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Confinement : comment en sommes-nous arrivés là ?

, par  Patrick de Casanove , popularité : 4%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
Article du 19 mars 2020
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Par Patrick de Casanove.

Emmanuel Macron a pris la parole le 16 mars pour annoncer , sans jamais prononcer le mot, le confinement des Français.

Il faut remarquer que, face à la pandémie de coronavirus, la situation de plusieurs pays européens, pourtant développés et bénéficiant d’une longue tradition sanitaire, est parmi les plus mauvaises de la planète.

Quoi qu’on en dise, bien qu’elle fasse très peur, même si le rapport cas/décès est plus lourd que celui de la grippe saisonnière, cette épidémie est médicalement peu sévère . Au total, 7007 personnes sont décédées pour 175 536 cas de contamination recensés dans le monde.

L’infectiologue Didier Raoult explique :

En 2019, il y a eu 2,6 millions de morts dans le monde par infection respiratoire aiguë. À votre avis, quelle influence aura là-dedans le coronavirus ? Avant de modifier sensiblement ces statistiques, il va falloir qu’il tue beaucoup… Et qui sait s’il ne s’arrêtera pas du jour au lendemain sans qu’on sache pourquoi comme le SRAS, ou si l’on en aura fini avec lui en mars, comme habituellement avec la grippe. Tout cela fait que je ne suis pas particulièrement ému, et pense surtout à détecter et à traiter.

La question qui se pose est de savoir pourquoi et comment ces États ont pu être à ce point défaillants. Comment ont-ils pu transformer cette épidémie virale en catastrophe sanitaire, humanitaire, économique et sociale ?

Il était possible de la vaincre, Taïwan l’a fait

À Taïwan, situé à quelques dizaines de kilomètres de la Chine, la réaction fut quasiment instantanée et très différente de la réaction européenne, française en particulier.

Je me permets de citer en français de larges extraits de l’article en anglais, publié dans le Journal of American Medical Association .

« COVID-19 a eu lieu juste avant le nouvel an lunaire au cours duquel des millions de Chinois et de Taïwanais devaient voyager pour les vacances. Taïwan a rapidement mobilisé et mis en place des approches spécifiques pour l’identification des cas, le confinement et l’allocation des ressources pour protéger la santé publique. Taïwan a tiré parti de sa base de données nationale sur l’assurance maladie et l’a intégrée à sa base de données sur l’immigration et les douanes pour commencer la création de mégadonnées pour l’analyse ; il a généré des alertes en temps réel lors d’une visite clinique en fonction des antécédents de voyage et des symptômes cliniques pour faciliter l’identification des cas. Il a également utilisé une nouvelle technologie, notamment la numérisation de code QR et la notification en ligne des antécédents de voyage et des symptômes de santé pour classer les risques infectieux des voyageurs en fonction de l’origine du vol et de l’historique des voyages au cours des 14 derniers jours. Les personnes à faible risque (pas de déplacement vers les zones d’alerte de niveau 3) ont reçu un laissez-passer de déclaration de santé par SMS (service de messages courts) sur leur téléphone pour accélérer le dédouanement ; ceux à risque plus élevé (voyages récents dans des zones d’alerte de niveau 3) ont été mis en quarantaine à domicile et suivis via leur téléphone portable pour s’assurer qu’ils restaient à la maison pendant la période d’incubation.

De plus, Taïwan a amélioré la détection des cas de COVID-19 en recherchant de manière proactive des patients présentant des symptômes respiratoires sévères (sur la base d’informations provenant de la base de données de la National Health Insurance [NHI]) qui avaient testé négatif pour la grippe et les avaient testés à nouveau pour COVID-19 ; 1 a été trouvé sur 113 cas.

Le gouvernement de Taïwan a tiré des leçons de son expérience du SRAS en 2003 et a mis en place un mécanisme de réponse de santé publique pour permettre des actions rapides pour la prochaine crise. Des équipes de fonctionnaires bien formés et expérimentés ont rapidement reconnu la crise et activé les structures de gestion des urgences pour faire face à la flambée émergente.

