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Entretien avec Infos-Toulouse

, par  Franck ABED , popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Le site d’informations Infos-Toulouse m’a proposé un entretien écrit suite à la publication de mon dernier ouvrage consacré aux Gilets Jaunes. Voici mes réponses. Merci de diffuser ce lien au plus grand nombre…

https://franckabedleblog.files.wordpress.com/2019/06/den6899.2.jpg?w=683

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots vous et votre livre sur les Gilets Jaunes ?

Je m’appelle Franck Abed. Je suis écrivain, historien et théoricien politique. Mes domaines de prédilection sont la philosophie politique, l’histoire, l’histoire des idées politiques à travers les âges, ainsi que la théologie.

Dès octobre 2018, lors de l’apparition des Gilets Jaunes dans l’espace public, j’ai suivi très attentivement ce mouvement protestataire. Au fil des semaines, j’ai rédigé des analyses consacrées à ce phénomène social et culturel, en rappelant qu’un combat mené avec de mauvaises bases ne pouvait déboucher sur un « Grand Soir » tant espéré par les protestataires.

Effectivement, les différentes manifestations organisées par les Gilets Jaunes, loin de montrer la force de la France des sans-grade, ont rappelé que, sans doctrine sûre et sans une organisation digne de ce nom, il était extrêmement difficile de faire vaciller la République.

L’objectif de mon dernier opus est de diffuser l’idée suivante : pour espérer de meilleurs lendemains politiques, il demeure essentiel de comprendre les raisons de cet échec tout en revenant aux fondamentaux ayant consacré la France comme l’un des plus grands pays au monde…

Vous dites dès le début de votre livre que vous ne vous sentez pas Gilet Jaune. N’avez-vous jamais soutenu cette révolte ?

Je n’ai jamais approuvé cette révolte car je ne me sens pas Gilet Jaune. Certains disent encourager les Gilets Jaunes sans en être. Je trouve cette posture facile, très confortable mais en réalité elle se montre peu cohérente sur le plan des idées.

Je ne peux soutenir les Gilets pour au moins trois raisons.

La première concerne leurs revendications. Elles s’avèrent très personnelles et finalement très éloignées du bien commun. Prenons un cas concret : quand la France a perdu sa souveraineté et sa monnaie par exemple, les Français ne se mobilisèrent pas en masse contre ces forfaitures. Il semble plutôt facile de se battre pour soi. Cependant, quand est-ce que les Français s’uniront et combattront pour défendre notre patrimoine commun qu’est la France ? Aujourd’hui, ce patrimoine doit nous unir par-delà nos différences politiques. Il nous rattache à nos ancêtres, et donc à notre passé. A ce titre, il mérite d’être défendu et entretenu. Subséquemment, mettons-le en avant pour le transmettre aux générations futures.

Je ne me définis pas comme démocrate car je considère la démocratie comme un système très dangereux. Alors imaginez une démocratie populaire ! L’expérimentation de cette dernière dans notre pays a produit des résultats douloureux à la Révolution de 1789. Je ne souhaite pas que mon pays revive une séquence historique similaire, car il en a trop souffert. De même, la France subit encore les contrecoups de cette politique, faussement humaniste, reposant sur la trinité révolutionnaire : liberté, égalité, fraternité. En conséquence, se battre pour le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) revient à se glisser dans le lit de cette modernité politique – responsable de nos maux – que je combats. Concrètement, les Gilets Jaunes ne remettent pas, de manière fondamentale et radicale, le système en cause. Finalement, ils demandent quelques ajustement à la marge. Si le Président venait à céder au sujet de leurs revendications, je suis intimement convaincu qu’ils s’en contenteraient.

La deuxième se rapporte à la méthode. En effet, occuper les ronds points, les péages et organiser des manifestations sous contrôle républicain dans différentes villes de France ne dérange pas tellement les politiques au pouvoir. Qui pouvait sérieusement croire que l’occupation ou le blocage de certains lieux, parfois symboliques, pourrait paralyser un pays comme la France et conduire à un recul véritable du gouvernement ? Cette stratégie ne pouvait qu’échouer. Et, elle a totalement échoué. Le contraire eut été étonnant. Il fallait être extrêmement naïf, ou méconnaître totalement la réalité politique et sociale dans laquelle nous vivons, pour estimer que cette stratégie provoquerait un basculement politique. Le passé récent et plus lointain démontre que « la République gouverne mal mais se défend bien ». Les Gilets Jaunes n’ont manifestement pas appris ou retenu les leçons du passé, pas plus que les organisations politiques diverses et variées ayant voulu influencer le mouvement sur le plan idéologique ou stratégique.

