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Allocations familiales : plafonner les prestations, oui... mais les cotisations aussi !

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Cette tribune est parue, le jeudi 23 octobre, sur le site du FigaroVox.

Voilà, un couple avec deux enfants gagnant 8.000 euros par mois recevra gracieusement 32,34 euros d’allocations par mois après avoir cotisé via leur(s) employeur(s) pour la politique familiale 5.040 euros par an (5,25% qui pèse sur le salaire au niveau des charges patronales)…

Ce couple avec deux enfants perdra annuellement 1.164 euros avec 96.000 euros de revenu (2.655 euros avec 108.000 euros de revenu). Or, si la cotisation employeur au titre de la famille reste inchangée, la perte revient économiquement à la même chose que si l’impôt sur le revenu des Français concernés était augmenté de… 800 millions d’euros. Soit une augmentation globale du prélèvement au titre de l’IR de 1,1%, concentrée sur les 13% de foyers concernés (le rendement de l’IR attendu pour 2013 étant de 72 milliards, déjà en forte augmentation par rapport à 2012). Imagine-t-on une seconde quelle tempête de protestations s’élèverait si le gouvernement avait choisi la solution d’augmenter (et ce après avoir rogné le quotient familial par deux fois de 2.300 euros à 1.500 euros) ainsi pour certains les tranches du barème ? Et pourtant, c’est la même chose…

Il est amusant de noter que, du côté des agents publics, le sujet du montant du supplément familial de traitement, qui doublonne les allocations familiales, ne semble pas, lui, poser un problème de justice sociale puisqu’il est aujourd’hui proportionnel au revenu (3% pour deux enfants, 8% pour trois, puis 6% par enfant supplémentaire) tout en restant plafonné (484,60 euros mensuels pour quatre enfants). En clair, plus le salaire de l’agent est élevé, plus son SFT augmente… Maintenant, la ministre propose de donner le même supplément familial de traitement, quel que soit le revenu. Cela ressemble étrangement aux allocations familiales telles qu’elles sont versées aujourd’hui (mais sans les cotisations en face).

On peut en conclure que le gouvernement doit renoncer à la réforme qu’il a annoncée, ou admettre que les impératifs budgétaires sont prioritaires et qu’il n’y a simplement qu’à baisser les prestations de façon uniforme pour tous les bénéficiaires.
Mais on peut aussi essayer de prendre le problème autrement :

Les dépenses de la branche famille (hors maternité) sont de 47,9 milliards d’euros par an dont 12,7 milliards d’allocations familiales. Les allocations familiales représentent donc 26,5% des dépenses famille stricto sensu. Déjà, selon l’INSEE, 41% des prestations familiales sont mises sous condition de ressources, ce qui peut s’expliquer s’agissant de prestations comme l’ARS qui a été créée comme un instrument de redistribution autant « verticale » qu’ « horizontale ». Ce n’est pas le cas des allocations familiales qui ont toujours été conçues dans le cadre de la redistribution horizontale. La volonté du gouvernement de mettre sous condition de ressources les allocations familiales n’est pas contraire aux principes constitutionnels, du moins si l’on pense que le Conseil constitutionnel suivrait sa propre jurisprudence, établie en 1997 lorsque Lionel Jospin avait - pendant une période brève – pris une décision semblable. Àl’époque, le Conseil avait en effet jugé que le « principe d’universalité » des allocations familiales ne faisait pas partie du bloc constitutionnel. Ce qui n’empêche pas de penser que sa disparition constituerait une grave erreur.

On peut alors proposer d’instituer un principe consistant à supprimer totalement les allocations familiales des foyers gagnant plus de 6.000 euros par mois en contrepartie d’un plafonnement des cotisations famille au niveau que ces cotisations atteignent pour un revenu de 6.000 euros, soit 3.780 euros. Ainsi, aucun foyer ne verrait ses cotisations dépasser 3.780 euros par an. Cela serait clair et le message serait le suivant : vous gagnez assez pour qu’on ne vous aide pas avec des allocations, mais on vous respecte assez pour vous laisser disposer de vos revenus pour élever vos enfants et donc au-dessus de 6.000 euros, vos allocations diminuent -voire disparaissent- mais vos cotisations sont fixées au maximum de 3.780 euros par couple. Cela demandera d’ailleurs peut-être de ne plus passer par des cotisations mais par l’impôt.

Renoncer à l’universalité des allocations ne sera pas un crève-cœur pour les familles aisées mais demander qu’on leur laisse alors le choix de l’utilisation de ce qu’ils cotisent par an au-dessus de 6.000 euros de revenu va vite devenir une revendication légitime. Le gouvernement et le Parlement ouvrent aujourd’hui encore un peu plus la porte au débat d’après, qui se profile déjà : pourquoi cotiser quand on n’a rien en face ? Pourquoi rester dans la Sécu quand on finance à fonds perdus des droits qu’on a perdus ? Ici se profile une crise beaucoup plus profonde du modèle français…

Mais il faudra certainement en passer par là pour pouvoir enfin évoquer la perte du caractère contributif de notre modèle social et l’exclusion de ses bénéfices de ceux qui sont les plus grands contributeurs (les 10% des foyers les plus aisés paieraient annuellement, selon notre estimation, environ 3,6 milliards d’euros de cotisation famille). C’est un nouveau débat qui s’ouvre et il passera aussi forcément pas la case de la fiscalisation de toutes les aides sociales, car quand on considère un revenu il faut considérer aussi bien les revenus du travail que ceux de la solidarité nationale. On aura alors certainement des surprises quant au montant des aides cumulées sur les foyers fiscaux les plus aidés qui passeront alors pour… aisés.

Voir en ligne : http://www.ifrap.org/Allocations-fa...