Samedi 30 avril 2022 nous étions à Aubagne pour assister à la commémoration du combat de Camerone. Au fil des années le cérémonial reste immuable et le récit inchangé. Sobrement il raconte comment, le 30 avril 1863, le capitaine Danjou, à la tête d’une poignée d’hommes, fit face à 2000 mexicains jusqu’au bout et sans faillir, pour respecter la parole donnée.

Un siècle et demi plus tard les Légionnaires combattent partout où la France les envoie. Ils vivent à la pointe du présent, à la pointe des évènements tragiques, tandis qu’à Aubagne se perpétue le culte de l’origine, de l’acte fondateur, et que résonne encore l’hommage de Camerone : « Honneur aux braves ! Nous saurons les suivre dans la voie qu’ils nous ont tracée ».

« 1962-2022 de Sidi bel Abbès à Aubagne », peut-on lire sur le document remis aux invités à la cérémonie. Oran, Tlemcen, Mascara, Daya, le texte égrène les noms ; il évoque le premier bivouac à Bel Abbès puis l’œuvre de bâtisseur de la Légion : plantation de vignes, construction de dispensaire, d’écoles, mise en valeur de la région… Jusqu’au 24 octobre 1962 : date des adieux. « Les légionnaires ont choisi la nuit pour ce moment historique. Une à une sept cents torches sont allumées et voici que, sous le ciel sombre d’Algérie déjà piqueté d’étoiles, s’élève le chant du 1er bataillon du 1er Etranger. ». C’est en 1964 que le quartier Vienot renaît à Aubagne, lorsque la Légion installe « les vénérables pierres du monument aux morts, pieusement ramenées avec ses figures de bronze et sa « boule » … »

En 2022 le Capitaine Joseph Estoup a été choisi pour porter la main du Capitaine Danjou : « une relique laïque mais néanmoins sacrée ». Ses multiples actions de combat en Indochine, puis en Algérie, avaient valu à ce légionnaire de nombreuses et prestigieuses décorations. « Le 21 avril 1961, sollicité par le commandant Saint Marc qui commande le 1er REP par intérim, le capitaine Estoup, à la tête de la 3ème compagnie, participe à l’action du régiment sur Alger déclenchée par le général Challe. Peu de temps après, le régiment est dissout. ».

Les Français d’Algérie présents à Aubagne regardaient cet homme remonter la Voie sacrée. S’appuyant sur sa canne et courbé sur le coffret contenant la main de bois du capitaine Danjou, dont un siècle et demi le séparait, il avançait péniblement mais inexorablement. Puis les légionnaires qui, symboliquement, avaient ensuite convergé vers lui, l’entourèrent et l’accompagnèrent de leur pas lent, réglé sur le sien.

Soixante ans après notre exode, cet homme portait aussi, avec honneur, une partie de notre histoire. Sous la trace tricolore laissée dans le ciel de Provence par la patrouille de France, la Légion nous avait débarrassés durant un moment de la médiocrité de notre époque

Evelyne Joyaux.

Présidente du Cercle Algérianiste d’Aix-en-provence