La troisième touche à la cohérence intellectuelle à laquelle je tiens tant. Parmi les Gilets Jaunes, nous retrouvons beaucoup de Français ayant voté Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et même Macron… Depuis des années, je dénonce la nocivité de ce système tout en proposant une alternative sérieuse et crédible. Je tiens simplement à citer Bossuet pour donner de l’ampleur à mon propos : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » Il demeure très facile de critiquer le gouvernement quand celui-ci ne répond plus à ses attentes. Néanmoins, notre préoccupation principale reste la remise en cause totale du système républicain et démocrate, avant toute autre considération. Trop d’individus en France s’accommodent d’une République par essence mauvaise. Toutefois, ils la critiquent vertement dès qu’elle ne remplit plus certaines missions touchant à leurs petits intérêts personnels. Je sais pertinemment qu’en écrivant cela je serai vivement critiqué ou contesté car je touche à l’intime. Pourtant, je n’exprime rien d’autre que la vérité. Le problème essentiel avec la République ne se définit pas en toute logique par ses actions – objectivement bonnes ou mauvaises – mais dans ses fondamentaux doctrinaux. Je travaille, avec d’autres, pour que les Gilets Jaunes et la majorité des Français comprennent la nocivité de l’institution républicaine et démocratique.

Comprenez-vous les colères ayant déclenché le mouvement des Gilets Jaunes ?

Dans mon étude consacrée aux Gilets Jaunes, j’ai écrit être sensible et même touché par cette authentique détresse. Cela relève de l’injustice que d’avoir un emploi et de travailler toute la semaine sans disposer des moyens financiers nécessaires pour occuper un appartement ou une maison. Je ne parle même pas d’un logement décent, mais d’avoir simplement un toit sur la tête. Beaucoup de travailleurs ont un toit sur la tête, mais il s’agit du toit de leur voiture. C’est inadmissible et honteux. Et que dire de nos compatriotes ayant travaillé 40 ans voire plus qui ne touchent que 500 ou 600 euros de pension de retraite ? Que penser du nombre très élevé de suicide chez les agriculteurs parce que le marché libéral leur impose le rendement, les produits chimiques au lieu de promouvoir la qualité dans le plus grand intérêt de la nature et des consommateurs ?

Je n’oublie pas non plus les forces de sécurité (police et gendarmerie) qui s’exposent dans leurs dangereuses missions face à une populace, très souvent d’origine étrangère, sans foi, ni loi, alors que le gouvernement ne leur alloue pas les finances et le matériel nécessaires pour accomplir leur travail. Et que conclure de cette paupérisation constante, de ces taxes sans cesse renouvelées ou augmentées ? Que devient tout l’argent de nos impôts qui est dilapidé on ne sait où ? La République ne travaille pas pour le bien commun. Oui, je comprends parfaitement le malheur de nos compatriotes Gilets Jaunes souffrant, le chômage, l’exclusion, le déclassement social et vivant dans la précarité. Pour autant, tout bien pris en compte, je n’approuve ni leurs méthodes, ni leurs conceptions politiques fondamentales quand ils en défendent sérieusement.

Vous faites la différence entre « être du peuple » et « se prétendre défenseur du peuple » . Quelle est-elle ?

