Le 17 juin 2016

Rapport moral de la Présidente Evelyne Joyaux

L’obligation de tenir chaque année une assemblée générale impose aux membres du conseil d’administration et aux adhérents de faire le point ensemble sur le fonctionnement et sur les moyens mis au service de l’objectif fixé. Il est important que cet objectif soit clairement défini, qu’il le soit de bonne foi, car il constitue l’enjeu du contrat moral qui réunit tous les membres et justifie l’existence même de l’association.

C’est particulièrement vrai pour le Cercle Algérianiste dont la devise « sauver une culture en péril » indique que son action s’inscrit à la fois dans la durée et dans l’actualité.

Cette action, qui doit s’adapter aux circonstances et réagir aux évènements, sans perdre de vue le cap fixé, ne peut exister valablement qu’avec la réalisation de sérieux travaux de recherche et de multiples tâches d’organisation qui demandent un effort soutenu au conseil d’administration et une fidélité active des adhérents.

Un demi-siècle s’est écoulé depuis 1962, date de notre exode. Les Français d’Algérie ont créé de nombreuses associations dont beaucoup existent encore sans que l’apport d’adhérents originaires de Métropole soit vraiment venu compenser l’inévitable disparition des plus anciennes générations « rapatriées ».Une longévité remarquable qui mérite qu’on s’y attarde.

Dès les premières années qui suivirent notre arrivée en Métropole, nos associations furent la cible de journalistes, d’historiens, de responsables politiques et, à leur suite, d’une grande partie de l’opinion publique. On ironisa sur leur nombre, on s’amusa de leurs querelles, on dénonça « le passéisme » de leurs membres et, après avoir infligé aux Français d’Algérie la caricature collective du nom « Pieds-noirs », on abusa du terme « nostalgérie » pour discréditer leurs travaux.

Cette ironie corrosive atteignit son but et en détourna beaucoup d’entre nous. Ces derniers voulurent « tourner la page » afin de ne pas compromettre leur avenir dans une société qui nous était souvent hostile. Malgré ces avatars, ce sont les associations qui permirent de résister à l’effacement programmé de notre histoire en espérant une évolution de l’opinion publique qui, en effet, semble se dessiner aujourd’hui.

Depuis quelques années, un nombre significatif d’intellectuels français changent de pied et cherchent, à leur tour, dans le passé, hier honni, la clé des évènements actuels ainsi que les causes de la crise morale que la France traverse, crise dont certains craignent qu’elle ne soit mortelle.
Certes, en son temps, Paul Valéry nous avait déjà avertis de la vulnérabilité des civilisations. Cependant savoir que toute civilisation est mortelle est une chose, mais « sentir » que la sienne « a la même fragilité qu’une vie » en est une autre.

Eric Zemmour, Elisabeth Lévy, Alain Finkielkraut, Yvan Rioufol, Renaud Camus et bien d’autres… font redécouvrir à leurs lecteurs des œuvres dont nous parlons au Cercle d’Aix depuis des années, comme celles d’Orwell, Camus, Soljenitsyne, Cezslaw Milosz, Péguy, Bernanos, Saint Marc…Nous y avons cherché nous aussi des clés pour comprendre et pour mettre à nu les ressorts des évènements qui avaient conduit à la fin d’un monde et à notre malheur.
Assemblée Générale du Cercle Algérianiste d’Aix-en-Provence

Il suffit de relire nos textes et chroniques, de parcourir les titres des conférences présentées par le Cercle d’Aix durant ces trente dernières années pour reconnaître les thèmes dont on débat si souvent aujourd’hui et dont nous pouvons citer quelques uns :

 La désinformation. Nous l’avons dénoncée :

N’avait-elle pas permis que des dizaines de milliers de Harkis et leurs familles soient massacrés en silence, dans l’Algérie indépendante, et sans réaction du Gouvernement français
N’avait-elle pas permis de minimiser les conséquences dramatiques de l’exode d’un million de personnes en le présentant cyniquement comme un massif départ en vacances,
N’avait-elle pas favorisé l’abandon, en silence, de centaines de Français d’Algérie, hommes, femmes, enfants, enlevés au moment de l’indépendance sans qu’aucun gouvernement ne demande de comptes et sans que l’opinion publique française s’en émeuve.

