux » qui n’avait pas d’équivalent en France.

Je reste persuadée que si la politique internationale, notamment la politique américaine et russe, n’avait pas fait de l’islam une religion prédominante, tandis que le christianisme déclinait, la population d’Algérie, arabes musulmans, et « français » se mélangeant de plus en plus vite, ce pays pouvait devenir un pays où vivre à la française aurait contenté tous les individus qui y vivaient.
Je dis bien « les français » qui n’étaient français que par leur participation aux deux guerres mondiales dans l’armée française, mais qui par leur origine était un peuple multiracial et multiculturel : MON PEUPLE .