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L’école ? C’est moins de savoir et plus de loisirs pour l’élève

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Boulevard Voltaire a souhaité partir à la rencontre de certains acteurs de cette rentrée scolaire. Qui ne pensent pas tous comme Vincent Peillon… David Barbaud est directeur de Scolaria Excellence, un internat indépendant laïc en Mayenne.

David Barbaud, vous avez été professeur d’histoire et de théâtre pendant 25 ans. En 2012, vous avez quitté l’Éducation nationale pour créer votre propre structure scolaire. Pourquoi ?

Cette décision est le fruit de quatre années de réflexion et de constatations sur la pratique de mon métier. Le fait déclencheur fut pour moi la généralisation des « grilles de compétences » au collège. Casser le thermomètre en assumant le remplacement progressif de la note par un jargon jugé moins « discriminant » ne sauvera pas les élèves de la déroute. Je suis parti quand je me suis aperçu que nous, les professeurs, n’avions plus aucun poids dans le système. Lorsque, dans un conseil de classe de troisième, le principal fait passer d’autorité en seconde six élèves qui ont obtenu une moyenne de 5/20 en français, maths et histoire-géographie malgré les protestations des professeurs, il ne faut pas s’étonner des récriminations de nos collègues de lycée qui reçoivent de tels « cadeaux ». L’ensemble du système est biaisé. Le collège unique est à bout de souffle : on fait redoubler des élèves qui ont 9/20 de moyenne parce que l’institution veut leur laisser une chance, mais on fait passer des élèves qui ont 4/20 pour s’en débarrasser plus facilement après la troisième. Allez faire comprendre cela aux redoublants !

Concernant les élèves, quelle évolution avez-vous vue en 25 ans ?

J’ai eu la chance d’échapper de justesse à la réforme Haby qui a créé le collège unique. Lorsque, deux ans après mon bac, je suis revenu dans mon lycée rendre visite à mon professeur d’anglais, celui-ci sortait d’une dépression terrible. Il venait d’expérimenter les premières générations de la réforme. En tant que professeur, depuis quinze ans j’ai vu se modifier la composition des classes. On est passé de deux ou trois « cancres » à parfois la moitié d’une classe en situation d’échec. Bien sûr, que les enfants de professeurs se rassurent, il existe toujours des classes protégées profitant d’options fortes, mais au détriment de classes « poubelles » ingérables. Le collège unique est un leurre absolu. Les élèves ne lisent pas les consignes et sont incapables de se concentrer plus de 5 minutes sur un thème. Ils sont le fruit de la culture zapping. Le détricotage continu des programmes est à l’image de cette nouvelle société.

On parle beaucoup du « malaise des professeurs ». Pensez-vous qu’il est lié à ce que vous venez de nous exposer ?

Les professeurs charismatiques s’en sortent tant bien que mal, les autres sont balayés. La plupart de mes collègues souffrent de ne se voir pratiquement jamais soutenus par leur administration. Une collègue poursuit son chef d’établissement pour harcèlement moral parce qu’elle a le malheur d’enseigner « à l’ancienne » : rigueur, exigence, sévérité, notions que l’administration traduit par « discrimination ». J’ai voulu moi-même instaurer un système de classement dans mes classes pour encourager les élèves à progresser, avec un système de tuteurs et de bonus. Les élèves faisaient tout pour passer du bas vers le haut et les parents applaudissaient. Ma hiérarchie m’a interdit de poursuivre l’expérience, jugée « traumatisante et stigmatisante ». Beaucoup de mes collègues se réfugient dans leur matière et s’isolent. Ils sont impitoyablement remis à leur place par la nouvelle génération de principaux qui exigent « projets et initiatives collectives » qui vont tous dans le même sens : moins de savoir et plus de loisirs pour les élèves.

Quel conseil donneriez-vous à ces professeurs en quête « d’autre chose » ? De rejoindre les écoles indépendantes, dites hors contrat, comme celle que vous venez de monter ? N’est-ce pas un peu risqué ?

J’ai reçu au moment de la création de mon école des dizaines de coups de fil de professeurs regrettant de ne pas avoir eu le courage — peut-être l’inconscience — de partir et de créer leur structure. Renoncer à un statut de fonctionnaire protégé n’est pas chose évidente. Il faut accepter de voir son salaire au mieux baisser de moitié. Pour ma part, j’engage les professeurs ne supportant plus le système à me rejoindre afin de créer les conditions d’un renouveau scolaire en France.

Pouvez-vous nous dire brièvement sur quels points vous mettez spécialement l’accent dans votre établissement, tant du côté des élèves que des professeurs ?

Le but — ambitieux — était de créer un collège-lycée à la campagne, à l’abri du stress et de la violence de certaines villes ou quartiers, avec internat et uniforme scolaire, à l’image de certaines écoles anglo-saxonnes. À la fin du primaire, les élèves doivent savoir lire, écrire, compter, calculer et disposer d’une culture générale solide. Le collège suit chaque élève et l’amène au plus haut de ses capacités avec des classes passerelles (remédiation, relais). Les professeurs peuvent avoir des parcours très différents mais tous ont la volonté pragmatique de faire réussir leurs élèves en leur inculquant les bases d’un savoir classique. Au lycée, nous proposons un cycle long (4 ans) et un cycle court (3 ans), selon les besoins des élèves.

Voir en ligne : http://www.bvoltaire.fr/david-barba...