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24 janvier 1960 : les barricades d’Alger

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

En ce début d’année 1960, l’objectif du Président de la république, Charles De Gaulle, est de larguer l’Algérie française.

Il lui faut donc :

1/ Retourner l’opinion publique en France.

2/ Neutraliser l’armée.

Si retourner l’opinion de la population métropolitaine ne présente aucune difficulté, les communistes, les syndicats, la presse dans sa majorité, s’en chargent à longueur d’écrits, d’actes et de paroles. En revanche, neutraliser l’armée devient une priorité pour De Gaulle car la 10e Division Parachutiste, sous la conduite du général Massu, a gagné la bataille d’Alger et bénéficie d’une reconnaissance sans faille des algérois.

Le 19 janvier 1960, recevant à Paris des élus d’Algérie, De Gaulle leur affirme : « L’intégration est une connerie d’ailleurs l’armée ne fait que des conneries ».

C’est ainsi que, recommandé par le Quai d’Orsay, voyage et frais payés par le gouvernement français (cela a été confirmé par M. Messmer devant le Tribunal, lors du procès des barricades) débarque à Alger un journaliste allemand, Hans Ulrich Kempski, dont le but est d’obtenir une interview du général Massu.

Massu se montre très réticent mais cède devant l’insistance de Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement en Algérie.

Lors de l’entretien le général Massu critique vivement la politique algérienne pratiquée par De Gaulle.

Aussitôt Kempski se rend au consulat d’Allemagne, à Alger, afin de mettre en sécurité l’enregistrement et il déclare devant plusieurs témoins : « L’Armée Française est le seul obstacle à une solution correcte du problème algérien mais elle sera bientôt brisée ». (On ne comprendra que plus tard l’importance de ces propos).

Dès la parution de l’article, en Allemagne, dans le quotidien munichois « Suddentsche Zeitung », De Gaulle feint une très grande colère et rappel immédiatement Massu, l’installe à Metz, après lui avoir fourni quelques explications sur le devenir de l’Algérie, et le remplace à Alger par un officier très sûr et loyal, le général Crépin.

De Gaulle sait l’effet que va produire sa décision sur la population et l’armée. Il sait qu’Alger va s’enflammer. Il met en place tous les éléments nécessaires au scénario de son plan et c’est le « clash » très attendu.

Une manifestation est prévue pour le 24 janvier. Elle n’est pas interdite. Il est acquis qu’en évitant tout contact entre les manifestants et les gendarmes tout devrait bien se passer.

Le général Challe affirme : « Je ne suis pas un provocateur, les gendarmes ont reçu l’ordre de ne pas se montrer, sauf si les manifestants cherchent à s’emparer du Gouvernement Général ».

Dès 9 h. la foule (environ 50.000 personnes) arrive en masse, civils, femmes et enfants, avec à leur tête la musique des Unités Territoriales, formées par le rappel des réservistes européens et commandés par Sapin-Lignères.

Vers 12 h. cette foule se disperse afin de se réunir de nouveau en fin d’après-midi, à 18 h.

L’ordre est donné à la 10e Division Parachutiste, en opération en Kabylie, de rejoindre en urgence Alger afin d’encadrer la manifestation organisée dans la soirée. Dès que les parachutistes seront présents sur les lieux du rassemblement l’ordre sera donné aux gendarmes mobiles de dévaler les escaliers du Forum en ouvrant le feu et l’irréparable sera créé : ce sera l’affrontement inévitable entre les manifestants, les gendarmes et la 10e Division Parachutiste, chère au cœur des algérois.

C’est la tactique préparée et organisée par De Gaulle, mais elle ne fonctionne pas comme il le prévoyait.

A l’heure dite les gendarmes mobiles se mettent en place sur le Forum.

Le colonel Debrosse a pris soin de mettre en tête les escadrons recrutés en Algérie afin qu’on puisse exploiter psychologiquement le massacre programmé, sous le même feu, de civils et de gendarmes algérois.

