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Allemagne : le retour eurosceptique des libéraux

, par  Jonathan Frickert , popularité : 4%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Par Jonathan Frickert.

Annoncée depuis plusieurs mois, la victoire pour un quatrième mandat de l’actuelle chancelière allemande s’est retrouvée dimanche ternie par la poussée des populistes de l’AfD. Alors que les médias européens s’interrogent sur la normalisation du paysage politique allemand, certains réfléchissent à la future coalition et son impact sur la politique européenne.

Une réflexion qui tient dans un acronyme : le FDP, parti libéral mené par le jeune Christian Lindner, fait son retour au Bundestag après 4 ans d’absence dans la chambre basse, signant par la même occasion le changement de paradigme des libéraux allemands vis-à-vis de la politique européenne.

Christian Lindner : l’anti-Macron

Il suffisait de suivre le compte Twitter du plus européen des journalistes français, Jean Quatremer, pour comprendre dès dimanche soir que le principal danger était autant le soutien des centristes européens à la FDP que la droite populiste aux accents wildersiens de l’AfD.

Dans un florilège, le correspondant de Libération accuse tour à tour le FDP de geler « tout approfondissement de la zone euro » et d’être l’incarnation d’une europhobie « light », avant de s’en prendre à Guy Verhofstadt, patron des libéraux européens et fédéraliste éprouvé, d’avoir « abusé de son cépage italien favori ».

Mais que s’est-il passé pour que le centre, pourtant considéré comme l’aile la plus europhile de nos démocraties, soit accusé de favoriser l’euroscepticisme ?

Il faut remonter à l’histoire récente des nouveaux entrants du Bundestag.

L’AfD, grande gagnante médiatique, a été fondée par des libéraux déçus par la politique d’Angela Merkel. Un de ses membres les plus éminents aura été Hans-Olaf Henkel, ancien dirigeant d’IBM et proche de l’école autrichienne d’économie. Pourtant, en 2015, le parti se tourne donc vers une protection des valeurs chrétiennes et axe sa stratégie sur un étatisme teinté d’islamophobie, suivant le mouvement initié par l’extrême droite occidentale.

De son côté, le FDP, longtemps reconnu pour son europhilie, a connu des récentes mutations dans le sens d’une plus grande fermeté européenne.

S’inscrivant dans les pas de la diplomatie allemande de l’époque de Weimar, le parti libéral se revendiqua rapidement comme pro européen et atlantiste, partisan d’une Europe politique approfondie et de l’entrée de la Turquie dans le giron bruxellois.

Pourtant, mis au placard par les élections de 2013, le FDP ne mettra pas trois mois à se trouver un nouveau leader : un jeune entrepreneur du nom de Christian Lindner.

Celui que certains aimeraient dépeindre en Macron allemand est toutefois loin d’afficher les mêmes thèmes, puisque ce dernier est partisan de la sortie de la Grèce de la zone euro et de la reconnaissance de l’annexion de la Crimée par la Russie. Christian Lindner semble bien destiné à devenir l’anti-Macron européen.

Des prises de position qui ne sont rien à côté du coup de grâce de dimanche soir. Allié incontournable de la prochaine coalition, le FDP a déjà annoncé son opposition à toute tentative de budget de la zone euro et donc toute idée de solidarité budgétaire telle que souhaiterait l’introduire le président de la République française.

Si la coalition ne s’annonce pas de tout repos pour le couple franco-allemand, elle témoigne autant d’un retour aux origines du libéralisme allemand que d’un choix d’opportunité électorale.

Aux sources du libéralisme allemand

Le libéralisme allemand est né au XIXe siècle du besoin d’unité nationale et de soutien aux classes populaires, trouvant son point d’orgue dans le Printemps des peuples de mars 1848. Le mouvement libéral se cristallisera dans plusieurs formations, dont le parti progressiste, le parti national-libéral et le parti populaire allemand.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale est fondé le LDP, parti libéral-démocrate d’Allemagne, mais il faudra attendre 1948 et la réunification d’une quinzaine de partis libéraux pour voir advenir la création du FDP.

