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Déchéance : Valls cherche l’apaisement, le PS la sortie

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Devant les députés socialistes, le Premier ministre a défendu mardi la révision constitutionnelle tandis que les dirigeants du parti espèrent une souplesse de l’exécutif.

Ce coup-ci, il n’y est pas allé pour cogner. Mais tenter d’« apaiser ». Pour la rentrée parlementaire, Manuel Valls est venu mardi matin défendre la révision constitutionnelle devant le groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Et comme les députés n’ont toujours pas digéré le maintien de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français condamnés pour actes de terrorisme, resté au menu du projet de loi constitutionnel, le Premier ministre a rappelé aux députés socialistes les raisons d’une réforme pourtant contre-nature dans la famille socialiste. Preuve de l’enjeu à trois semaines de l’examen du texte à l’Assemblée, la salle du groupe PS, plutôt clairsemée ces derniers mois, était « pleine comme un œuf », selon une députée présente.

Après l’intervention du patron du groupe PS, Bruno Le Roux, lui assurant « le soutien » des députés socialistes, Valls y est allé de ses arguments pour défendre cette révision devant un groupe opposé, dans sa très grande majorité, à la déchéance de nationalité. Rappelant « le choc » des attentats du 13 Novembre et la « parole » du chef de l’Etat devant le Congrès trois jours plus tard, le Premier ministre a de nouveau réfuté toute atteinte au droit du sol et toute stigmatisation des binationaux, rappelant aussi que la France ne pouvait pas créer d’apatrides. Mais il s’est dans le même temps montré « sensible » aux arguments de ceux qui refusent qu’une sanction ne s’applique pas à tous les Français (binationaux ou non) et soulignent que la mesure ne serait en aucun cas efficace pour empêcher des terroristes de passer à l’acte.

« Piège politique »

Valls a ensuite pu mesurer le chemin à parcourir pour convaincre la majorité du groupe de voler au secours du président de la République. « Il y a eu une vingtaine d’interventions et 90% étaient contre la déchéance », fait savoir une socialiste. Et contrairement aux réunions de groupe où on avait l’habitude d’entendre les « frondeurs » monter au créneau contre l’exécutif, la plupart des critiques ont été exprimées ce mardi par des députés toujours loyaux vis-à-vis de Hollande durant ce quinquennat : les ex-ministres Kader Arif et Michèle Delaunay, le porte-parole du PS Olivier Faure, le questeur de l’Assemblée Bernard Roman, le vice-président de la commission des Lois Dominique Raimbourg… Tous ont répété qu’ils ne peuvent accepter, comme socialistes, d’inscrire cette extension de la déchéance de nationalité dans la Constitution. « Cette histoire renvoie chacun à son propre parcours, à son histoire familiale », fait remarquer la députée de Meurthe-et-Moselle Chaynesse Khirouni, hostile à la mesure. « Ils ont sous-estimé l’impact ressenti chez les binationaux et la gauche citoyenne, fait valoir François Lamy, proche de Martine Aubry, qui demande également des « garanties juridiques » sur le terme « atteintes la vie de la Nation ». L’un des seuls à défendre la proposition a été Malek Boutih (Essonne) allant, lui, jusqu’à remettre en cause le principe même de la binationalité.

« Je pense que Valls a conscience que c’est un formidable piège politique que le pouvoir s’est auto-infligé. Et que c’est paradoxalement l’unité nationale qui s’affaiblit le plus dans ce débat », analyse un député. Un de ses camarades se félicite de voir l’exécutif tenter de « trouver une façon d’en sortir par le haut ». Pour éviter de mettre Christiane Taubira en difficulté et provoquer la droite, le Premier ministre a annoncé qu’il portera en personne la révision constitutionnelle devant le Parlement. Le président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, et Dominique Raimbourg ont été mandatés par Bruno Le Roux pour trouver « la phrase » qui puisse convenir à tout le monde. « Rien n’a été tranché aujourd’hui, l’idée était plutôt de laisser mijoter », tempère un observateur du groupe PS. « On devine que ça carbure entre l’exécutif et la commission des lois pour trouver un point d’atterrissage, confirme un socialiste. Mais ils ne veulent pas que le Président soit désavoué et ne veulent pas créer d’apatride. En attendant on n’a pas de solution. »

Exercice d’équilibriste

Un peu plus loin, au siège du PS rue de Solférino, on aimerait aussi trouver une porte de sortie. D’autant que dans les sections et les fédérations, des motions remontent contre la déchéance de nationalité. Devant la presse, mardi, le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis s’est montré « ni aveugle, ni sourd ». « Etant socialiste, je vois les hésitations des socialistes, j’entends des protestations de socialistes mais aussi ceux que cela ne choque pas et qui veulent aller vite », a-t-il expliqué à l’occasion de la présentation de ses vœux pour 2016. Le patron du PS doit nommer un « groupe de travail » pour définir « une position équilibrée » qui a tout d’un exercice d’équilibriste : la « formulation » à trouver doit à la fois « respecte[r] la parole présidentielle », tenir compte « de la parole des socialistes » et « parle[r] à la droite dite républicaine afin que la réforme constitutionnelle puisse être votée par les deux assemblées », a précisé Cambadélis mardi.

En coulisses, des hauts dirigeants socialistes expliquent ainsi qu’il faut « trouver une formule qui se rapproche le plus de celle du Président ». Que les mots « déchéance » et le mot « national » soient inscrits dans la Constitution et que la sanction prive de plusieurs droits des Français sans leur ôter leur nationalité. « Si après ça la droite ne veut pas voter pour une histoire de virgule mal placée, ils iront s’expliquer devant les Français pourquoi ils refusent l’union nationale », veut croire un dirigeant PS. A condition que la droite soit d’accord pour offrir une révision constitutionnelle à François Hollande. Pas gagné.

Lilian Alemagna

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