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Jawad est relaxé, mais il n’en a pas fini avec la justice

, par  Nathalie MP , popularité : 5%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Par Nathalie MP.

Ainsi donc, Jawad Bendaoud a été relaxé. C’est ce qu’a annoncé (mercredi 14 février 2018) Isabelle Prévost-Desprez, la Présidente de la XVIème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris au terme d’un énorme procès très médiatisé qui a rassemblé pendant trois semaines quelque 140 avocats, 650 parties civiles et trois prévenus : Jawad Bendaoud, Youssef Aït Boulahcen et Mohamed Soumah.

Enjeu du procès : ces hommes savaient-ils qu’ils avaient participé (à des degrés divers) à l’hébergement de deux terroristes du 13 novembre 2015 – dont l’un des cerveaux présumés des attentats – afin qu’ils échappent à la police ?

Le logeur de Daesh

Le sort de Jawad Bendaoud retient plus l’attention. C’est en effet celui que la France entière a découvert avec stupeur devant les caméras de BFMTV comme le « logeur de Daesh » peu après l’assaut donné par le RAID dans la foulée des attentats du 13 novembre 2015. C’est celui qui est rapidement devenu la risée du web tant ses déclarations « angéliques » – « on m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service » – tranchaient avec ses habitudes de petit trafiquant sans foi ni loi et son casier judiciaire lourd comme du plomb (vidéo, 01′ 24″) :

Jawad est aussi celui qui a persisté dans une attitude de pitre irresponsable pendant tout son procès. Entre autres anecdotes très intéressantes sur un rat amateur de fromage qu’il aurait croisé lors de sa mise à l’isolement à la prison de Fresnes, il a cependant gardé le cap sur sa parfaite innocence, allant même jusqu’à déclarer :

Je préfère prendre six ans et que la vérité soit faite plutôt qu’être relaxé et toujours être pris pour un menteur, être interrogé dans la rue.

Il semblerait cependant qu’il ait accueilli sa relaxe avec beaucoup de démonstrations de joie. Poursuivi pour « recel de malfaiteurs terroristes », il risquait six ans de prison et le procureur avait finalement requis quatre ans ferme contre lui. Le parquet a d’ailleurs fait immédiatement appel de la décision de la cour, décision qui a été diversement appréciée par la classe politique , l’opinion publique et les parties prenantes.

Une vie de délits

Interpellé dans le tribunal par un blessé du Stade de France : « Jawad, tiens-toi à carreau ! », il lui a crié en retour : « C’est fini, je ne fais plus rien, je te jure que je me range ! » On peut toujours l’espérer, mais sa condamnation pour blessures mortelles (qui lui a valu 5 ans de prison de 2008 à 2013) ainsi que ses 13 condamnations depuis sa sortie de prison en 2013 ne parlent pas en sa faveur.

Sa vie est une succession de délits au quotidien allant du trafic de drogue à la détention d’armes en passant par des violences aggravées, des faux et usage de faux, de la conduite en état d’ivresse et des violences conjugales. Même le squat qu’il a loué aux terroristes ne lui appartenait pas.

Il en a pris possession de façon parfaitement sauvage quand les détenteurs officiels (des marchands de sommeil du quartier) ont perdu l’autorisation de louer. C’est dire l’état de décomposition sociale qui règne dans ces quartiers.

L’individu semble perpétuellement instable et immature, complètement inconscient de la gravité de ce qu’il fait ou de ce pour quoi il est jugé. Totalement insensible à la souffrance des autres, il semble s’imaginer que ses capacités d’amuseur public lui permettront de se tirer d’affaire à tous les coups.

Si l’on doit évoquer une forme de laxisme à son endroit, c’est sans doute plutôt dans son parcours judiciaire avant les événements de novembre 2015.

Pas de preuve de sa culpabilité

Mais dans le cas précis que Mme Prévost-Desprez et ses assesseurs avaient à juger, autant l’instruction préalable que les audiences n’ont pas permis d’apporter les preuves qu’il savait à qui il avait affaire.