Ce parti sera alors un des principaux artisans de la loi fondamentale allemande de 1949, encore aujourd’hui reconnue comme modèle de sauvegarde des libertés publiques, posant les bases de l’économie sociale de marché et conciliant sociaux-démocrates et démocrates chrétiens. Le FDP devient ainsi l’étendard de l’ordolibéralisme : « Autant d’État que nécessaire, aussi peu d’État que possible. »

Le mouvement connaîtra une première crise dans les années 1950, où sa tentative de pacification historique suscite l’entrisme d’anciens nazis.

Les décennies qui suivront montreront une oscillation du FDP en force d’appoint, tantôt derrière les démocrates chrétiens, tantôt allié des sociaux-démocrates. Le FDP sera ainsi présent au gouvernement de 1969 à 1998, avant de revenir brièvement au cabinet Merkel II de 2009. Son rôle d’appoint permettra de mettre en exergue la lutte interne entre deux visions du libéralisme allemand :

  • La première, centriste, regroupe les partisans d’un État-providence. Cette vision sera celle qui aboutira à la coalition sociale-libérale du chancelier Willy Brandt.
  • La seconde, droitière, s’inscrit dans un libéralisme économique strict et aboutira à la coalition noire-jaune d’Helmut Kohl.

Or, en 2010, c’est bien l’aile droite du parti qui semble être revenue, durablement, au premier plan. La faute à un contexte européen bouillant. Les défaillances de la zone euro amènent le FDP à refuser de soutenir la participation allemande au plan de sauvetage grec.

L’idée même du Grexit est lancée, depuis largement reprise par le jeune chef du parti. Un ton d’autant plus ferme que le FDP souhaite voir un des siens prendre la succession de Wolfgang Schauble, qui briguerait la présidence du Bundestag.

La rigueur budgétaire n’a que faire des largesses des pays du Club Med et que les bons sentiments fédéralistes sont en l’état incapables de museler.

Le fédéralisme européen contre les libertés

Friedrich Hayek, dans La Route de la Servitude, décrivait parfaitement ce qu’attendent les libéraux du fédéralisme.

Le prix Nobel d’économie 1974 voyait dans ce mode de gouvernance international un moyen de limiter le pouvoir en le morcelant. Il s’agissait alors d’éviter toute centralisation et donc de planification contraire à la liberté. Force est de constater que ce mode de gouvernance n’est pas celui choisi en Europe depuis la fin du second conflit mondial.

En effet, les centristes et libéraux européens ont souvent été de farouches fédéralistes pour des raisons de fond, comme la libre-circulation. Ces politiques, sujettes aux changements de majorité, ne sauraient être pérennisées que si l’organisation qui les édicte dispose d’un pouvoir limité.

L’Union européenne n’est, en cela, qu’un État par-dessus les États, et le fédéralisme budgétaire relève d’un projet étatiste d’ampleur continental, à la manière de son objectif premier : l’union « sans cesse plus étroite » entre ses membres.

S’il a été noté moult fois que la construction européenne reste une construction, artificielle par nature, il n’est pas inutile de rappeler que de nombreux partis libéraux européens sont eurosceptiques, à la manière du parti libéral tchèque Svobodni dont est membre le fondateur du Liberland.

Vingt ans avant Hayek, Mises mettait déjà en garde contre une mauvaise interprétation du fédéralisme international. Pour lui, le fédéralisme destiné à un projet paneuropéen serait tout aussi néfaste que les nationalismes chauvins.

Si certains ont été anesthésiés par l’idée du marché commun, force est de constater que les libéraux allemands se sont réveillés et, par la même, ont compris enfin les enjeux d’une construction qui est loin d’être le garant du droit naturel que beaucoup espéraient.

Cet article Allemagne : le retour eurosceptique des libéraux est paru initialement sur Contrepoints - Journal libéral d'actualités en ligne

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2017/0...