En cas de crise, les gouvernements prennent souvent des décisions difficiles dans l’incertitude et avec des contraintes de temps. Ces décisions doivent être à la fois culturellement appropriées et attentionnées vis à vis de la population. Grâce à une reconnaissance précoce de la crise, à des séances d’information quotidiennes au public et à de simples messages sur la santé, le gouvernement a pu rassurer le public en fournissant des informations opportunes, précises et transparentes concernant l’évolution de l’épidémie. Taïwan est un exemple de la manière dont une société peut réagir rapidement à une crise et protéger les intérêts de ses citoyens. »

Taïwan, mais aussi la Corée du Sud ont très bien réagi.

Quand on se reporte à leur indice de liberté économique 2019 on constate que Taïwan est dixième, la Corée du Sud 29ème.

La France 71ème et l’Italie 80ème sont loin derrière. La France est plus proche de la Chine, 103ème, que de la Corée du Sud.

Quand sait que la liberté économique ne se limite pas à l’économie au sens restreint, on peut se dire qu’il n’y a pas de hasard dans le fait que certains pays ont une prise en charge efficace, quasi individuelle et ciblée, tandis que d’autres ont recours au confinement de masse. La Chine l’a toutefois limité à la province de Hubei et quelques villes ailleurs.

La France passe à côté

Le fait que cette épidémie parte de Chine aurait dû nous permettre de nous préparer. Certes le coronavirus COVID-19 se propage très vite. C’est même une des spécificités de cette épidémie.

Il n’empêche que pour y faire face nous avons eu un délai de un mois depuis l’apparition de l’épidémie en Chine et de deux semaines depuis l’annonce officielle faite par l’OMS le 9 janvier.

« Les trois premiers cas recensés en France le 24 janvier 2020 sont des patients d’origine chinoise ayant séjourné à Wuhan, le foyer d’origine du virus en Chine centrale (ce sont également les premiers cas annoncés en Europe). Deux de ces personnes sont hospitalisées à Paris et une à Bordeaux […]Le premier mort est un touriste chinois arrivé en France le 23 janvier, âgé de 80 ans, décédé dans le service de réanimation de l’hôpital Bichat le 15 février. »

La réponse de la France aux Situations Sanitaires Exceptionnelles repose sur le dispositif ORSAN .

Mais sur le terrain, le système de santé français n’était pas prêt.

Quand on étudie la manière dont le gouvernement français a réagi on constate que c’est l’exact contraire de ce qu’ont fait les Taïwanais ou les Sud-Coréens.

La réaction du gouvernement français s’est surtout caractérisée par sa cacophonie et sa lenteur : pas de recherche active dans l’identification de tous les cas, pas de tests de dépistage autant que nécessaires, pas de nouveau contrôle pour les personnes négatives à la grippe saisonnière, pas d’équipements en quantité suffisante ni pour les professionnels, ni pour la population, pas d’utilisation de nouvelles technologies à grande échelle.

De plus les consignes et décisions étaient peu claires, parfois incohérentes ou contradictoires et généraient de l’angoisse.

Les professionnels libéraux sur la touche

Le gouvernement n’a pas tenu compte de l’échec des « vaccindromes » de la grippe A H1N1. Fidèle à son esprit centralisateur sa réponse au COVID-19 a été collectiviste. Tout devait passer par le 15 et le système hospitalier qui ont vite été submergés. Les réponses données étaient souvent stéréotypées et ceux qui appelaient restaient insatisfaits.

Les médecins généralistes et les infirmières libérales ont été laissés complètement à l’écart de la prise en charge sanitaire de l’épidémie, traduisant ainsi une grande défiance à leur égard. Pourtant ce sont des personnels formés et de qualité, présents sur tout le territoire, au contact de la population qui leur accorde une grande confiance.