Je suis fils d’ouvrier. Mon père a commencé sa carrière professionnelle comme manutentionnaire et a terminé agent de maîtrise. Après un peu plus de trente ans de carrière dans la même entreprise, en travaillant pendant des années en trois huit, sa dernière paie s’élevait à 10 000 francs (plus ou moins 1500 euros). Ma mère fut femme au foyer pendant ma prime enfance. Mes parents ne voulaient pas que je passe mes journées chez des étrangers, étrangers au sens de hors du cercle familial. Nous vivions grâce à la seule paie de mon père. Quand j’étais adolescent, ma mère a occupé le poste d’agent de conditionnement, payée au salaire minimum. La réalité de la vie en France, je la connais vraiment contrairement à certains. J’ai grandi dans le 12ème arrondissement de Paris et dans le Val d’Oise… Je ne présente pas ces faits comme un titre de gloire ou comme une tâche noire dans mon CV, mais parce que c’est la vérité. Tout le monde doit honorer ses parents et être fier de là d’où il vient. Quoiqu’il en soit, avec ce rapide historique vos lecteurs peuvent mieux me connaître.

Ceci étant dit, je poursuis mon propos, aussi étonnant soit-il, en citant Maximilien de Robespierre. Dans son discours sur la guerre au Club des Jacobins du 2 janvier 1792, il avait clamé : « D’abord, apprenez que je ne suis point le défenseur du peuple ; jamais je n’ai prétendu à ce titre fastueux ; je suis du peuple, je n’ai jamais été que cela, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque a la prétention d’être quelque chose de plus. » Un adage populaire nous enseigne que « la culture c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale ». Il existe une analogie parfaite avec ceux disant constamment, devant les caméras de télévision et sur les ondes, incarner la défense du peuple. En définitive, plus ils le crient, moins ils agissent en ce sens. Les différences objectives entre « être du peuple » et le prétendu « défenseur du peuple » se situent entre l’authenticité et la posture politique, l’action et l’inaction, les actes et les paroles.

Qui dans la classe politique peut légitimement se prétendre être du peuple ?

Dans la classe politique actuelle, celle dominant les médias et occupant les places au sein des différentes institutions républicaines, personne ne défend réellement le peuple de France. Au pire, ils jouent objectivement contre les intérêts supérieurs de notre pays, au mieux ils expriment une profonde indifférence. Enfin, d’autres abusent de cette posture de défenseur du peuple pour se donner le beau rôle, à l’instar de Jean-Luc Mélanchon ou d’Olivier Besancenot pour ne citer que deux caricatures parmi tant d’autres.

Comment représenter le peuple quand on n’a jamais porté un carton de sa vie ? Ni pris le métro ou le RER durant des années ? Ni connu le chômage, les entretiens d’embauche humiliants et les difficultés de la vie ? Les politiques, pour la plupart, disposent de chauffeurs avec voitures de fonction, de défraiements, et de nombreux avantages – officiels et officieux – qu’ils tirent de leurs positions. Ils vivent, en très grande majorité, en étant complètement déconnectés du monde réel. Il suffit de visionner certaines émissions diffusées à la télévision pour constater qu’ils ignorent le prix d’un ticket de métro ou d’un pain au chocolat lorsqu’un journaliste les interroge sur le sujet. Et ces gens prétendent comprendre et défendre le peuple ? Quelle fumisterie ! En vérité, leur posture est véritablement monstrueuse.

Je rappelle que selon les chiffres officiels, les ministres perçoivent 10 000 euros, les secrétaires d’Etat 9600 euros, les députés et sénateurs 7200 euros, sans parler de tous les autres bénéfices directs et indirects dus à leurs mandats ou à leurs différents postes. Dans plusieurs partis politiques, il y a des permanents et des salariés qui touchent jusque 10 000 voire 15 000 euros par mois. Un député européen perçoit 6 825 euros auxquels s’ajoutent une indemnité de frais généraux fixée à 4 513 euros par mois et leurs voyages à l’étranger sont également remboursés dans la limite d’un plafond fixé à 4 454 euros par an. Le SMIC brut en France s’élève à 1 521 euros par mois. Il ne faut pas se voiler la face – sans mauvais jeux de mots – et que, dans le même temps, les politiques nous racontent des histoires : s’ils se battent tous pour être élus avec autant de vigueur et parfois en ayant recours à la manipulation, au mensonge, à la trahison, à l’intimidation et au vol, leur volonté ne repose pas sur l’envie réelle de défendre la France et les Français. Ils agissent ainsi pour privilégier leur compte en banque. L’ambition de servir ne les intéresse nullement, parce que l’envie de se servir grassement les anime.

