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La Kahina - Sa légende traverse les siècles

, par  Allezou...bIda , popularité : 7%
Cet article provient d'une édition antérieure de NJ.

Au fil d’une ballade, une page de l’histoire d’Algérie, sous le filtre du quotidien.

Un article dans la presse algérienne

Petite virée à Biskra

Oasis de Sidi Okba à BiskraLors d’un voyage que j’ai fait dernièrement à Biskra, aux portes du Sahara, j’ai découvert une oasis nommée Sidi Okba. Je connaissais déjà de Biskra la ville de Tolga, réputée pour ses dates, les fameuses Deglet Nour.

Mais je dois dire que j’ai été désagréablement surprise, et même contrariée de devoir y associer à présent la commune de Sidi Okba.

C’est que je ne porte pas dans mon cœur le sinistre personnage éponyme de cette ville. Vous allez vite comprendre pourquoi.

Peu avant d’entrer dans la ville-oasis, un grand panneau sur lequel on peut lire un message de bienvenue accueille les visiteurs :

« La ville du compagnon du prophète, Okba Ibn Nafaa, vous souhaite la
bienvenue »
Bienvenue à Sidi Okba

Je ne savais pas que Okba avait une ville. Le panneau m’a laissée perplexe. Cette ville s’appelle Sidi Okba (Saint Okba). Sur la place centrale, est érigée une stèle figurant un guerrier juché sur son cheval, le cimeterre à la main.

Ce guerrier, c’est Okba Ibn Nafaa, et dans cette ville, il est vénéré comme un saint (sidi). D’ailleurs, il repose dans un mausolée situé dans la grande mosquée.

La grande mosquée de Sidi Okba est en fait un immense centre islamique constitué de plusieurs bâtiments agencés autour de grandes cours.
Quand j’ai su que Okba reposait en ces lieux, je n’ai pas pu résister à l’envie d’aller me recueillir sur sa tombe, à ma façon.

Je me suis donc dirigée vers le mausolée abrité par la mosquée.
J’étais bien décidée à y entrer tête nue. A la limite, j’aurais consenti à me déchausser, mais certainement pas à me voiler.

Grande mosquée de Sidi OkbaA l’entrée, un gardien, tout en me désignant du doigt un coin retiré dans la salle de prière, m’a confirmé que Okba gisait bien là. Quelques fidèles étaient en train de prier. Que des hommes. J’ai foncé sans même me déchausser, vers l’endroit que m’avait montré le gardien, et là, j’ai égrené en mon cœur le plus long chapelet d’injures et de malédictions dont je suis capable à l’adresse de Okba Ibn Nafaa, venu de Syrie au VIIème siècle à la tête de son armée musulmane conquérir et islamiser l’Afrique du Nord. Oui, j’ai maudit copieusement l’homme qui a apporté l’islam dans l’ancienne Numidie.

Né en 622 et décédé en 683, Okba Ibn Nafaa est un général arabe envoyé en 670, à la tête des armées musulmanes, par les Omeyyades de Damas pour convertir le Maghreb à l’islam.

Je suis ressortie fière et heureuse de cette mosquée. Pourquoi m’a-ton laissée y entrer tête nue ? Mystère ! Sans doute m’a-t-on prise pour une touriste délurée, ou une émigrée ignorante des principes sacrés de l’islam, je ne sais pas. Mais si on avait su les pensées que j’ai eues en ce lieu, nul doute qu’on ne m’aurait pas permis d’y pénétrer.

La reine des Aurès incommode les islamistes

Si j’ai tenu à vous faire part de cette petite escapade estivale, c’est qu’une information dans la presse locale a attiré ce matin mon attention.

Il s’agit d’une information au sujet de Dihya, la reine berbère qui a tué, ou fait tuer par son allié Koceyla, l’ennemi commun : Okba Ibn Nafaa.

Dihya TadmaitDihya, surnommée Kahina par les envahisseurs arabes pour la diaboliser : Kahina signifierait en effet la sorcière, ou la prêtresse, ce qui, dans la bouche des musulmans, n’était pas un compliment vu que Dihya était judaïsée et vouait un culte à un autre qu’Allah.

Dihya, la reine des Aurès, s’est battue sans répit contre les hordes musulmanes venues islamiser l’Afrique du Nord. Elle s’est farouchement défendue jusqu’à sa mort, en 702, lorsque le sinistre Hassan Ibn Nooman lui tranchât la tête d’un ultime coup de sabre.

La grande Dihya (on la surnommait Dihya Tadmait, c’est-à-dire Dihya la très haute) est enterrée à Baghai, dans la Wilaya de Khenchela. Dans les années 90, une stèle a été érigée à Baghai en hommage à la reine des Aurès.

Stèle de Dihya à Baghai

Or, dans le quotidien El Khabar du 14 août dernier, Athmane Saâdi, président de l’« association de défense de la langue arabe », publie un article dans le genre fatwa à l’encontre de la stèle sensée immortaliser Dihya, dite la Kahina. Athmane Saâdi déclare que la présence de cette statue sur la place de la ville est kofr (un acte
d’apostasie). Pour lui, il ne serait pas question de tolérer qu’un pays musulman comme l’Algérie puisse honorer un personnage historique qui refusait l’islam : « la Kahina est morte en combattant l’Islam et les Musulmans. Elle a combattu l’entrée de l’Islam dans les Aurès », écrit-il.

Aussi ce défenseur zélé du coran et de l’islam exige-t-il que la stèle soit purement et simplement démontée et que soit caché ou détruit le symbole de cette reine intrépide qu’il ne saurait voir !

Source : Al Khabar, via La dépêche de Kabylie.

La figure historique de La Kahina (la jeanne d’Arc berbère) symbole de la résistance (qui fut sûrement une sacrée bonne-femme... non pas de sexisme, juste une constatation) fait toujours l’objet d’une grande dévotion. Un de ses adversaires, Oqba Ibn Nafi Al Fihiri, n’a pas pu lui résister, il fut défait et sa mort ordonnée par La Kahina. Il est tout de même considéré comme un saint et une ville porte son nom : Sidi Okba (je vous le dis : du machisme !!!)

Voir aussi : Wikipédia

1300 après, l’on conte toujours dans les chaumières du pays Amazighs, les exploits de cette héroïne...

47 ans après, le peuple Pieds-Noirs doit perpétuer la mémoire des pionniers de l’Algérie et conter les exploits de leurs ancêtres aux jeunes générations.

Nous resterons toujours le petit caillou (ou le poichiche cru) dans la chaussure du marcheur.