Il a osé répondre, à une marocaine qui lui demandait des papiers, qu’elle ferait mieux de retourner chez elle, qu’il n’avait déjà pas assez de travail à offrir aux Français, pour ne pas s’encombrer en plus d’étrangers. La préférence nationale sans le FN, en somme !

Imaginez une seconde Sarkozy tenant un tel discours, au temps de sa splendeur. Un tsunami médiatico bien pensant l’aurait submergé ! Un tombereau, une avalanche d’injures xénophiles et d’indignations vertueuses. Mais pour Macron, calme plat. Une vidéo, la plupart du temps sans commentaire, ou alors sur le temps qu’il faisait et l’endroit où ça se passait, ça n’engage à rien, on ne se mouille pas. Au point où on en est, le président jupitérien qui nous honore de son règne annoncerait demain qu’il va rendre obligatoire l’écriture inclusive et faire euthanasier les inutiles (ceux qui ne sont rien et les retraités qui ne sont pas grand chose) que personne ne protesterait. Même les députés insoumis ne s’aventureraient pas pour si peu hors de leur logement social. Macron aura réussi en quelques mois à anesthésier la Gauche, la Droite, les médias, les intellos, les gauchos et les bobos, et à finir de dégouter le populo de la politique et des politiciens.

Mais ce n’est pas de cela que je veux vous entretenir. Je suppose qu’en entendant Macron vous avez cru rêver… Et vous avez commencé à vous dire : finalement, il en a dans le pantalon, le jeunot. D’accord, il a accusé la France de génocide en Algérie, ce n’était pas malin, mais c’était une erreur de jeunesse. Là, il ose. Il fait le job. Il dit ce qu’on pense, il va enfin s’occuper de remettre le pays à l’endroit. Alors, même si de temps en temps, sa fougue juvénile le fait déraper, finalement, si ça se trouve, ça va être le président qu’il nous fallait.

Décidément, vous êtes d’incorrigibles naïfs ! Croyez-vous sérieusement que Macron, élevé au biberon de la bienpensance mondialisée, va du jour au lendemain mener une politique qui serait le contraire de ce que ses prédécesseurs et lui-même ont conduite depuis Giscard ? Qu’il va fermer les frontières, ou au moins les filtrer ? Qu’il va prendre à bras le corps le problème de l’Islam en France, au risque de perdre les voix des musulmans ? Macron, c’est de la parole verbale, et un culot d’acier ! Ses prétendues réformes, moralisation de la vie publique, droit du travail, réduction de la dette publique, c’est du pipi de chat. Si Macron a saisi l’opportunité de l’interpellation d’une sans-papier marocaine (à moins que ça ait été un scénario bien monté, et l’on apprendra que la dame est en réalité comédienne dans le civil) pour montrer sa détermination à lutter contre l’immigration clandestine, c’est parce qu’il y a un bénéfice à en tirer.

Et ce bénéfice, comme toujours, il est électoral : les augures politiques sont tous persuadés que le Front National est mort depuis la prestation calamiteuse de Marine le Pen entre les deux tours des présidentielles. Il y a plus de 10 millions de voix à récupérer. Voix pour lesquelles aussi bien Macron que tous les candidats à toutes les élections sont prêts sinon à tout, du moins à beaucoup. C’est pour cela que les trois candidats à la présidence de l’UMP, y compris Mael de Calan – qui a pourtant publié un réquisitoire anti-FN- se proclament irrévocablement favorables à une immigration contrôlée, à la reconduite dans leur pays d’origine des illégaux, et à une lutte à mort contre « l’islamisme radical ».

Mais alors, me direz-vous, pourquoi avoir remis en selle Marine le Pen avec cette histoire plus que louche de fermeture des comptes du FN à la Société Générale, pour en refaire une victime de « l’establishment » ?
Je me suis effectivement posé la question. Voilà mon avis, et il ne doit pas être loin de la vérité. Marine le Pen aurait dû, comme je l’ai écrit dans une tribune Marine le Pen doit partir !, quitter le FN après les présidentielles. Le FN aurait certes été en crise, mais avec un socle solide de plus de 10 millions d’électeurs, il avait les moyens de se reprendre, bâtir une véritable stratégie populiste affranchie des utopies « Philippotistes », et se donner un leader débarrassé de l’héritage Le Pen.

Marine le Pen est la meilleure assurance du système en place. Tant qu’elle sera là, le FN ne franchira pas le "plafond de verre". D’élection en élection, il continuera à perdre des électeurs de plus en plus découragés, jusqu’à se dissoudre dans le nirvana… en 2022, par exemple.