Cette réflexion m’invite à citer les Evangiles pour appuyer ma démonstration. Quand les Apôtres et la foule sont réunis autour de Jésus, ce dernier enseigne tout en critiquant les scribes et les pharisiens. Il produit une analyse admirable et remplie de sagesse : « Faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent ; mais n’agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils disent, et ne font pas  ». Le Christ poursuit : «  Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes, ils aiment la première place dans les festins, et les premiers sièges dans les synagogues, ils aiment à être salués dans les places publiques. » Il ajoute : « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. » Et Jésus conclut : « Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé. » Nous pouvons poser exactement le même regard sur notre élite politique. Effectivement, elle dit souvent le contraire de ce qu’elle énonce. Dans le même ordre d’idée, elle n’adopte pas le comportement qui sied à ses fonctions. Elle se presse devant les caméras pour flatter le peuple et proclamer les idées qu’il veut entendre, sans pour autant y adhérer, quand elle n’use pas de la propagande la plus grossière au mépris de la réalité. A croire qu’en 2000 ans, rien n’a changé…

Que les choses soient claires, afin qu’on ne m’intente pas un inutile procès d’intention, je ne cède pas aux sirènes du marxisme-léninisme, pas plus que je ne communie à la lutte des classes. Mon propos reste constamment le même : être juste, équitable et cohérent. Je rappelle simplement que « la cohérence est le moteur de la vérité  » comme disait Saint Thomas d’Aquin. En conséquence, je constate qu’il existe un énorme décalage entre ce que nous vivons, nous le peuple, et l’écrasante majorité des hommes et des femmes politiques. Il y a bien évidemment des militants et des politiques sincères, mais ils sont rarement mis en avant ou n’occupent pas de postes importants. Quand cela arrive, ils servent surtout de faire-valoir… pour nous faire avaler de grosses couleuvres.

Que nous disent les tentatives de récupération des partis politiques ou des syndicats ?

Elles nous enseignent que la démocratie reste un système intrinsèquement mauvais et pervers. Pour une fois, qu’une partie du peuple s’exprimait de manière spontanée sans être accompagnée par le filtre des médias, des partis politiques et des syndicats, certains ont cru bon de parasiter ce mouvement populaire à des fins strictement personnelles ou politiciennes les plus basses.

Ces tentatives de récupération répondent au désir du gouvernement que tout ou presque soit sous contrôle. Nous vivons dans un pays qui, malgré tout, aime la révolution. En haut lieu, ils se sont peut-être dit : « on ne sait jamais  »… Pourtant, les risques de fièvre et d’émotions émancipatrices n’auraient certainement pas débouché sur une révolution pour les raisons exposées dans cet entretien.

De même, dans une optique purement électorale et de comédie républicaine, concrètement pour se faire bien voir, les mouvements politiques et les syndicats qui se sont montrés incapables de mobiliser et d’organiser un mouvement de contestation crédible, ont essayé de capter les Gilets Jaunes pour donner de l’ampleur à leur petite fronde contre Macron. Il semble judicieux sur le plan médiatique, pour les animateurs culturels que sont les responsables politiques et syndicaux, de soutenir les Gilets Jaunes qui se battent contre l’actuel gouvernement. Il faut bien justifier les rentes perçues. Les professionnels de la politique pensent que « ça fait bien de défendre le peuple. » Malheureusement, la servitude volontaire atteint de tels sommets chez les Français, que ce petit jeu malsain peut encore durer très longtemps, à l’image de la fausse alternance gauche-droite qui mine la vie politique française et illusionne nos contemporains. Ainsi, les effets d’annonce, les paroles non suivies d’actes et le fait de parader en tête de cortège ne provoquent pas de bouleversements politiques. Pour parvenir à cet objectif, il faut être animé par l’envie de défendre des convictions belles et sincères…

Comment s’y sont-ils pris ? Pourquoi aucun mouvement de droite n’a su sortir vainqueur de cette mobilisation ?

