On ne les voit pas, on ne sait pas qui ils sont, mais ils sont là, à l’affût, scrutant chacun de nos actes, chacune de nos paroles, devinant chacune de nos pensées. Ils disposent d’un système infaillible de détection du mal, auquel nul ne peut échapper, quelle que soit l’heure, le jour, le lieu. Pour eux, il n’y a ni 35 heures, ni RTT, ni vacances au soleil. Ils nous surveillent 24h/24, sept jours par semaine, en plein Paris, au fin fond de la Creuse ou à l’autre bout du monde. Pour peu que nous nous écartions ne serait-ce que d’un mot ou d’un geste malheureux de la voie étroite qu’ils ont tracée à coups d’anathèmes, de procès, ou de mises à l’index, ces moines-soldats du bien nous donneront sans hésiter en pâture aux chiens.

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Cette semaine, l’obligation de s’indigner nous est venue par Roland Dumas, avocat sulfureux (vous aurez remarqué qu’un avocat un peu louche – ce qui est souvent un pléonasme -, est systématiquement sulfureux), de gauche comme moi je suis cardinal, chaussures Berluti rouges en plus. Roland Dumas n’est pas très copain avec Manuel Valls, parait-il. Il était ce matin-là interrogé quasiment à la gégène sur BFM télé par JJ Bourdin, le journaliste dont les questions sont tellement pertinentes qu’on en oublie les réponses de l’invité. Sauf ce matin-là, parce que la réponse était dans la question : Valls, d’après Dumas, subissait probablement l’influence de sa femme, juive, une femme au demeurant remarquable. Horreur, malheur ! L’antisémite dévoilé dans toute son impudeur. A son âge, à moiti gâteux, il n’a plus de surmoi, pépère, alors il se lâche. L’info de la journée, en boucle, sur tous les médias. Le chef de l’État, les ministres, les sous-ministres, l’armée, la police, l’éducation nationale, les comités de salut public, tous ensemble contre l’antisémitisme, le racisme et l’islamophobie (oui, maintenant, quand on lutte contre l’antisémitisme, on se doit de préciser systématiquement que l’on lutte aussi contre l’islamophobie, pour que les musulmans ne se sentent pas stigmatisés, ce qui justifierait qu’ils re-dézinguent Charlie Hebdo et l’épicerie Super Casher). Ça a duré deux jours… et on est passé à d’autres indignations, parce que pour que la machine fonctionne, il faut l’alimenter en continu.

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L’indignation suivante, ça a été le noir du métro et les supporters de Chelsea. Des zigs un peu beaucoup imbibés de bière (je les connais bien, j’ai eu affaire à eux il y a quelques années), souvent des laissés pour compte du « welfare » anglais (mais il n’est pas question de leur trouver la moindre excuse, à eux, ce serait le monde de la repentance à l’envers). Certes, ce qu’ils ont fait n’était pas joli joli, mais il n’y a pas eu mort d’homme, même pas de blessure, alors de là à en faire un drame national… jusqu’à une coopération internationale (rien que cela !) de polices qui n’ont probablement pas de criminels plus dangereux à poursuivre. Du délire… mais voulu, pesé, calculé. Les plus salauds, dans cette histoire, n’étaient peut-être pas les supporters de Chelsea, tout compte fait.

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Et puis il y a eu Roger Cukierman. Le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), énonçait benoitement à la radio que les violences antisémites en France étaient le fait exclusif de jeunes musulmans, et non pas de Marine le Pen, laquelle faisait preuve d’un comportement irréprochable vis-à-vis des juifs. Une évidence, auriez-vous répondu, si on vous avait posé la question, hé bien vous auriez eu tort : votre réponse aurait été constitutive d’un délit d’islamophobie, doublé d’un délit de négationnisme de la nocivité du Front National. Ce que vous êtes autorisé à penser est que Cukierman est un vieux con rattrapé par le gâtisme, qu’il ne faut pas faire d’amalgame, ne pas stigmatiser les musulmans, et que le véritable ennemi, c’est le Front National, porteur d’idées nauséabondes et héritier de partis qui ont couvert la France d’opprobre et de honte.

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Il y aurait bien eu la possibilité d’une quatrième indignation, et nos nouveaux « lanceurs d’alertes » (nouveau nom des délateurs, collaborateurs et autres miliciens abrités par le journal « le Monde ») commençaient déjà à se frotter les mains, c’est la profanation du cimetière juif de Sarre-Union. Mais là, les jeunes, pourtant souchiens (bingo !), se sont avérés au choix crétins congénitaux ou antifas (je penche pour les deux à la fois). Et l’indignation polémique, déjà toute prête, est tombée à l’eau…

Et c’est ainsi que petit à petit, de polémiques journalières en indignations hebdomadaires, de lois mémorielles falsifiant l’Histoire en lois circonstancielles effaçant la Mémoire, ils ont posé sur la France la chape de plomb de la bienpensance bienfaisante, et transformé les Français en moutons bêlants, tondus, et assez cons pour dire merci.