“ ORAN !
« Oran !… » Fut le cri
Du Marquis de Santa Cruz A la vue de ton abrupte baie.
Et ce fut une prière : Celle de ta Vierge dressée
Par une guirlande fidèle, Dévote, rassemblant
Les flancs de ta montagne.
Face au vent du Nord, Qui détrempe la Sainte
De nuages de larmes Que ramène la nuit,
Tu mêles la mémoire et les songes.
Tu crois en une France, grande, Qui ne sut te rêver,
Ni te dire, enfin, Si ton père fut ce Maure,
Cet inquiet Levantin, ou ce héros d´Alsace.
Tant d´hommes sont venus
Sur le flux de l´Histoire, Portés sur tes rivages,
Libres de leur misère Et fuyant le passé.
Leurs familles ont semé Pour tisser leurs coutumes
Une langue nouvelle.
Que de croix ont plantés Les journaliers rompus
De soleil, Pour qu’enfin le désert
Pût se faire verger ! Et que d´enfants perdus,
Drapés dans la Bannière, Plutôt que regretter
Leurs espoirs entêtés !
Tu connais ce tonnerre
Que gardent tes entrailles, Et qui sut mettre en fuite
Jusqu’aux plus valeureux. Tu ne crains la mer brave,
Ni les soleils brûlants Que tu offres assagis
Aux enfants des rivages, Qui dressent sur tes plages
Mille châteaux d´espoirs fous.
Mais un Homme est venu, Aux desseins malhonnêtes,
Ajoutant à la Guerre une haine de plus, Et, à la Vierge, là-haut, encore plus de blessures.
Alors, les patios se sont tus
Où bruissait la guitare. Tes places se sont fanées
Où pleuraient les fontaines Des rendez-vous manqués.
Puis ton Histoire niée D´amours et de labeurs.
Sur les quais de douleurs, Sonnent alors déchirantes
Les sirènes du départ : Les vivants, vers leur sort incertain,
Les morts, vers le sûr infini.
Tu es ce que nous fûmes, Et ton cœur bat en nous
Malgré l´oubli de tous. Prie toujours pour les tiens,
Oran, Oran, ma ville sacrée.
Carlos Galiana Ramos (*)
(*) Traduit de l´original en espagnol « ¡Orán ! » , inclus dans le livre « Españoles en Argelia – Memoria de una Emigración » de Juan Ramón Roca, par Marie-Hélène Carbonel