Il existe chez les partis de gauche et d’extrême gauche une réelle maîtrise concernant l’occupation de la rue. Ils savent organiser des manifestations et des actions de type coup de poing. L’agit-prop ne constitue pas pour eux une difficulté, bien au contraire. J’écris sans crainte que les médias, dans leur ensemble, sont très complaisants à leur endroit. Ils n’hésitent pas à relayer, souvent positivement, la moindre action de leur part, même s’il n’y a que trois militants devant un gymnase occupé illégalement par des clandestins violant allègrement les règles de notre pays…

Au sujet de la droite en France, encore faudrait-il s’entendre sur le terme de droite… Mais admettons ! Il n’existe à ce jour aucun parti authentiquement de droite ayant une forte visibilité médiatique. De même, pour des raisons historiques, sociologiques et à cause de considérations tactiques, les mouvements de droite ont perdu cette habitude de mener des actions de rue. Ils ont déserté ce terrain et abandonné les lieux de médiation et de sociabilisation qui permettent d’influencer la société. On ne change pas cette dernière en publiant des milliers de messages sur les réseaux sociaux, en refaisant le monde sur le parvis de l’Eglise le dimanche matin, ou en débattant de Jeanne d’Arc, de Fatima, de la division Charlemagne et de Vatican II dans des troquets la bière à la main. Il faut occuper le terrain et sortir de cette logique désastreuse de l’entre-soi qui règne actuellement dans les milieux dits de droite.

Emmanuel Macron est-il encore légitime ?

Poser la question de la légitimité d’Emmanuel Macron, revient à s’interroger sur la légitimité du suffrage universel. En fin de compte, Macron n’est pas et n’a jamais été légitime sur le plan démocratique. Toutes les études montrent qu’il a été élu par une minorité d’électeurs, et donc de Français. Selon les dernières études démographiques en France, nous sommes un peu plus de 67 millions. Le corps électoral s’élève lui à 47 millions. Au premier tour, Macron a obtenu 8 656 346 voix. Si nous prenons ce résultat en le mettant en perspective avec le nombre d’électeurs et le nombre de Français, cela donne respectivement 18% et 13%. Au deuxième tour, il a recueilli 20 743 128 voix, en sachant que son adversaire fut Marine Le Pen, la candidate honnie par les principaux médias. En analysant les données du premier tour, là où les Français peuvent véritablement opérer un choix entre plusieurs candidats, Macron réunit moins de deux votants sur dix et à peine un Français sur dix. Cette minorité lui a permis d’accéder au deuxième tour et de remporter l’élection. Au deuxième tour, il ne recueille que 43% des voix sur l’ensemble des électeurs. La République incarne vraiment la dictature des minorités.

Ceci étant rappelé, d’un point de vue démocratique, c’est-à-dire en prenant en compte les normes de ce système auxquelles je n’adhère pas, la légitimité politique de Macron issue des urnes se montre donc relative voire très faible. Comme chacun sait, car ce fait est incontestable et surtout démontrable, Macron a obtenu des millions de voix après une intense campagne médiatique savamment orchestrée. On ne compte même plus le nombre de une que les journaux et les magazines lui consacrèrent durant les années 2016 et 2017. C’était effrayant et disproportionné au regard de son parcours, de ses fonctions et surtout de son absence de résultats probants en tant que Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique ! Nous avons littéralement vu devant nous le déroulé d’un monde orwellien. Même Nicolas Sarkozy, à son époque, ne bénéficia pas d’une campagne de presse aussi flatteuse.

Cependant, la prétendue légitimité démocratique ne me semble pas si importante, car je ne suis pas démocrate. Macron, en dépit d’une illégitimité démocratique criante comme démontrée plus haut, aurait pu devenir légitime si son action politique concourut au service de la France, du beau, du bien et du vrai. Or, sous son mandat, non seulement les différents gouvernements macroniens ont accumulé et aligné les échecs avec une extraordinaire régularité, mais en plus la France s’enfonce jour après jour vers un inexorable déclin. En effet, sur le plan international, la France a perdu sa crédibilité et la reconquérir à court ou moyen terme semble impossible. Sur le plan intérieur, la pauvreté, les incivilités, les taxes, l’immigration, l’immoralité augmentent, tandis que la justice, la sécurité, le goût du travail et de l’effort diminuent. De même, la décadence s’installe partout, les agriculteurs et les policiers se suicident dans une effroyable indifférence gouvernementale, beaucoup de jeunes diplômés quittent la France pour rechercher une meilleure vie à l’étranger, les services de santé se retrouvent au bord de l’implosion, les prisons manquent de place et les tribunaux sont engorgés. Je rappelle que les lois anti-naturelles continuent d’être promues, la propagande gouvernementale remplace l’éducation et l’instruction, les professeurs sont bien moins formés et accompagnés, l’autorité se voit bafouée et j’arrête là mon constat, car tous les sujets d’inquiétude ne peuvent être évoqués dans le cadre de cet entretien…