Il ressort assez clairement qu’il avait des doutes dont il s’est ouvert à un salarié d’une pizzeria du coin – « ils veulent seulement de l’eau et un coin pour la prière » – mais il est assez concevable que ses activités douteuses tant dans la drogue que dans la location de son squat le poussent à se montrer le moins curieux possible.

La cour, qui n’a pas manqué de souligner la vénalité de Jawad ainsi que sa médiatisation pendant le procès, y compris au détriment de sa défense, a donc prononcé une relaxe, pas par gentillesse pour lui, mais simplement parce que :

Il n’est pas prouvé que Jawad Bendaoud a fourni un hébergement à des terroristes (…) afin de les soustraire aux recherches.

Des complices condamnés

Notons d’ailleurs que les deux autres prévenus, moins pitres et moins médiatisés, donc moins présents dans l’esprit du public, ont été condamnés pour leur part à cinq ans de prison contre quatre requis (Mohamed Soumah) et quatre ans dont trois ferme contre cinq requis (Youssef Aït Boulahcen). Pour eux, la cour a acquis la certitude qu’ils connaissaient la « qualité » de terroristes des hôtes du squat et qu’ils les ont aidés en toute connaissance de cause.

Bien que présentée partout comme une énorme surprise, la relaxe de Jawad n’en était pas vraiment une pour qui avait accès au dossier et suivi tout le procès. L’un des avocats des parties civiles, Gérard Chemla, a expliqué hier sur France Info qu’il avait prévenu ses clients dès avant la lecture du jugement que la cour pourrait trouver le dossier trop faible pour condamner Jawad, leur recommandant de ne pas donner plus d’importance à ce procès qu’il n’en avait.

La justice n’a pas dit son dernier mot

D’une part Jawad Bendaoud a attiré tous les projecteurs sur lui pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec sa participation à l’affaire ; et d’autre part, si ce procès est le premier qui se tient à propos des attentats du 13 novembre 2015, il n’est qu’un procès annexe où comparaissaient des prévenus qui, selon les termes de Gérard Chemla :

n’étaient pas dans la boucle avant le 13 novembre et qui vont éventuellement intervenir à partir du 16 novembre (2015) (…)

La justice n’a cependant pas dit son dernier mot à ce sujet puisque, comme je l’ai signalé plus haut, le parquet a fait appel. Les parties civiles pourraient également déposer des recours. Un nouveau procès aura donc lieu, qui permettra peut-être d’éclaircir les points restés obscurs. Jawad n’en a pas tout à fait terminé avec l’institution judiciaire.

Triomphe de l’état de droit

Mais dans l’état actuel des choses, je trouve finalement rassurant de constater qu’en dépit de la forte médiatisation de l’affaire et en dépit de la pression d’une opinion publique légitimement bouleversée par les attentats que nous avons vécus en 2015 et 2016, l’État de droit a fonctionné.

Je trouve rassurant de constater que dans notre pays, on est jugé pour des chefs d’accusation précis et seulement ceux-là, même si l’on est par ailleurs un vulgaire petit malfrat particulièrement déplaisant – et à ce titre, il n’est pas impossible que la justice ait à se mêler à plus ou moins brève échéance des affaires de Jawad.

Je trouve rassurant de voir la justice agir dans le calme et le respect du droit, à l’écart des émotions et des préjugés.

Je trouve rassurant de voir que le doute bénéficie aux accusés. L’inverse constituerait une grossière inversion de l’esprit de justice.

Alors, laxisme ou justice ? Je pense, mais vous l’avez déjà deviné, que justice a été rendue, compte tenu des informations, des expertises et des témoignages dont disposait la cour. Ça ne fait pas de Jawad un ange.

— 

Sur le web

Cet article Jawad est relaxé, mais il n’en a pas fini avec la justice est paru initialement sur Contrepoints - Journal libéral d'actualités en ligne

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