 La culpabilisation. Nous l’avons dénoncée parce que l’on présenta les « Pieds-Noirs », comme des exploiteurs, les rendant responsables de leur propre malheur et récusant du même coup leurs témoignages sur les évènements qu’ils avaient pourtant traversés.

 Nous avons dénoncé le déni du réel et de sa complexité, en Algérie, où Islam et Occident coexistaient et auquel les intellectuels avaient substitué l’abstraction des concepts, et nous avons dénoncé l’inculture des responsables politiques ignorants des religions, des hommes et de l’histoire.

 Nous avons aussi dénoncé la dérision utilisée comme une arme. La philosophe Chantal Delsol montre aujourd’hui comment la dérision prive les personnes contre lesquelles elle s’exerce de leurs défenses. Plus efficace, selon elle, que la torture des corps, car elle détruit l’âme et « dénude les choses de leur sens » .

Les Français d’Algérie et les valeurs qu’ils défendaient comme le patriotisme, le respect des familles, l’honneur, la fidélité, le courage…n’en ont-ils pas été les cibles privilégiées ?

Ce bref rappel qui souligne une certaine et nouvelle convergence des thèmes traités par notre Cercle avec ceux fréquemment repris aujourd’hui devrait nous rendre plus confiants dans l’avenir. Cependant Il ne faudrait pas que nous péchions par excès d’optimisme. En effet, quelles que soient les analyses de ceux qui se montrent très engagés dans la défense de la civilisation occidentale, le concept de « colonisation » qui s’est substitué définitivement à la réalité de l’Algérie Française se retrouve presque toujours être la référence absolue du mal. Nous vérifions ainsi que les brillantes plumes ne chercheront pas dans une étude approfondie de notre histoire en Algérie une connaissance qui éclaire les voies d’un avenir menacé.

C’est donc à nous que cette tâche revient toujours, quelle que soit la modestie de nos moyens et de nos talents.

En conclusion cette vingt neuvième assemblée générale du Cercle Algérianiste d’Aix-en-Provence nous a permis de rappeler l’action menée malgré les entraves.

Cela constitue un point d’appui pour la préparation de notre prochain programme qui sera centré sur « Les écrits du Courage, les risques et les chances de l’action » ainsi que sur l’approfondissement des rapports entre Occident et Religions.

Rappel des conférences organisées par le cercle Algérianiste d’Aix en 2015

Janvier : « Le Liban » par Maurice Calmein
Février : « Les attentats du 7 janvier. Analyse critique de la présentation des évènements dans les médias » par le Cercle d’Aix
Mars : « Al Andalous » : par Mme Sarah Cournac
Avril : « Algérie Mémoires de femmes » un film de Marcela Feraru
Mai : A.G.
Octobre : « Alger une ville en guerre » : par Frédéric Harymbat
Novembre : « Ne pas subir l’histoire officielle… » par Hélène Martin et Claude Carbonel

Notre présence aux cérémonies :

Le 14 mars 2015 à Béziers pour l’inauguration de la rue Cdt Hélie de Saint Marc
Le 26 mars au cimetière Saint Pierre à Aix pour l’hommage aux victimes de la fusillade de la rue d’Isly
Le 5 juin à Marseille : soutien aux Chrétiens d’Orient
Le 4 juillet : hommage aux victimes du 5 juillet à Oran
Le 15 septembre : participation à l’ASSOGORA
Le 25 septembre à Jouques : cérémonie d’hommage aux Harkis
17 octobre : cérémonie au Mémorial du cimetière St Pierre à Aix
10 novembre : participation au Congrès national Algérianiste à Carcassonne.