Macron aurait vraiment pu compenser son manque de légitimité démocratique en devenant légitime grâce à une action politique comparable à celle de Suger ou de Colbert. Mais force est de constater qu’il a échoué. J’écris, sans trop de risque, qu’il essuiera de nouvelles déconvenues car ses fondements idéologiques attestent une vision diamétralement opposée aux intérêts de la France, au respect du bien commun et de la loi naturelle. Il fallait vraiment être naïf – voire plus – ou ignorant de la politique sérieuse pour penser que cet homme pourrait redorer le blason écorné de la France. Au lieu de se comporter comme un véritable chef d’Etat, il agit comme un petit meneur dirigeant sa bande. On attend d’un Président de la République qu’il ait plus d’envergure. Et je ne mentionne même pas les nombreuses affaires dans lesquelles baignent beaucoup de ses très proches collaborateurs…

Et les Gilets Jaunes, sont-ils pour leur part légitimes pour représenter les aspirations populaires ?

Les Gilets Jaunes sont parfaitement légitimes pour parler de leur vécu, de leurs souffrances et rendre témoignage des difficultés qu’ils affrontent. Ces difficultés, rappelons-le, incombent en grande partie à l’Etat républicain. En revanche, il ne faut pas non plus déresponsabiliser les gens en expliquant ou en laissant dire que tout dépend du gouvernement. Ce commentaire relève du mensonge. Malheureusement, je sais qu’aujourd’hui beaucoup le considèrent comme valable. Cette prise de position démontre d’une manière très convaincante l’absence de formation politique chez nombre de Français et l’esprit de gauche qui a littéralement envahi notre pays : comme si l’Etat pouvait tout. Que faut-il ne pas lire ou entendre ?

Cependant, comme déjà expliqué, les Gilets Jaunes restent, dans leurs principales réflexions et propositions, en parfaite adéquation avec la modernité politique. Loin de comprendre la dangerosité du suffrage universel, ils en appellent par exemple au RIC et aux mandats révocables. Si ces deux propositions viennent à être appliquées, elles accéléreront la décomposition française en favorisant l’atomisation de la société et l’instabilité politique. Notre système institutionnel, dans l’intérêt supérieur de la France et des Français, n’a nullement besoin d’ajustements fiscaux ou de baisse des impôts. Même si ces derniers interviennent réellement, ils ne dureront pas. Sur le court terme, beaucoup exprimeront leur contentement d’en payer moins. Mais à long terme, les Français se posent-ils la question de la pertinence de vivre sous une République ? Tous les expédients utilisés par le gouvernement symbolisent parfaitement des pansements sur une jambe de bois.

Notre pays est confronté à de grands enjeux de civilisation (l’explosion démographique dans les pays du Sud, l’immigration, l’écologie, l’intelligence artificielle, le chômage de masse, la perte de sens et de valeurs, les questions énergétiques, la conquête spatiale, le transhumanisme, etc). Un sytème politique reposant sur les médias, la finance et des élections désignant le chef de l’Etat tous les cinq ans ne peut être à la hauteur des défis colossaux de notre siècle. Une institution digne de ce nom ne doit pas dépendre de l’humeur du peuple ou des cordons de la bourse, ni reposer sur l’idéologie des Lumières…

Les Gilets Jaunes ont-ils encore un avenir ? Peuvent-ils rêver d’un avenir politique et électoral ?

Il existe de fortes chances de voir les Gilets Jaunes continuer leurs manifestations pour au moins deux raisons.