Non seulement le gouvernement les a laissés dans le flou, n’a pas mis de tests à leur disposition, mais il ne leur a même pas donné les moyens de protection nécessaires dans l’exercice de leur métier. La grande misère des généralistes français est flagrante .

Beaucoup de confrères ont spontanément mis en place dans leurs cabinets, et à leurs frais, des mesures de prévention avec mise à disposition pour leurs patients de masques et de soluté hydroalcoolique . Spontanément encore les médecins s’organisent en réseaux sur WhatsApp, Twitter etc. Ils s’épaulent, se soutiennent, diffusent des informations et des conseils.

Les gouvernements français n’ont pas tiré les leçons des épidémies précédentes, SRAS en 2003 et grippe AH1N1 de 2009 . Ils n’ont pas été prévoyants.

Par exemple, après le passage de la grippe H1N1 les stocks de masques n’ont pas été renouvelés . Aujourd’hui 17 mars il en manque toujours en ville, dans les hôpitaux, les EHPAD. Emmanuel Macron a promis que 25 départements seraient approvisionnés demain, soit près de deux mois après le début de l’épidémie.

Le manque de dépistage

Toutes les personnes qui auraient dû l’être n’ont pas été testées, ce qui peut laisser penser que les chiffres de l’épidémie sont sous-évalués, le nombre de cas étant bien supérieur aux cas déclarés. Logiquement la mortalité sera supérieure à celle annoncée.

La détection a été négligée. La France n’est pas allée au contact, sur le terrain, chercher les personnes asymptomatiques. Elle a attendu que les cas soient cliniquement déclarés. Pendant ce temps les porteurs sains pouvaient contaminer d’autres personnes, à l’insu des uns et des autres. D’où la multiplication du nombre de cas cliniques.

Ce qui est indispensable pour faire face de manière efficace à une épidémie c’est de remonter la chaîne de contamination. Ce qui est étonnant c’est que les tests de dépistage n’aient pas été utilisés de manière plus systématique. Ils permettent de détecter une charge virale afin d’isoler les patients contaminés et également de déterminer à quel moment une personne est guérie. L’objectif est d’interrompre la chaîne de contamination.

Pour ce faire il faut identifier les sujets à risque avant qu’ils ne développent les signes cliniques de la maladie. Dès avant l’apparition des premiers cas il faut procéder au dépistage des personnes suspectées de pouvoir porter le virus. Puis il faut identifier les contacts de ceux qui sont détectés positifs, les tester, puis recommencer la manœuvre pour chaque personne déclarée contaminée.

Le dépistage autant que de besoin permet l’identification de quasiment tous les cas, une prise en charge individualisée et un confinement ciblé.

« Le confinement consiste à s’assurer que tous les cas sont identifiés, contrôlés et isolés. C’est ce que font si bien Singapour, Hong Kong, le Japon ou Taïwan : ils limitent très rapidement les personnes qui entrent, identifient les malades, les isolent immédiatement, utilisent des équipements de protection lourds pour protéger leurs agents de santé, suivent tous leurs contacts, les mettent en quarantaine […] cela fonctionne extrêmement bien lorsque vous êtes prêt et que vous le faites tôt, et que vous n’avez pas besoin d’arrêter votre économie pour y arriver. »

Le dépistage réservé manque son but. À ce stade 3 de l’épidémie, « le test est réservé aux personnes fragiles ou à risque, en cas de signes de gravité, si on est déjà hospitalisé, si on est un professionnel de santé, si on est à risque et en structure collective (EPHAD, handicap). »

« En stratégie d’atténuation, les patients présentant des signes de Covid-19 ne sont plus systématiquement classés et confirmés par test biologique(RT-PCR SARS-CoV-2). »1 Il faut bien comprendre que les tests sont utiles pour comprendre où circule le virus, ils deviennent moins indispensables dans les zones de circulation active où c’est la prise en charge sanitaire qui devient centrale »

C’est une faute. La prise en charge sanitaire ne doit pas limiter les tests.

