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Il est libre, Valls

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Subir un week-end provocant, virer des ministres inélégants, renommer un gouvernement cohérent, amadouer un Medef méfiant, prononcer à la Rochelle un discours devant des socialistes parfois grinçants, c’est ce qu’il a fallu à Manuel Valls pour se déployer.

En le regardant dimanche, on avait l’impression qu’après quelques mois de rodage, il avait pris son élan. Certes, l’allégeance et la loyauté au Président étaient toujours présentes, mais on avait l’impression que c’était d’égal à égal qu’ils gouvernaient à deux la France.

Il faut dire que Manuel Valls n’avait plus rien à perdre. En chute libre dans les sondages, ignoré par des ministres soucieux d’abord de leur carrière, incompris de beaucoup de gens de gauche qui ne se retrouvaient pas dans un pacte de stabilité très (trop ?) favorable aux entreprises, acculé par les chiffres aggravés du chômage, il ne lui restait plus qu’à jouer son va-tout, être lui-même, défendre une politique dans laquelle il croit et affronter les problèmes qui fâchent. Pour parodier deux ou trois vers d’une célèbre chanson des années 80,

"(...) ll vit sa vie sans s’occuper des grimaces
Que font autour de lui les poissons dans la nasse
Il est libre, Valls ! Il est libre, Valls !
Y’en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler..."



Voler, ce n’est pas sûr. Plutôt d’abord être à la peine, le front perlant de sueur, ce dimanche à la Rochelle, mais une fois son discours terminé, savourant son acrobatie de l’avoir fait à la fois habile et entraînant.

Une petite phrase, prononcée devant le Medef, "j’aime l’entreprise" avait mis le feu aux poudres. Il a eu l’adresse de la reprendre à l ’envers en se demandant qui oserait dire qu’il ne l’aime pas. Il sait bien que ce qui irrite, chiffonne les hommes et femmes de gauche, et on peut les comprendre, c’est de voir les chefs d’entreprise cajolés sans qu’ils semblent transformer les câlins en embauches. De les entendre dire que tant que les marges ne sont pas reconstituées, il est hors de question d’investir ; de lire que certains grands groupes auraient augmenté de 30% les dividendes de leurs actionnaires, en cette année de vaches maigres pour tous les Français. S’il veut continuer sa route avec ses amis socialistes à ses côtés, il va quand même falloir qu’il mette un peu de sel à côté du sucre versé sur ces patrons nouvellement choyés.

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Habile aussi, la philippique, le plaidoyer, l’exorde (je n’en peux plus du mot "anaphore", figure de rhétorique découverte par la presse en mai 2012), pour prouver à ses camarades, qu’austérité n’avait pas sa place dans le lexique gouvernemental, alors qu’hélas, on la frôle, dans toute l’Europe.

Astucieux enfin de saluer Montebourg, discrètement, l’autre ministre polémique de la semaine, Emmanuel Macron, et de détourner aussitôt l’attention par un hommage ardent à Najat Vallaud-Belkacem.

C’est d’ailleurs étrange les emballements collectifs : un ministre de 36 ans, dont personne ne connaît encore le son de la voix, conspué comme un bandit pour avoir travaillé à la Banque Rothschild sous Sarkozy et l’avoir quittée sous Hollande pour un poste sûrement moins rémunérateur. Etrange que de ce brillant sujet, on ne remarque que ces quelques années dans cet établissement bancaire. Alors qu’avant l’ENA, il fit un DEA de philosophie (sous la direction d’Etienne Balibar), qu’il fut durant deux ans, pour l’écriture de son livre, l’assistant de Paul Ricoeur, un des philosophes contemporains, spécialiste de phénoménologie, homme de gauche et de morale. Non, dans l’imaginaire socialiste, la case banque l’emporte sur la case philo, comme au Monopoly, sans que les mêmes aient jamais reproché à Henri Emmanuelli un parcours similaire dans la même banque d’affaires. Ah j’oubliais, il avait osé, avant d’être au gouvernement donner une interview sur l’efficacité des 35 heures, vilipendé du coup par ceux-là mêmes qui revendiquent la liberté de parole. Manuel Valls a dû éteindre les brindilles qui fumaient.

On ne sait pas si Manuel Valls aura dissipé les malentendus. Sur une chaîne d’info continue - vous aurez d’ailleurs remarqué l’invitation permanente faite aux "frondeurs" en boucle sur les plateaux télé, parce que la polémique c’est plus amusant que l’analyse - à peine le discours du Premier ministre terminé, on voyait une fois de plus l’un d’entre eux, cette fois embarrassé, ayant visiblement trouvé bon le discours et dont l’intervention entre opposition vigilante et vigilance constructive n’était pas claire.

Les réticences vont perdurer. Elles sont légitimes, non pas au gouvernement, mais dans une majorité qui ne doit pas être caporalisée. Le pari fait par Manuel Valls est que cette politique soit la seule bonne, et les derniers deux ans en ont échaudé plus d’un. Si les résultats ne devaient pas être au rendez-vous, ce beau discours ne serait que vaines paroles et les questions sur le choix de cette politique seraient fondées. On sait aussi que le problème est global : c’est toute l’Europe qui est en danger et doit faire face aux maux endémiques qui la rongent.

Un discours ne fait donc pas le printemps économique. Mais il a le mérite d’être assumé, endossé, porté. En 1983, il ne le fut pas. D’où trente ans de flottement idéologique quand les autres partis sociaux-démocrates d’Europe faisaient leur mue. La Rochelle aura été le Bad Godesberg français, la mise à jour doctrinale que les socialistes n’avaient encore jamais faite.

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