Et voilà : les gilets jaunes vont présenter une liste aux européennes. Enfin, pas tous les gilets jaunes, heureusement, sinon, ce serait à désespérer, seulement ceux qui se pavanent, sérieux comme des membres du Conseil Constitutionnel, sur les télés d’info-blabla en continu. Ces gilets-là se voient déjà chefs, ce sont en réalité des marionnettes cathodiques habillées en jaune. Elles sont bien accrochées au bout des ficelles, elles lèvent bras ou jambe, baissent la tête ou tapent dans leurs mains au gré des manipulations du marionnettiste ventriloque. Vous voulez être entendus ? Vous voulez défendre vos idées ? Qu’est-ce que vous attendez pour vous constituer en parti politique ? Rentrez dans le jeu démocratique, présentez-vous aux Européennes, mettez-vous d’accord sur un programme ! Et le marionnettiste aura fait coup double : il aura privé les partis d’opposition (suivez mon regard, en particulier le parti immonde de droite extrême qui pourrait, ce qui n’a jamais été prévu et contre toute attente, arriver un jour au pouvoir) des voix qui l’auraient empêché d’arriver largement en tête et aurait sérieusement ébranlé la légitimité dont il se prévaut. En même temps, il aura beau jeu de souligner les incohérences d’un programme gilet jaune qui, à coup sûr, ne peut être qu’un inventaire à la Prévert, sympathique mais ridicule et irréaliste - les gilets jaunes, trois petits tours et puis s’en vont.

En attendant, ça tombe comme à Gravelotte. Ce sont les reportages télé sur des députés LREM menacés de mort par des hurluberlus tellement pris au sérieux par la police qu’elle ne prend même pas la peine d’essayer de les retrouver… et l’image insoutenable du visage en gros plan du député tartempion, décomposé à l’idée que sa femme et ses enfants pourraient être égorgés par une horde sauvage de gilets jaunes avinés, sentant la clope bon marché et le gasoil non raffiné. Ce sont les informations sournoisement instillées sur l’état cataclysmique du commerce de proximité, les faillites en série qui se profilent, les emplois qui se perdent par milliers, voire par dizaines, par centaines de milliers, les investisseurs étrangers qui n’investissent plus, les radars vandalisés qui n’empêchent plus l’hécatombe routière, la pollution qui repart de plus belle. Tout cela, à cause des gilets jaunes. Et la violence de ces beaufs, portée à un degré encore plus élevé que celle de la manif pour tous, et dieu sait que celle-ci fut déjà extrême, au point que l’on lança des poussettes et de l’eau bénite sur les forces de l’ordre… A la limite, et en se pinçant le nez, les gens de bien auraient pu comprendre la souffrance (souvent exagérée quand même) des gilets jaunes, mais là, non, cent fois non. Il faut que ça s’arrête. Que la police fasse enfin son boulot. Qu’elle tire, y compris pour tuer cette vermine, s’il en va du maintien non négociable de l’ordre républicain.

Et bon, après tout, ils ont leur débat, de quoi ils se plaignent, ces cons ?
Dans quel autre pays que le nôtre, un président prendrait-il autant de son précieux temps pour écouter les gens qui ne sont rien, hein ? Deux fois sept heures à entendre (rectification : à faire la leçon à) des élus locaux triés sur le volet –courageux mais pas fou, l’organisateur de spectacle-, les maires, seuls politiques en qui le peuple ait encore confiance. Il vous a tout dit, notre président bien aimé que le monde entier nous envie, tout expliqué, il vous a fait le grand débat à lui tout seul, avec une immense patience et un talent salués unanimement par les quatre rues de Paris qui font l’opinion. Il vous a compris, comme vous avait compris le premier président de la cinquième république – par la suite, il vous l’avait bien mis, et profond -. Il va tout faire pour vous rendormir en douceur, si les deux premiers one man show ne vous ont pas encore terrassés.

Mais, parce qu’il y a un mais, j’ai comme l’impression que cette fois, ça ne va pas marcher comme sur des roulettes. Qu’un certain nombre de marionnettes ont coupé leurs (grosses) ficelles, et qu’elles ont décidé une fois pour toutes de ne plus se laisser prendre aux injonctions morales des faux guides, faux vertueux, faux altruistes, bref, les faux-culs qui les faisaient se trémousser en cadence. Alors le peuple pourrait bien se mettre à danser… la carmagnole.