Les manifestants commencent à se disperser et il ne reste environ que 5 à 6000 personnes lorsque le colonel Debrosse donne l’ordre aux gendarmes d’intervenir.

Les malheureux gendarmes ignorent totalement le sort qui les attend.

Alors qu’ils descendent les escaliers du Forum, des CRS mettent en batterie des fusils mitrailleurs sur l’un des murets. Comme cela se passe, et se passera, le plus souvent un coup de feu est tiré et c’est le déclenchement de l’enfer : les Fusils-Mitrailleurs des CRS tirent dans le dos des gendarmes et dans le ventre des manifestants. Les Fusils-Mitrailleurs des Unités Territoriales répondent aussitôt. Des gendarmes s’écroulent. Les manifestants fuient dans tous les sens.

Les évènements se déroulent comme prévus mais voilà, les parachutistes ne sont pas arrivés sur place et la tactique minutieusement organisée a échoué : les paras n’ont pas pu tirer sur la foule comme cela était envisagé.

Quand le 1er REP du colonel Dufour et les paras du colonel Broizat parviennent à destination l’affrontement mortel a cessé et ils ne peuvent que s’interposer entre gendarmes et manifestants afin que le calme revienne.

Le général Challe déclare : « On a voulu me faire un enfant dans le dos ! » mais il ne peut pas croire que ce nouveau coup lui est porté par le pouvoir gaulliste. Il poursuit : « Le général De Gaulle ne veut pas brader l’Algérie, ce n’est pas possible. Si je le croyais, je poserai ma casquette sur la table et il n’y aurait plus de De Gaulle ».

Il lui faudra attendre quelques mois pour qu’il comprenne vraiment !

De Paris, De Gaulle dénonce le « mauvais coup porté à la France ».

Pour la première fois, en Algérie, des français ont tirés et tués d’autres français.

*27 morts, dont 14 gendarmes, et 150 blessés.

Pierre Lagaillarde, récemment élu député d’Alger, dirigeant de l’AGEA (Etudiants d’Alger) et lieutenant parachutiste de réserve, se retranche dans les facultés.

Le FNF (Front National français) dirigé par Joseph Ortiz, ordonne une grève générale.

Une barricade se construit sous les yeux des parachutistes qui ne font rien pour l’empêcher.

Toute la population algéroise et de très nombreux musulmans apportent leur soutien aux « insurgés » des barricades.

Le délégué du gouvernement, Paul Delouvrier, ne sait pas si l’armée lui obéira.

Arrivé à Alger le 26 janvier, Michel Debré, premier ministre, constate avec inquiétude l’union qui se réalise entre insurgés et militaires. Il est informé que l’armée, même si l’ordre lui en est donné, ne tirera pas sur les insurgés.

Le colonel Argoud, ex chef d’état-major du général Massu, ne s’en est pas caché : « De toute façon, si on me donne l’ordre de tirer, je ne l’exécuterai pas. Je donnerai l’ordre à mes subordonnés de désobéir. »

Les officiers des régiments de parachutistes et des légionnaires affirment ainsi leurs désaccords profonds avec la politique envisagée par De Gaulle.

Le colonel Argoud s’entretien avec Paul Delouvrier : « On attend le discours de De Gaulle. S’il est bon tout rentrera dans l’ordre. S’il est mauvais vous serez le nœud de la situation. Si vous prenez la tête de l’insurrection on vous obéïra. Nous, les militaires, nous ne voulons pas le pouvoir, nous voulons l’Algérie française. Si vous ne prenez pas la tête du mouvement on vous neutralisera. »

Dans un premier temps De Gaulle condamne fermement l’action des insurgés, des « usurpateurs » dit-il. : « Il faut savoir en finir avec une affaire comme celle-là. Il ne faut pas avoir peur de verser le sang si l’on veut que l’ordre règne et que l’Etat existe. Donnez l’assaut si c’est nécessaire. »

Mais il n’est pas suivi et devant l’urgence de la situation qui lui échappe, le chef de l’état s’exprime de nouveau : « Comment pouvez-vous douter que si, un jour, les musulmans décidaient librement et formellement que l’Algérie de demain doit être unie à la France, rien ne causerait plus de joie à la patrie et à De Gaulle que de les voir choisir entre telle et telle solution, celle qui serait la plus française ».

