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Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?

, par  NEMO , popularité : 4%
NJ-Ile de France

Je suis allé voir « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? ». Je vous avoue que ça ne m’enchantait pas plus que ça, d’avoir à supporter les pitreries de Christian Clavier, mais bon, d’un autre côté, contribuer à faire exploser la fréquentation d’un film que les ligues de vertu antiraciste vouent aux gémonies ne pouvait que m’inciter au don de ma personne.

Hé bien figurez-vous que je me suis bien amusé. Peut-être un peu (beaucoup) prévisible, mais dans l’ensemble, ça se laisse regarder. Clavier n’en fait pas des caisses et on rit de bon cœur, sans attraper une crise de cerveau… Sauf que, quand on y réfléchit, il se pourrait bien que derrière ce petit film pour tout public, il y ait en « subreptice », comme aurait dit Audiard, un message beaucoup plus profond qu’il n’y parait... et peut-être même à l’insu du plein gré de ses auteurs.

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Je vous en fais juges, en commençant par le résumer, pour ceux, de plus en plus rares, qui ne l’auraient pas encore vu. C’est une comédie qui décrit les tribulations d’un notaire de province, cossu, il va se soi, et de son épouse catholique pratiquante et mère au foyer - comme cliché de la France profonde, on fait difficilement mieux. Ce couple modèle de notables franchouillards a élevé quatre filles, dont les trois premières, à leur consternation, sont mariées à un juif, un arabe et un chinois. Il ne leur reste plus que la benjamine pour espérer un mariage à l’église de Chinon… et leurs vœux vont être exaucés, à un détail près : le futur marié est bien catholique pur sucre mais… Noir [1] ! Annonce de la bonne nouvelle aux parents (des pères aussi peu enthousiastes du côté couleur que blanc), aux sœurs et aux beaux-frères, préparatifs du mariage, incidents de parcours et happy-end. C’est drôle, généreux, un vrai conte de fées, quatre princesses blondes, quatre princes de la diversité, des reines aimantes et des pères nobles. Un film gentillet, antiraciste, ode à la fraternité des peuples et militant contre la guerre ?… Pas sûr, en définitive.

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Que le notaire soit raciste, normal, il est blanc, franchouillard etc…, mais qu’on montre avec complaisance qu’on peut être raciste et noir, ou jaune, ou arabe, ou juif, ça, pour les combattants de l’antiracisme, c’est insupportable. Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes : il n’y a que les « blancs » qui ont le droit d’être racistes !

Et puis il y a le passage éclair d’un prétendant issu du terroir, « élevé au grain », fils de notable, bon catholique, grandes écoles, et, comme par hasard, trader à New York pour le compte de fonds de pension ! Et moche, en plus. Le prototype du Français tel qu’on aime les détester, études financées par le contribuable, qui s’expatrie pour faire du fric sur le dos des pauvres, et pas n’importe où, à Wall Street, le repaire de Moloch… Après cela, le Noir passera comme un suppositoire… D’autant plus facilement que lui, et ses beaux-frères, donnent plutôt dans le genre modèle pour Benetton que réclame pour Emmaüs, qu’ils sont homme d’affaires (un peu raté, pour le juif, humour !), avocat pour l’arabe (re-humour, il fréquente certes les tribunaux, mais pas comme prévenu), banquier pour le chinois (les chinois n’ont pas d’humour), et comédien qui monte, pour le Noir (trouvez tout-seuls où se trouve l’humour de situation).

Ce sont donc quatre « métèques » mâles qui épousent quatre « Françaises »… Tiens, tiens… Des couples mixtes, mâles d’origine « communautaire » et femelles de souche indigène, j’en connais un certain nombre. Mais l’inverse, des femelles d’origine communautaire avec des « Gaulois », vous en connaissez, vous, autour de vous ? Moi, non.

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Alors voilà ! Et si le fond de ce film n’était pas le triomphe de l’amour rédempteur qui transforme les racistes en parangons de tolérance, les faux méchants en vrais gentils, et les rapiats en prodigues ? Parce que ce que ce film met en évidence, peut-être sans l’avoir recherché, ce qui donne encore plus de force à la démonstration, c’est que ce qui oppose les humains, ce n’est pas tant la couleur de la peau, la forme des yeux ou leur profil, que les incompatibilités culturelles et sociales  ! Pourquoi croyez-vous que le notaire et son épouse finissent par accepter la diversité de leurs gendres, et les gendres par s’accepter entre eux, si ce n’est parce que tout ce joli monde baigne dans le même milieu ? Notaire, avocat, banquier, les affaires, le spectacle, on arrive toujours à s’entendre. Imaginez une seule seconde que le fiancé de la fille du notaire ait été éboueur, en plus de Noir, quelle tache, hein ?

Et il y a autre chose, dans ce film, qu’on abordera sur la pointe des pieds : pourquoi « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu », au lieu de quatre filles, n’aurait-il pas mixé ou inversé les sexes, ou au moins évoqué un début d’idylle entre la sœur noire du fiancé et un blanc, par exemple ?… Et si la réponse était que notre société occidentale, prétendument si intolérante, serait la seule, en acceptant que ses femmes, gardiennes symboliques du temple de la fécondité, fassent des métis, à se ficher en réalité de la prétendue pureté de la race… ?

« Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu » serait alors la confirmation (involontaire) que le racisme n’existe pas, du moins chez nous (et chez les autres non plus, d’ailleurs) ? Mais c’est que ça en ferait, du monde, au chômage et privé de combat contre la bête immonde !

[1pour ceux qui trouveraient que la ficelle est un peu grosse, je connais, dans mon entourage, une famille dont les trois filles ont épousé un Coréen, un Guinéen et un Marocain, et je vous jure que c’est vrai