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La Turquie a poussé les rebelles syriens à s’allier dangereusement au régime d’Assad

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Par Haid Haid.

Abandonnées par leurs alliés américains, les Forces Démocratiques Syriennes (ou FDS) dirigées par les Kurdes n’ont plus qu’une option : faire un pacte avec le diable. En effet, l’incursion de la Turquie dans le nord de la Syrie a réussi là où toutes les tentatives précédentes avaient échoué : elle a créé les conditions permettant aux deux principaux ennemis de la guerre civile syrienne (les Forces démocratiques syriennes et le régime d’Assad) de se concerter.

Plus ironique encore, cette rencontre fait suite à la demande d’aide des FDS auprès de la Russie, le plus puissant allié international actuel de la Turquie en Syrie. Le fait que cette coalition compte aujourd’hui sur les soutiens de Bachar Al Assad pour sa protection est à la mesure de sa détresse.

Les Russes ont indiqué que la seule possibilité qui s’offrait aux FDS était de conclure un accord avec le régime syrien, ce qui a été accepté à la condition que celui-ci soit négocié et garanti par Moscou. Après des négociations séparées, les deux parties se sont réunies à Hmeimimim, une base aérienne russe en Syrie, pour signer un premier pacte. Les détails rendus publics étant rares ont permis aux forces en présence d’échanger librement à ce sujet. Néanmoins, il est clair et admis par tous que les forces du régime d’Assad se déploient actuellement dans des zones susceptibles d’être prises pour cible par la Turquie.

Des sources sur le terrain confirment ainsi que certaines d’entre elles ont été déplacées vers certaines parties de Raqqa, Ein Issa, Manbij ainsi que dans d’autres villes frontalières comme Kobani. Il semblerait par ailleurs que le régime syrien et les FDS devraient travailler main dans la main pour repousser les forces turques hors des zones anciennement contrôlées par les FDS, que ce soit dans le nord-est de la Syrie ou à Afrine, dans la partie nord-ouest du pays.

Un avenir incertain

L’avenir des FDS et des structures administratives associées est toutefois beaucoup moins certain, chaque camp en présence annonçant une issue différente de la situation. De leur côté, les FDS insistent sur le fait qu’elles resteront en charge de la gouvernance et de la sécurité intérieure des domaines sous son contrôle. Seule concession : lever le drapeau syrien plutôt que la bannière syrienne « indépendante ». De son côté, le régime syrien affirme que les institutions de l’État seront progressivement rétablies dans les bastions des FDS au nord-est du pays.

Selon des sources proches du régime d’Assad, une mesure envisagée serait d’abolir la structure indépendante des FDS et d’incorporer ses combattants dans le Cinquième Corps d’Armée, une force militaire composée de volontaires faisant officiellement partie de l’armée syrienne mais en réalité formée à la demande de la Russie et placée principalement, actuellement, sous son commandement.

Les informations contradictoires rapportées au sujet des premières négociations et de ce qu’il adviendra des FDS (une question pour le moins cruciale) indiquent que les deux parties sont loin d’aboutir à un réel accord. Et même à supposer qu’il soit conclu, rien ne dit qu’il ne pourrait pas être rompu tôt ou tard.

Écraser les combattants kurdes

Plus important encore, le déploiement de forces du régime syrien ne parviendra probablement pas à mettre fin à l’assaut turc dans la région frontalière. Officiellement, l’opération « Source de Paix » lancée par l’armée turque vise en effet à établir une « zone tampon de sécurité » de 30 kilomètres le long d’une partie du territoire syrien jouxtant la Turquie.

Or, il s’agit en réalité d’écraser les combattants kurdes qui seraient, selon Ankara, liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (ou PKK), une épine dans le pied de la Turquie depuis plus de 30 ans. L’offensive lancée par les forces turques le 9 octobre avec le soutien de groupes rebelles syriens alliés a donc ciblé des zones sous contrôle kurde depuis sept ans, la Turquie ne souhaitant en effet pas gâcher une telle opportunité de chasser définitivement les Kurdes installés à sa frontière.

Ainsi, malgré l’annonce d’un accord entre les FDS et les forces du régime syrien, la Turquie serait toujours en train de négocier le sort des villes de Manbij et de Kobani. Lundi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré qu’il avait eu des discussions constructives avec la Russie sur l’avenir de ces villes et qu’à leur suite, la Turquie en était au stade où elle « pourrait appliquer ses décisions ». Peu après, l’Armée Nationale Syrienne (en réalité un rassemblement de groupes rebelles soutenus par la Turquie) annonçait le début d’une offensive pour prendre Manbij et ce malgré la présence du régime syrien dans la ville.

S’il n’est pas encore certain qu’Ankara enverra des troupes en soutien aux forces de l’Armée Nationale Syrienne, des sources locales situées à Manbij et Al Bab ont néanmoins confirmé que l’artillerie turque bombardait actuellement et activement des cibles de la région. Et bien qu’étant à un stade encore préliminaire, cette attaque laisse cependant supposer que la présence de forces du régime syrien dans cette zone n’aura aucun effet dissuasif sur les intentions et agissements d’Ankara.

Une supposition qui serait renforcée d’autant si l’accord avec la Russie mentionnée implicitement par le président Erdogan devait être effectivement conclu. Cela est principalement dû au fait que la Turquie ne fait pas confiance au régime syrien pour éliminer la menace kurde le long de sa frontière. De plus, la relance d’une alliance vieille de 20 ans forgée entre Hafez, le père de Bachir Al Assad, et le PKK, permettant ainsi à ce dernier de lancer des opérations depuis la Syrie contre la Turquie, inquiète beaucoup Ankara.

Quelles que soient les forces ou faiblesses de son armée, Al Assad a déclaré avoir l’intention de reprendre et de rétablir son autorité de manière totale et incontestée sur « chaque centimètre » de la Syrie. Un long passé à renier ses promesses, attesté par des dizaines de cessez-le-feu acceptés puis violés par son régime, n’inspire par ailleurs guère confiance sur ses intentions.

Ainsi, l’hypothèse la mieux partagée, notamment par les responsables des FDS, est que même si Al Assad protégeait les Kurdes de l’attaque turque, il finirait par se retourner contre eux. Il est donc probable que la récente alliance entre les FDS et le régime syrien aboutisse à un nouveau conflit entre les deux partis.

Haid Haid est chercheur au Centre international pour l’Étude de la Radicalisation du King’s College de Londres. Il est également consultant, chargé de recherche pour le Royal Institute of International Affairs dans le cadre de son programme sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

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