Quelle belle tribune, bien dégoulinante de bons sentiments, que cet « ensemble, défendons la liberté », à l’initiative de Riss, le directeur de la publication de Charlie Hebdo. Ensemble, d’accord, mais entre soi, hein ?

J’avais déjà écrit à l’époque de l’attentat de Charlie Hebdo toute la méfiance que m’inspirait cette unanimité bien-pensante (encore que, question unanimité, en regardant de près les photos des manifestants Charlie pour la paix et contre la violence, tout ce joli monde était bien peu métissé) Je suis Charlie : L’entreprise de décérébration continue., Je suis Charlie : les cocus du 11 janvier. Hé bien, je persiste et signe : je ne suis pas plus Charlie 5 ans après qu’au moment des attentats, comme je ne suis ni « vous n’aurez pas ma haine », ni « tendez l’autre joue », et encore moins « processionnons contre la violence », une bougie ou une fleur à la main.

Que Charlie Hebdo ait délibérément exclu du « tribunons ensemble » les médias qui n’ont pas l’heur de reproduire scrupuleusement la « bonne parole », alors que c’est la liberté de ces médias-là, Valeurs Actuelles, Boulevard Voltaire ou TV Libertés que l’on essaie de tuer à coups de fermeture de comptes sur les réseaux sociaux, de procès indignes, ou de suppression de subventions pourtant accordées généreusement à la presse qui pense bien, même si personne ne la lit, l’écoute ou la regarde.

Non, je ne suis pas Charlie. D’ailleurs, sur cette affaire des caricatures de Mahomet et de la boucherie du 7 janvier 2015, je crois bien que personne n’a osé poser la première question qu’un journaliste digne de ce nom devrait avoir en tête : pourquoi Charlie Hebdo ? En quoi ces caricatures qui ne sont que bluettes, surtout comparées à celles du pape ou de Jésus qui sont encore et toujours la première source d’inspiration de Charlie, ont-elles pu provoquer la colère assassine d’adeptes de la religion de paix et d’amour ? Pourquoi, au contraire, des « islamophobes » patentés (c’est de l’ironie, pas de procès d’intention, s’il vous plait) ne subissent-ils pas le même sort ?

Charlie Hebdo, et je pèse mes mots, était déjà et depuis longtemps, un média soumis, tout comme ses copains de gauche, prenant son pied d’esprit fort à taper à bras raccourcis sur la seule religion chrétienne, la seule qui tend la joue gauche quand on frappe sa joue droite. C’est son ancien patron, Philippe Val, qui le reconnaissait récemment. Ils avaient pu moquer les cathos jusqu’à plus soif, sans le moindre risque, et sous les applaudissements et les rires frénétiques de toute l’intelligentsia, sauf une fois où Val avait croisé un catho de Civitas qui lui avait cassé la gueule (il avait eu l’élégance de ne pas aller pleurer sa mère, il faut le lui reconnaître). Toujours est-il que jusqu’à ce jour funeste de janvier 2015, Charlie Hebdo s’était prudemment abstenu de la moindre allusion à l’Islam (esprit fort, mais chair faible).

Seulement voilà. Ce jour-là, Allah seul sait pourquoi, un hurluberlu de Charlie, sans doute sous hallucinogènes, s’est dit que ça ferait drôlement gonflé de publier les caricatures danoises du prophète. Peut-être, en toute innocence, et compte tenu de l’inculture crasse dans laquelle se vautrent nos soi-disant journalistes, croyait-il que Mahomet était un des prophètes de la Bible, donc un pré-catho, et pas le « Seul Prophète » de l’Islam ? En tout cas la réaction des gardiens de la vraie foi a été immédiate : Les dhimmis de Charlie ont voulu faire les malins ? Pas question de laisser faire, de donner l’idée à d’autres dhimmis de rigoler avec l’Islam, de laisser croire que les musulmans peuvent être aussi faibles et lâches que les mécréants. Quand on est soumis, on l’est pour la vie et la mort, et celui qui essaie de relever la tête la perd aussitôt. C’est cela, la leçon de Charlie : on ne rigole pas avec l’Islam, on s’aplatit...

D’ailleurs pourquoi croyez-vous qu’ils laissent vivre (pour l’instant ; ils ne perdent rien pour attendre) les « islamophobes agréés », médias précités, figures emblématiques de la « fachosphère » telles qu’Eric Zemmour, Philippe de Villiers, Michel Onfray, Élisabeth Lévy... ? Tiens donc ! Toute entreprise de conquête a besoin de se trouver un ennemi-prétexte, en l’espèce ceux qui ont l’outrecuidance de la dénoncer. Nous, nous sommes pacifiques. C’est l’autre qui nous attaque, nous ne faisons que nous défendre contre l’islamophobie, contre le racisme, contre la xénophobie... Et pendant que la milice de la bien-pensance mène une guerre impitoyable à la "résistance" par tribunaux interposés, la conquête islamique avance, tranquillement, en utilisant toutes les armes que la naïveté, la bêtise et la tentation de sabordage de notre vieux pays (et de l’Occident) met à sa disposition. Ils n’ont même pas besoin de se fatiguer, nous sommes déjà soumis.