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L’État de droit existe-t-il dans les bas-fonds du palais de justice de Paris ?

, par  Laurent Sailly , popularité : 3%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
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Par Laurent Sailly.

Les faits reprochés sont suffisamment graves pour que l’on prenne un peu de temps à les rappeler.

Le site français d’information, StreetPress, a dévoilé le témoignage du brigadier-chef Amar Benmohamed , affirmant que, « sur un peu plus de deux ans, plus de mille prévenus ont été maltraités » au sein du dépôt du tribunal judiciaire de Paris (privation de nourriture, empêchements d’accès au soin, propos à caractère raciste, vols).

Dans un signalement du 12 mars 2019 adressé à sa hiérarchie, cet agent dénonçait des « propos racistes » tenus de « façon régulière » de la part d’une gardienne de la paix. Selon le chef Benmohamed, la hiérarchie n’aurait pas réagi.

Selon des précisions du parquet de Paris, rapportées par l’AFP lundi dernier (27 juillet), plusieurs enquêtes contre des policiers travaillant dans ce service ont été ouvertes et confiées à l’Inspection Générale de la Police Nationale – le Police des Polices (IGPN), pour des faits de racisme et de discrimination entre le printemps 2017 et l’été 2019.

Le dépôt du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris est situé au premier et second sous-sol. C’est dans ce dépôt de 120 cellules où les déférés sont enfermés avant et après leurs passages devant le juge.

Près de 200 fonctionnaires assurent, par roulement, la surveillance jour et nuit de ces cellules. Les faits rapportés par StreetPress concerneraient une vingtaine de fonctionnaires. Ces abus et dérapages auraient même été constatés entre collègues.

« L’IGPN a relevé des comportements tout à fait inappropriés de la part de six fonctionnaires de police : injures, agressivité, mensonges, désobéissance (je lis des termes utilisés par l’inspection générale). Elle a proposé bien avant la révélation par l’article de presse hier un renvoi devant le conseil de discipline avec quatre sanctions directes et une alternative aux poursuites disciplinaires et dans les quatre sanctions directes, il y a aussi Amar Benmohamed », a rapporté le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, devant la commission des lois de l’Assemblée Nationale.

Comment expliquer ces comportements ?

Les dérives signalées, si elles sont avérées, ne peuvent trouver d’excuses, d’autant plus de la part de fonctionnaires de police, détenteurs de la force publique.

Expliquer n’est pas excuser ; expliquer permet d’éviter le renouvellement de faits inadmissibles.

Depuis 2016, avec les manifestations des Nuit debout , puis les Gilets jaunes et enfin l’importation des « black lives matter » (à la suite de la mort tragique de George Floyd) en France et les tentatives de manipulation de différents mouvements politiques anti-démocratiques ont entrainé la destruction systématique de la légitimité démocratique des forces de l’ordre tendant à les réduire à un groupe comme un autre.

Ajoutez à cela une insuffisance d’encadrement de proximité et de formations continues rappelant la déontologie et le sens de l’action, et vous trouverez tous les ingrédients pour qu’une infime minorité de policiers déviants, livrés à eux-mêmes dans un espace clos et de nuit, développe un esprit de clan, avec ses règles, ses châtiments, ses privilèges.

Il appartient également aux autorités publiques de rétablir le lien entre la population et SA police ! Les déclarations intempestives du président de la République et de l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, incapable de redonner du sens à la fonction sécuritaire, ont gravement altéré le pacte républicain.

Une dernière question : n’appartient-il pas plutôt à l’administration pénitentiaire, formée spécialement pour ces missions, d’assurer la garde des déférés dans les locaux d’un tribunal ?

La hiérarchie a-t-elle cherchée à étouffer l’affaire ?

« Si ces faits sont avérés, il m’appartiendra de savoir pourquoi les préconisations de l’IGPN ne sont pas encore mises en place, pourquoi les sanctions, alors que ça fait une grosse année, n’ont pas été prises. Elles sont en cours m’a-t-on dit », a prévenu le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, interrogé par la commission des lois de l’Assemblée nationale.

« Un rapport a été fait le 12 mars 2019, et l’IGPN a saisi le préfet de police le 6 juin 2019 », a-t-il ajouté.

Il s’agit ici de peser le poids de l’autorité de la hiérarchie dans la police nationale. La hiérarchie est indispensable pour la préservation de la cohérence d’un ensemble social et, nous l’avons évoqué plus haut, pour le respect des règles et éventuellement du recadrage.

Or, cette hiérarchie, tout occupée à des tâches administratives et statistiques, ne peut être respectée qu’à la condition de s’engager dans l’action et d’assumer ses responsabilités.

De plus, la hiérarchie de la Police Nationale doit composer avec l’omnipotence des syndicats. Que pèse un commandant de police face à un brigadier-chef, délégué syndical, ce qui est le cas du chef Benmohamed ? Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe syndical mais d’en rééquilibrer les forces.

La police française est-elle raciste ?

« Non, la police républicaine ne doit, ne peut et n’est pas raciste. Oui, un policier qui se rend coupable d’un acte raciste doit se voir retirer immédiatement son uniforme  », écrivent, dans une tribune publiée dans le JDD, le député LREM d’Ille-et-Vilaine Florian Bachelier et, celui qui n’est pas encore garde des Sceaux, l’avocat Éric Dupont-Moretti.

Car, expliquent-ils, « c’est la condition pour que les filles et fils de France qui ont fait le choix de porter l’uniforme de la République soient respectés, la loi appliquée, la paix civile assurée. »

La police française n’est en rien comparable à la police américaine (plus exactement aux polices américaines), dans sa formation comme dans son recrutement. Il n’existe pas, en France, et n’en déplaise aux multiples mouvements anti-flics, de racisme d’État dont la police serait le serviteur zélé.

La police, et particulièrement la police française se doit d’être exemplaire et « s’il existe quelques agents qui ont sali l’uniforme de la République, ils n’ont plus rien à faire dans la police de la République », selon les termes de la conclusion de Gérald Darmanin, lors de son passage devant la commission de l’Assemblée nationale.

De même, il est important de rappeler aux citoyens, via les autorités politiques, que la police n’est pas là que pour faire de la répression mais aussi pour protéger et servir pour reprendre la célèbre formule de la police de Los Angeles.

Où sont les magistrats ?

Que cette affaire soit née dans les locaux du premier tribunal de France est symptomatique de la justice en France. Il semble qu’aucun magistrat n’ait mis une seule fois les pieds dans les culs-de-basse-fosse du palais.

On aurait pu espérer, qu’au moins l’un d’entre eux se soit préoccupé des conditions de détention de ceux qu’il allait devoir juger, ou des conditions de travail des policiers en charge de leur surveillance. On s’étonne de l’absence du syndicat de la magistrature toujours prompt à dénoncer les violences policières !

Il y a là, un vrai sujet pour le nouveau ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, de jouer les trublions …1

On lira avec intérêt et effarement le livre du major Jean-Louis Arajol, Police en péril : la grande maison brûle dans lequel il dresse un état des lieux apocalyptique de la police nationale et appelle à la refondation de la police qui passera, selon lui, par une volonté résolu du titulaire de la place Beauvau. ↩

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