La première se montre évidente : le gouvernement ne répond plus depuis longtemps aux appels de détresse des Français en souffrance. Macron et ses ministres, loin de pratiquer le mea culpa et la saine remise en cause, maintiennent leur cap en prenant le soin malgré tout de procéder à quelques minimes ajustements. Ces derniers permettent d’adopter la posture suivante : nous écoutons et comprenons le peuple en mettant un peu d’eau dans notre vin. En fin de compte, le grand mouvement de fond initié par Macron ne se voit pas détourner de son but, comme toute personne honnête et attentive peut le remarquer.

La deuxième tient en la structure même des Gilets Jaunes et de leurs vies. Ce mouvement amalgame différentes sortes de mécontentements qui s’additionnent. Cependant, même en s’additionnant, ils ne se multiplient pas. Ils restent extrêmement minoritaires, mais suffisamment nombreux pour continuer à manifester. Certains rétorqueront que les minorités agissantes donnent naissance aux révolutions. C’est vrai, mais encore faut-il être organisés, décidés, avoir une hiérarchie et une structure dignes de ce nom, disposer de financements importants (de l’étranger ?). En définitive, tout cela manque aux Gilets Jaunes. Néanmoins, ils ne sont pas rares les Gilets Jaunes qui n’ont plus rien ou presque à perdre. Entre ne rien faire et continuer avec l’hypothétique espoir que l’action débouche sur quelque chose de positif à leurs yeux, ils préféreront opter pour la deuxième solution. Comme à l’accoutumée le gouvernement joue la montre en pariant sur l’essoufflement du mouvement. Il table aussi et sûrement sur la lassitude – selon le fameux adage diviser pour régner – des Français ne participant pas aux actions des Gilets Jaunes mais qui subissent les dommages collatéraux provoqués lors des différentes journées.

De même, je vois une véritable différence entre manifester le samedi sous encadrement étatique et construire un parti politique désirant combattre dans l’arène électorale. Les élections européennes de 2019 ont parfaitement démontré ce que je dis depuis la naissance du mouvement : sans cohérence doctrinale, sans chefs, sans encadrement, ils sont voués à l’inefficacité et à la dispersion. Certains Gilets Jaunes ont rejoint telle ou telle liste de partis politiques officiels, d’autres ont voulu donner naissance à des listes estampillées Gilets Jaunes, pendant que certains Gilets Jaunes préféraient rester en retrait, estimant – à raison – que ces élections représentaient un piège. Quant aux personnalités dites historiques issues de leurs rangs, loin de monter au front en étant unies pour se présenter dans le cadre des européennes, elles n’ont su étaler que leurs divisions en échangeant amabilités et autres noms d’oiseaux. L’avenir politique des Gilets Jaunes dépendra donc de leur unité mais surtout de leur capacité à produire un discours résolument politique.

Un dernier mot ?

Selon l’expression fameuse : « La dictature c’est ferme ta g… ; la démocratie c’est cause toujours ». La dictature emprisonne ou tue les intellectuels, mais la démocratie diffuse le mensonge que tout le monde peut s’exprimer avec autorité sur n’importe quel sujet. Je laisse donc le soin à vos lecteurs, ayant un véritable esprit critique, de réfléchir sérieusement à ce que donne au quotidien une dictature démocratique comme la nôtre. N’oublions jamais qu’elle a permis l’élection de Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron à la magistrature suprême. A titre personnel, je préfère Hugues Capet, Philippe Auguste, Saint-Louis et Louis XIV parce que la grandeur de la France les animait réellement, même au soir de leurs vies.

La France ne se relèvera pas pour se mettre en marche, si elle reste sous l’autorité de politiques inconséquents et inféodés au parti de l’étranger. Notre pays ne survivra pas s’il reste soumis aux diktats idéologiques prônant le mondialisme, le relativisme philosophique, le libéralisme économique et le vivre ensemble. Nous devons aborder le futur avec confiance et sérénité, sans jamais oublier notre passé, notamment la naissance de notre pays avec le baptême de Clovis. C’est l’une des clés pour comprendre la tragédie que nous vivons.

Les Français doivent prendre le temps de comparer objectivement et honnêtement les résultats de la République et de la Royauté en France. Ils verront quel système politique convient le mieux au génie français…

Propos recueillis le 22 septembre 2019

Voir en ligne : https://franckabed.com/2019/10/04/e...