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HOMMAGE A RENE MAYER par Denis Fadda

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Cher René Mayer, bien cher ami,

Vous êtes né à Tunis d’une famille originaire de l’Est algérien et plus loin encore du Grand Duché de Bade.

Dans l’Est algérien, votre famille a contribué à la fondation d’un village, Nechmeya, en 1853, puis d’un second, peu après, le village de Penthièvre (aujourd’hui Aïn Berda) dont vos ascendants ont toujours été les édiles.

Vous racontez merveilleusement cette histoire familiale dans un ouvrage, d’ailleurs primé, que l’on ne peut quitter une fois qu’on l’a ouvert, et qui n’est pas sans rappeler « Le Premier Homme » de Camus. Camus – est-ce une coïncidence ? – est né dans un village, Mondovi, créé cinq années avant celui de votre famille, et qui n’en est éloigné que de quelques kilomètres. Penthièvre, comme Mondovi (Solférino dans le Premier Homme) se trouve, en quelque sorte, sous le regard de Saint-Augustin dont la basilique qui lui a été consacrée - édifiée à Hippone sur une colline que cet esprit universel aimait à parcourir - domine la plaine de Bône (aujourd’hui Annaba). Que de beaux héritages pour vous ! Bône où sont nés aussi, entre autres, le Maréchal Juin et André-Louis Dubois, dernier Résident général de France au Maroc, comme l’avait été avant lui Alphonse Juin.

Dans « Algérie : Mémoire déracinée », vous évoquez vos ancêtres badois, menacés dans leur liberté de religion et leur sécurité, que d’habiles agents de l’Administration française qui, en ces temps-là, parcouraient le pays de Bade, avaient facilement convaincus de tenter la grande aventure algérienne.

En famille – les célibataires n’avaient pas droit au voyage - ils ont passé le Rhin dans de lourds chariots tirés par des boeufs. A Marseille, ils ont embarqué sur un paquebot mixte, le « Province d’Oran » qui, navigant surtout à la voile, a rejoint la côte africaine après trois longs jours de mer.

L’approche du navire en rade de Bône a été saluée par trois coups de canon. Bon
nombre d’habitants de la ville ont gagné le port pour accueillir les nouveaux arrivants. Sur le quai, une fanfare les attendait. Vous décrivez cela : « Juché sur une courte estrade, un envoyé du préfet prononce à l’intention des nouveaux colons, une brève allocution de bienvenue. Pour la plupart, ceux-ci n’entendent rien à son discours. Mais en pénétrer le sens ne constitue pas pour l’instant leur préoccupation
majeure. Le long du quai, un lourd charroi militaire, où se mêlent des prolonges d’artillerie et quelques mulets les attend. Chaque véhicule porte en évidence sur ses flancs un numéro peint à la chaux (...) qui désigne chacun des lieux de destination affectés aux nouveaux colons ». Ainsi commence la grande et difficile aventure algérienne de votre famille qui verra mourir la moitié des siens dès la première année.

Votre aventure personnelle – la vie est toujours une aventure, n’est-ce pas ? - est bien différente, encore qu’à votre façon, vous êtes aussi un pionnier.

Vous avez écrit ce très bel ouvrage auquel je viens de faire référence, et aussi « Français d’AFN, ce qu’ils sont devenus » mais vous en avez écrit bien d’autres, fort distincts, tels que « Féodalités ou démocratie ? » , « La rencontre de l’ingénieur et du philosophe », « Gagner du temps sur le temps », « Information et compétitivité », « Pour une stratégie de l’information » ; livres qui nous rapprochent plus des hautes fonctions que vous avez exercées tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

En effet, après avoir été intégré en 1944 dans la 1ère Armée - vous serez officier d’artillerie - et au sortir de la classe préparatoire du lycée Bugeaud, la si fameuse « Taupe Arabe », qui a formé tant de grands esprits, dont un prix Nobel de physique, vous êtes entré premier à Polytechnique et êtes sorti major de votre promotion dans le corps des Ponts et Chaussées. Vous deviendrez d’ailleurs, plus tard, et pendant plusieurs années, président de l’Association des ingénieurs des ponts et chaussées ; vous serez président de section au conseil général des « Ponts ».

Après une mission de deux années auprès du gouvernement grec, pour les Nations Unies, vous êtes de 1964 à 1967 directeur adjoint de l’aménagement foncier et de l’urbanisme au Ministère de la Construction, puis directeur régional de l’équipement de la région PACA ; dans cette région, vous êtes en même temps, administrateur de l’Université Aix-Marseille II et de l’Ecole des ingénieurs de Marseille. Vous serez un peu plus tard conseiller municipal d’Aix-en-Provence.

Directeur général de l’I.G.N, l’Institut Géographique National, de 1974 à 1981, vous êtes celui qui a diffusé dans le grand public les cartes produites par l’Institut, ce dont on ne peut que vous remercier ; vous êtes aussi celui qui a proposé au Gouvernement de lancer le satellite SPOT. Plus tard, vous serez Président de la Commission économique du Conseil national de l’information géographique. Vous serez encore président du Comité du Plan sur les nouvelles technologies de l’information.

A partir de 1980, vous êtes Président-directeur général du Centre scientifique et technique du Bâtiment (le C.S.T.B.) avant de rejoindre, pour un temps, le secteur privé comme Président-directeur général de la Compagnie Boussac Saint-Frères qui, à ce moment-là, était, entre autres, gérante du groupe Christian Dior, du Bon Marché et de Conforama.

Mais ce que je n’ai pas dit, c’est qu’au début de votre carrière, vous avez été pendant cinq ans en poste à Constantine, comme ingénieur des ponts et chaussées, chargé des routes et aéroports, de l’hydraulique urbaine et agricole (et donc chargé du célèbre viaduc de Sidi Rached qui franchit les gorges du Rhummel) et qu’à partir de 1957, toujours en Algérie, vous avez exercé les fonctions de directeur de l’Habitat puis celles de secrétaire général de l’Aménagement du Territoire et de chef du service du plan, le Plan de Constantine, qui a été appliqué de 1960 à 1962. Vous étiez un témoin
et, probablement, le dernier acteur vivant de cette grande entreprise, si mal connue, que fut ce plan.

Profondément attaché à votre terre natale, en 1955 vous vous apprêtiez à lancer avec Allaoua Abbas, neveu de Ferhat Abbas, l’ « Appel de Constantine » lorsque les terribles événements du 20 août vinrent, malheureusement, changer le cours de l’Histoire. Vous avez alors consacré toute votre énergie, nous l’avons vu, au développement économique des départements algériens. Par la suite, vous n’avez jamais cessé d’apporter votre contribution à l’écriture de son histoire, notamment au sein de la commission « Histoire et réalité des faits » du CLAN-R dont vous étiez administrateur.

Bien cher ami,

Merci pour ce que vous avez fait

Merci pour ce que vous avez été. Homme de droiture, de fidélité, un homme d’honneur. A la fois un homme d’action et un homme de profonde réflexion, et vos écrits en témoignent.

Modèle de sagesse, d’ouverture et de générosité, nous vous devons beaucoup.

Voir en ligne : http://clan-r.org/portail/hommage-a...