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Faut-il rendre à l’Afrique « ses » œuvres d’art ?

, par  NEMO , popularité : 6%
NJ-Ile de France

Mercredi soir, dans un docu dégoulinant de repentance coloniale, «  Le marché des masques africains  », Arte militait ouvertement pour le retour à l’Afrique des œuvres d’art « pillées » par les européens…

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Que du bon sentiment et du bon sens, là-dedans. En bonne justice, il serait normal de rendre à son propriétaire ce qui lui a été volé. Rien à redire. Sauf que, quand on gratte un peu, vous verrez que ce n’est pas si simple.

1- Le documentaire révèle, sans doute malgré l’intention de ses auteurs, que dès le 16ème siècle, les artistes africains ont produit des œuvres spécifiquement dédiées au marché occidental, un peu comme les chinois ont fabriqué de la porcelaine pour la compagnie des Indes. Qui est aujourd’hui propriétaire de ces masques et de ces statues ? Ces œuvres auraient-elles existé sans les acheteurs européens ?

2- Les pièces revendiquées sont pour la plupart taillées dans du bois. Leur conservation est délicate. Exposées sans protection particulière à un climat tropical ou équatorial, elles ne résistent guère plus de cent ans. Ainsi, les masques dont raffolent les collectionneurs sont ceux qui ont un vécu et une patine, parce que utilisés pour des rites particuliers. Ces masques ne sont pas des antiquités, au sens habituel du terme, mais des copies fidèles de pièces elles-mêmes copiées depuis des siècles, au fur et à mesure de leur dégradation. Il est très rare de trouver en Afrique des œuvres centenaires et plus, dans un état acceptable. Les seules véritables antiquités en bois sont celles qui se trouvent en Europe depuis plus d’un siècle. Ce sont elles qui atteignent aujourd’hui des sommes faramineuses en salles de ventes, poussées par une spéculation qui ne fait pas que friser l’escroquerie… Ces œuvres existeraient-elles encore, si elles n’avaient pas quitté l’Afrique ?

3- Retourner les œuvres en Afrique, d’accord, aux réserves ci-dessus exprimées, mais en pratique, on fait comment ? Qui va indemniser les propriétaires actuels ? J’ai lu qu’il faudra que les détenteurs des œuvres prouvent leur bonne foi… quand une statue est dans votre famille depuis des décennies, voire des siècles, on la trace comment ? Et puis, dites-donc, en droit, c’est au demandeur d’apporter la preuve de sa revendication, pas au détenteur, qui est considéré comme propriétaire légal jusqu’à preuve du contraire. Et encore, Qu’est-ce qu’une œuvre d’art africaine ? Doit-on « rendre » à l’Afrique les tableaux orientalistes de Matisse ou Delacroix, les sculptures africaines de Picasso ?

Admettons qu’il y ait un accord entre le détenteur européen et le revendiqué propriétaire africain. Quid des modalités de retour de l’œuvre en Afrique ? Où l’œuvre va-t-elle être installée ? Dans quelles conditions de sauvegarde ? Qui va payer le transport, la construction du musée, l’entretien… Les africains ? Avec quel argent ? Ce sera sans doute à nous, affreux colonisateurs blancs européens, de mettre la main à la poche.

Macron, en s’étant lancé dans cette histoire mémorielle à la gomme, pour faire plaisir aux africains à qui il rendait visite en 2017 (le "en même temps", faire plaisir à tout le monde en paroles et à personne en actes), à mis une fois de plus la France dans un engrenage duquel nous aurons du mal à nous extraire. Si chaque peuple se met à réclamer ce qui a été à lui à un moment de son histoire, il faudra qu’il s’attende à ce qu’on lui réclame ce qui n’a pas été à lui à un autre moment. Et personne n’y gagnera, l’Afrique moins que tout autre.

Quant à notre « dette » envers l’Afrique, on pourrait aussi exiger des comptes avant de l’acquitter. Qu’a-t-elle fait des tombereaux d’argent que l’on a déversé sur elle, en pure perte ? Et, tant qu’à lui restituer « ses » œuvres d’art, qu’on lui rende aussi tous "nos" africains dont nous l’avons dépouillée. Après tout, les africains qui vivent en Europe appartiennent à l’Afrique, au moins autant sinon plus que les œuvres d’art africaines qui « vivent » chez nous. Tiens, en gage de bonne volonté, si on commençait par leur rendre Nick Conard (Conrad) ?