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Victoire nationaliste en Corse : un signal d’alarme civilisationnel envoyé au continent

, par  Polémia , popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Drapeau-corse

FIGAROVOX/TRIBUNE – Pour Paul-François Paoli, la victoire des nationalistes aux législatives en Corse est le signe d’un éloignement progressif entre la France et l’île, qui refuse de continuer à faire partie d’un pays qui rejette sa culture et son histoire et renonce peu à peu à la maîtrise de son destin.

♦ Paul-François Paoli est chroniqueur littéraire au Figaro et essayiste. Il est l’auteur de Quand la gauche agonise (éd. du Rocher, 2016).

Le moins que l’on puisse dire est que la Corse ne partage pas la macronmania ambiante. Au-delà du caractère cocasse de la présence de députés nationalistes à l’Assemblée, militants dont l’idéologie conteste l’existence même d’une représentation nationale à laquelle ils participent désormais, on doit se poser la question de ce que cette élection révèle.

Deux états de choses à notre avis. La première leçon est que dans cette région de moins de 350.000 habitants la sensibilité politique dominante est depuis longtemps « identitaire ». Identitaire version Marine Le Pen, qui est arrivée en tête au premier tour de l’élection présidentielle devant Fillon. Identitaire aux législatives de juin avec les nationalistes.

La Corse, où le même individu peut voter tour à tour FN ou nationaliste, illustre à sa manière une des intuitions du grand sociologue italien Pareto qui fut un des auteurs de référence de Raymond Aron. Les idéologies sont une faible réalité à la surface de nous-mêmes. Nos choix politiques fondamentaux sont affectifs. A cet égard, le microcosme corse témoigne d’une fracture avec le continent qui va très au-delà du clivage mis en évidence par Christophe Guilluy dans La France périphérique. Certes, la Corse, de par son caractère excentré, son fort taux de chômage et sa faible activité économique appartient bien à la France périphérique, mais ce n’est pas tout.

La Corse est en rupture de ban symbolique avec l’Hexagone. Pour beaucoup, les Corses n’éprouvent plus le sentiment d’avoir une communauté de destin avec la France, contrairement à moult Antillais ou Réunionnais. Si nous nous permettons de généraliser d’une manière que d’aucuns trouveront abusive c’est que la société corse est suffisamment modeste sur le plan de la densité pour être homogène sur celui de la sensibilité. La Corse refuse de se conformer à l’idéologie d’une Europe bruxellisée à la construction de laquelle les nationalistes ont d’ailleurs contribué, ce qui n’est pas une de leurs moindres contradictions.

Les Corses, catholiques sur le plan des rituels, ne veulent pas d’un islam visible en Corse ; c’est la signification du vote Le Pen aux présidentielles. Ils ne veulent pas non plus de l’exhibitionnisme des minorités LGBT. On n’imagine pas une Gay Pride à Ajaccio bien que l’homosexualité soit acceptée dans l’île. Les Corses ne supportent qu’un seul communautarisme : le leur. Que révèle ce phénomène ? Une angoisse d’ordre anthropologique : celle du déracinement. Peu nombreux, les insulaires éprouvent la hantise de la dissolution dans un monde multiculturalisé où les groupes humains, sous prétexte de métissage, ont tendance à perdre leur caractère. « Nous, les Turcs, nous ne ressemblons qu’à nous-mêmes , disait Mustapha Kemal, le père de la Turquie moderne. En Corse comme partout où il perdure, le sentiment d’identité est moins lié aux « valeurs » qu’aux mœurs. Ce sont les mœurs, autrement dit les normes et les coutumes, qui fabriquent le sentiment communautaire et non les « valeurs ». On choisit dans une certaine mesure ses « valeurs », on ne choisit pas les normes et les usages qui constituent une société insulaire comme la Corse.

La Corse est un pays, ce n’est pas un espace. C’est une terre avec laquelle les Corses ont un lien puissant car ils y enterrent leurs morts. C’est ce lien avec leur propre pays que les Français urbains, pour beaucoup, ont perdu. L’idéologie néolibérale et l’islam procèdent d’anthropologies opposées. La première magnifie les droits de l’individu, l’islam ceux de la communauté. Cependant la dynamique du Marché comme celle de l’Ouma sont fondées sur un espace ouvert qui ignore peuples et frontières. Cette dynamique, les Corses la refusent d’instinct. Ils pressentent obscurément que cet aspect de la mondialisation risque de détruire ce qui reste de l’identité de leur pays.

C’est ici que la Corse adresse un signal angoissé aux continentaux : vous qui nous reprochez parfois de « prendre le large », êtes-vous encore un peuple, une nation ? Et à quoi bon appartenir à un pays, qui, à moult égards, ne s’appartient plus ? Où est passé le peuple français quand 57 pour cent des inscrits viennent de s’abstenir ? Ce pays, où un musulman a pu torturer et tuer une vieille femme juive (Sarah Halimi) en criant Allah Ou Akbar sans provoquer l’indignation des indignés professionnels, ne ressemble-t-il pas, d’ores et déjà, à celui que décrit Houellebecq dans Soumission ? Ce pays, où une histrionne, Houria Bouteldja pour la nommer, peut déclarer son mépris des « sous-chiens » (Français de souche) sans provoquer de réactions politiques notables, est considéré comme d’ores et déjà perdu par bien des Corses qui ne sont pas tous nationalistes, tant s’en faut. N’a-t-il pas d’ores et déjà cessé de s’appartenir pour beaucoup de Français « périphériques » qui se réfugient dans l’abstention ?

Pour l’instant, l’action intelligente d’Emmanuel Macron agit comme un baume sur un pays qui a été humilié par la présidence de Hollande. Mais ce baume ne pourra pas soigner les plaies d’un peuple dont le chef de l’Etat flatte la diversité, ce cache-sexe du communautarisme, concept anglo-saxon qui est en train de faire faillite outre-Manche. A quoi fera-t-on croire que les militants LGBT à qui Macron a envoyé un tweet de félicitations au lendemain de la Gay Pride et les musulmans qu’il a salués le 25 juin lors de la rupture du jeûne forment une communauté de destin ? Les Corses, pour beaucoup, ne veulent pas de ce destin-là. Voilà la signification du vote identitaire en Corse.

Paul-François Paoli
3/07/2017

Source : Le Figaro.fr – Figarovox, 3/07/2017

Voir en ligne : https://www.polemia.com/victoire-na...