Ceux-ci doivent pouvoir se faire à une large échelle à n’importe quel stade de l’épidémie. Encore aujourd’hui 17 mars, mes confrères médecins, qui suspectent des cas de coronavirus, ne peuvent que les mettre en quarantaine. Leurs patients suspects ne sont pas testés. Les médecins ne peuvent pas remonter la chaîne de contamination.

Les médecins présentant des signes d’infection respiratoire fébrile qui appellent le 15 ne sont pas systématiquement testés non plus. À défaut de tester, le gouvernement a recours à une politique de quarantaine collective et de confinement. Il prend le risque de laisser dans la nature un nombre inconnu de personnes contagieuses. Le confinement collectif n’est pas étanche .

Le confinement personnalisé sur cas identifié peut, lui, être strict.

Le gouvernement a restreint l’utilisation des tests de dépistages probablement pour des raisons d’économie. L’argument du coût n’est pas pertinent au regard de celui des mesures de confinement de masse. « On ne peut pas tester tout le monde » entend-on souvent.

La vérité c’est que si une épidémie est bien gérée il n’est pas nécessaire de tester tout le monde.

La Corée du Sud, dont la population est comparable à celle de la France a utilisé, à ce jour, environ 200 000 tests de manière très adaptée. Le résultat est que l’épidémie régresse en Corée du Sud et cela sans confinement de masse.

Politique inadaptée, pays paralysé

La gestion de l’épidémie par le gouvernement est un échec.

Le nombre de personnes contaminées diagnostiquées a explosé, le système de soins est débordé, le pays est désorganisé, paralysé. Nous sommes en état de guerre, a répété six fois Emmanuel Macron. Cela aurait pu être évité.

Faute d’avoir agi avec efficacité en temps et en heure la France et les pays européens ont loupé le coche. Maintenant il est trop tard pour juguler l’épidémie par des mesures peu coûteuses précises et ciblées. Nous en sommes au stade du confinement collectif où tout s’arrête avec les conséquences gravissimes que l’on connaît.

Faute d’avoir agi correctement certains gouvernements, dont le gouvernement français, ont transformé une épidémie virale, somme toute peu meurtrière, parfaitement contrôlable dès son départ grâce aux moyens disponibles au XXIe siècle, en une crise sanitaire, économique, sociale, humanitaire et politique.

Les conséquences délétères seront probablement planétaires, sans commune mesure avec ce qu’elles auraient pu être, liées seulement et directement à la pathologie.

Les leçons

Le système de soins français est un système de pénurie de médecins, de soignants, de lits etc. Elle est constante et inévitable dans un système de santé socialiste .

La Sécurité sociale a pour but de gérer cette pénurie.

Personne ne connaît les besoins de santé en France. Personne ne connaît les moyens à mettre en œuvre. Pour la bonne et simple raison que l’État s’est privé de l’information des prix libres. Les coûts du système français ne sont que des tarifs administratifs. Ils reflètent une volonté politique mais en aucun cas une saine prise en charge de l’état de santé des Français. Dans des situations comme celle que nous vivons cela apparaît au grand jour.

S’il y a une leçon à tirer de l’épidémie de coronavirus c’est qu’il faut revenir à la liberté économique et à la responsabilité individuelle en matière de santé comme ailleurs.

Ce qui est encore plus inquiétant c’est qu’une épidémie somme toute gérable avec les moyens dont nous disposons aujourd’hui, aboutit au confinement des Français. Il est justifié de se poser la question de ce qui se passera si, un jour, le pays doit faire face à une épidémie massive et férocement mortelle, bactérienne comme la peste ou virale comme la grippe espagnole .

Notre système national de gestion des Situations Sanitaires Exceptionnelles doit être revu. Il doit faire une place plus grande aux professionnels pour que, en cas d’épidémie, la prise en charge soit davantage médicale et proche du terrain, que politique . https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide-covid-19-phase-epidemique-v15-16032020.pdf

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