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Droit de grève ou droit d’emmerder ?

, par  NEMO , popularité : 6%
NJ-Ile de France
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Ils en ont plein la bouche, de « démocratie », « droits de l’homme », « liberté d’expression », « acquis sociaux », « solidarité », « défense de l’intérêt général ». Ils mènent un « combat d’avant garde », pour vous, bien sûr, pas pour eux. Ils font grève, ils manifestent à tour de bras, mais ils ne revendiquent rien pour eux-mêmes, votre seul intérêt guide leur mouvement. Les petits inconvénients que vous subissez -à cause d’un patronat autiste, pas de leur fait-, ne sont rien à côté du bénéfice que vous tirez de leur « lutte ». Et ils ne vous demandent « presque » rien en échange, même pas votre gratitude, seulement que l’Etat paie les pots cassés.
Ah, les braves gens !

Parmi tous ces agents - essentiellement publics -, œuvrant exclusivement pour notre félicité, s’il est une corporation qui détient sans conteste le pompon de l’altruisme pur garanti bio, ce sont les « cheminots ». Depuis bientôt cinquante ans que je bénéficie de l’enviable statut d’usager de la SNCF, il ne s’est pas passé un mois, oui, pas un mois, sinon une semaine sans que quelque part en France des « forçats du rail » ne fassent un rempart de leur corps aux tentatives incessantes de régression sociale hourdies par le grand capital. Ah mes amis ! Quel réconfort de se dire, lorsque l’on est planté comme un con sur un quai de gare un vendredi soir [1] à 3 ou 400 km de sa famille, sans moyen de rentrer enfin chez soi, qu’il y a des gens courageux et désintéressés qui se sacrifient pour nous, alors que rien ne les y oblige et qu’on ne leur a rien demandé.
Devant un service au public d’une telle hauteur morale, qui aurait l’outrecuidance de reprocher à l’Etat de reprendre à notre compte la dette de 50 milliards de la SNCF ? Quel égoïste cynique refuserait de contribuer à financer la misérable retraite des cheminots, que leurs cotisations pourtant confiscatoires ne parviennent pas à équilibrer (et de très loin) ? Les cheminots partent en retraite bien avant les autres travailleurs français ? Sans doute. Mais dans quel état ? Laminés par des cadences infernales, des horaires de négriers, une pression psychologique digne de la stasi, la plupart des jeunes pensionnés de la SNCF quittent quasiment grabataires le service, et il leur faut au moins… quelques jours pour reprendre ailleurs une activité complète, comme, par exemple, pour les frontaliers avec l’Allemagne, se faire embaucher à la Deutsche Bundesbahn - laquelle se paie ainsi à peu de frais des conducteurs parfaitement formés en France et pétant la santé.

Alors le droit de grève, un droit constitutionnel indissociable de la démocratie ? Sans doute, lorsqu’il est exercé par des salariés maltraités par des patrons voyous. Et c’est bien dans ce but que le droit de grève a été institué en 1864 : pour qu’un minimum d’équité s’installe dans les relations sociales. D’ailleurs le dispositif s’est montré efficace, puisque les conflits sociaux durs dans le privé se sont considérablement raréfiés depuis.
Et c’est parce que l’État, dans un régime démocratique, est l’expression de la volonté du Peuple, que l’on a hésité jusqu’en 1950 avant d’accorder malencontreusement ce droit aux fonctionnaires et assimilés, et encore, pas à tous. Comment justifier en effet que des représentants de l’Etat puissent s’opposer par la grève à ce que le peuple souverain a décidé ?

Pourtant, c’est exactement ce qui se passe à la SNCF depuis plus de cinquante ans. Forts de leur position indéboulonnable, de l’impuissance publique, et de l’imbécillité d’une partie de la population qui gobe leurs discours altruistes, les cheminots, profitant paradoxalement de chacune des tentatives de les ramener à un statut plus raisonnable, pour paralyser le pays, sont à chaque fois sortis du conflit en obtenant un chouia de plus (multiplié par le nombre de grèves, ça fait un sacré chouia), et, jusqu’à récemment, le paiement des jours de grève, un comble ! [2]

Le scénario est toujours le même : tentative de réforme, grève préventive, paralysie du pays, négociations sous pression, et fin du conflit en échange de nouveaux privilèges (pardon, acquis sociaux) en faveur des … cheminots ! A ce propos, j’offre un cornet de frites à celui qui me cite une seule grève de la SNCF, même d’une heure, qui ait tourné au seul avantage des « usagers ».

[1maintenant ils se mettent en grève le jeudi, depuis qu’une loi a décidé que toute grève effectuée un vendredi était considérée comme ne se terminant que le lundi matin = 1 jour de grève, 3 jours de salaire en moins, salauds de patrons briseurs de week-end prolongés

[2actuellement, ce qui prime, c’est l’étalement des retenues de salaires sur une (très) longue période, pour que l’effet de la grève ne les pénalise pas trop.