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Éloge du Conseil constitutionnel

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
Note NJ : Eric ZEMMOUR met en cause l’implication politique tout à fait anormale du Conseil Constitutionnel et non son utilité de principe. Par contre effectivement la définition "idéale" évoquée dans l’article est plaisante !

Lors du débat face au ministre de l’Économie Bruno Le Maire, Éric Zemmour a rappelé que s’il est élu, le Conseil constitutionnel devra se plier face à la volonté du législateur, affirmant que : « ce n’est pas elle qui fait la politique de la France et elle devra s’y habituer ».

La dépossession des pouvoirs consentie par les différents gouvernements ne doit pas nous faire retourner contre les institutions de la démocratie constitutionnelle, dont le Conseil constitutionnel est l’une des plus importantes, permettant de limiter les lois du Parlement qui ne sont l’expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel comme organe conférant la pleine normativité à la Constitution

L’État de droit suppose la limitation des pouvoirs à travers le principe de légalité, c’est-à-dire que l’exécutif et l’administration sont soumis à la loi, et plus tard à la Constitution, soumission faisant l’objet d’un contrôle par une autorité juridictionnelle ou une juridiction spécialisée (comme le Conseil constitutionnel).

Le Conseil constitutionnel assure la justice constitutionnelle qui peut être définie dans un sens matériel comme l’activité permettant d’assurer la primauté de la Constitution ou dans un sens procédural comme les techniques permettant de consacrer cette primauté.

Quatre fonctions composent la justice constitutionnelle :

l’unification/purification de l’ordre juridique ;
la protection des droits fondamentaux ;
l’arbitrage entre les pouvoirs publics ;
le contrôle de l’expression du suffrage.

Le Conseil constitutionnel, d’abord pensé comme l’arbitre des pouvoirs publics s’est transformé en un véritable défenseur des droits fondamentaux substantiels. Bien que ce contrôle reste imparfait, il n’en demeure pas moins que cette avancée constitue un progrès de la démocratie libérale. En effet, organe créé dans le cadre du parlementarisme rationalisé, le Conseil constitutionnel va évoluer au fil des années, 1971 marquant un changement important.

C’est donc avec la décision du 16 juillet 1971 que le Conseil constitutionnel va se muer en véritable Cour constitutionnelle et permettra, au travers de son contrôle effectif, d’assurer la pleine normativité à la Constitution, la faisant ainsi primer sur les règles normatives inférieures, finalisant ainsi le « principe de légalité » compris dans son sens large de soumission de l’exécutif et de l’administration à une norme juridique supérieure. En faisant de la norme constitutionnelle la norme sanctionnée, elle devient le fondement de validité de l’ensemble de l’ordre normatif.
Le Conseil constitutionnel comme organe protecteur des droits fondamentaux

La Constitution de la Cinquième République du 4 octobre 1958 n’est pas, a priori, une Constitution libérale dans le sens où elle consacrerait un ensemble de droits fondamentaux. Alors que les autres Constitutions européennes comme celle de l’Allemagne (« clause d’éternité » à l’article 79 al. 3, Loi fondamentale de 1949) ou de l’Italie prévoient des catalogues de droits fondamentaux, celle de la France ne le prévoit pas. La Constitution de la Cinquième République est pensée comme une réponse au régime d’assemblée de la Quatrième République, et le thème principal de la Cinquième République sera le parlementarisme rationalisé, entendu comme une codification juridique des rapports et des actions du parlement.

Cependant, la Cinquième République consacre certains droits comme :

le principe de laïcité (art. 1er) ;
le principe de souveraineté nationale (art. 3) ;
l’égalité devant la loi (art. 1er) ;
la liberté individuelle (art. 66) etc.

On le voit, avec ses 89 articles la Constitution stricto sensu, c’est-à-dire matérielle, ne dispose pas de beaucoup de droits et libertés fondamentaux.

Par sa jurisprudence créatrice, le Conseil constitutionnel va consacrer un véritable mur constitutionnel, un trésor constitutionnel, composé de l’ensemble des acquis constitutionnels, trésor auquel on ne peut qu’ajouter de nouveaux principes fondamentaux et jamais en enlever. C’est l’effet cliquet décrivant une « roue de droit fondamentaux constitutionnels » qui ne peut aller que vers l’avant, et qui instaure un seuil en deçà duquel le législateur ne peut descendre.

Par sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a donc consacré la valeur constitutionnelle au préambule de 1958 et a fait découler des diverses déclarations des nouveaux droits comme, à partir de l’article 2 de la Déclaration de 1789, la liberté d’entreprendre, la liberté de la personne et la liberté contractuelle. Bien sûr, ces droits constitutionnels sont souvent antagonistes, contradictoires et donc vont nécessiter une conciliation.

Le Conseil constitutionnel va cimenter le « mur constitutionnel » à la fois par sa méthode générale d’appréciation des lois qui tiendra compte de l’objet, des motifs et du but de la loi, mais aussi par son œuvre créatrice que sont les objectifs de valeur constitutionnels (OVC), et qui permettent cette conciliation par la création d’une norme constitutionnelle qui dans le même temps, élargit le champ d’application des principes constitutionnels originaires. En ce sens que, le Conseil constitutionnel est un « architecte constitutionnel », modulant au gré de sa jurisprudence la structure des droits fondamentaux en tenant compte des situations dans lesquels s’exerce le contrôle.

Le Conseil constitutionnel est l’institution de l’indétermination textuelle, on pourrait alors dire que la Constitution est ce que le juge constitutionnel dit qu’elle est, par son interprétation toujours progressive mais nuancée, permettant la mutabilité de la Constitution.

Selon le professeur Troper, l’interprétation de la Constitution est nécessaire pour au moins trois raisons :

l’indétermination normative ;
la nature et la signification du texte ;
les évolutions institutionnelles et sociétales.

Cette œuvre interprétative est en France aux mains du Conseil constitutionnel qui devient un acteur du régime d’énonciation concurrentielle des normes, il est en ce sens un co-législateur.
Le Conseil constitutionnel comme organe central du patriotisme constitutionnel

Jusqu’à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du 10 décembre 2009, seuls les autorités politiques que sont le président de la République, le Premier ministre, le président du Sénat et de l’Assemblée nationale, et 60 députés ou 60 sénateurs (révision 29 octobre 1974) pouvaient saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre d’un contrôle a priori des lois, c’est-à-dire après l’adoption définitive mais avant la promulgation.

Par cette révision, on permet à un justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi applicable à un litige dont il est parti ; c’est la consécration du contrôle a posteriori. Faisant l’objet d’un double filtrage par les juridictions du fond et les cours suprêmes (tout dépendra de l’ordre juridictionnel), la question est ensuite examinée par le Conseil constitutionnel.

Contrairement à d’autres pays, la décision rendue ici vaut à l’égard de tous les citoyens et pas seulement les parties à l’instance. On élargit les moyens possibles devant le juge on permet au citoyen, ici un justiciable, de prendre part directement au contrôle de constitutionnalité de la loi, lui permettant ainsi de s’approprier la Constitution et de s’y reconnaître à l’intérieur.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2021/1...