Entendant ces phrases les officiers des régiments de parachutistes négocient la reddition des « insurgés » et le 1er février ils sortent des barricades devant l’Armée française qui leur rend les honneurs en présentant les armes au garde à vous. Ils seront incorporés immédiatement dans un commando de la Légion, le 1er REP, à Zeralda, près d’Alger.

Les colonels de ces unités de parachutistes, qui ont fraternisés avec les insurgés : Bigeard, Broizat, Gardes, Godard, Dufour, seront mutés en métropole et le général Challe dirigé vers un poste honorifique.

Ce qu’il faut admettre en toute objectivité c’est que De Gaulle fait preuve ensuite d’une intelligence machiavélique pour tirer un profit maximum de cette opération qui a été un échec pour lui.

La décision qu’il va prendre sera très lourde de circonstances pour la suite de cette « guerre d’Algérie » car, sans elle, il aurait pu en être tout autrement.

Profitant de la situation présente il ordonne de dissoudre les Unités Territoriales.

Il prévoyait, à juste titre, que ces Unités Territoriales pouvaient être, un jour prochain, un appui et un atout considérables dans l’éventualité d’un soulèvement de la population et de l’armée contre sa politique d’abandon.

Ces Unités Territoriales avaient été formées, en 1955, par le rappel sous les drapeaux de tous les réservistes européens de l’armée française mobilisables d’Algérie (jusqu’à 48 ans), soit 200.000 hommes. Rien que dans la ville d’Alger 25.000 hommes étaient affectés au quadrillage et à la surveillance, chargés de la sécurité des quartiers.

C’est ainsi que se réalisa la symbiose entre armée et population et l’union autour d’un même objectif essentiel : « Garder l’Algérie Française ».

Après le 13 mai 1958, les musulmans réservistes avaient également été incorporés dans le 20e bataillon des UT. La zone de recrutement et d’activité qui leur était réservée comprenait la Casbah d’Alger. Placé sous l’autorité des commandants Sapin-Lignières et Grisoni. Leur fanion avait été brodé par des musulmanes de cette même Casbah et le siège se situait rue Scipion.

Au sujet des UT, le général Challe avait affirmé : « Tout seul je peux gagner la guerre et je casserai autant de katibas qu’il le faudra, mais tout seul je ne peux pas gagner la paix. Il faut m’aider à gagner la paix ! »

Il avait décidé, cette même année 1958, la création d’une fédération des unités territoriales et des GAD (Groupes d’Autodéfense composés de 60.000 algériens musulmans volontaires), placée sous le commandement du capitaine Marcel Ronda.

Cette osmose entre l’armée professionnelle, les unités territoriales et la population d’Algérie inquiétait très fortement De Gaulle. C’est l’une des raisons pour lesquelles il avait organisé ce « clash », ce nouveau complot qui venait d’échouer, et dont le but était de dresser l’une contre l’autre l’armée et la population.

Les Unités Territoriales sont donc dissoutes sur ordre de l’Elysée pour avoir pris part à la semaine des barricades.

Jusqu’à présent je ne relate que des faits sur le terrain. Ils sont exacts mais l’on peut me croire ou pas. Il est préférable d’avoir des preuves, n’est-ce pas ?

J’ai assisté, comme chroniqueur judiciaire du quotidien « L’Aurore », du 3 novembre 1960 au 3 mars 1961, à ce procès des « inculpés d’Alger » : Accusés les officiers Gardes, Argould, Joudes, Sapin-Lignères, Marcel Ronda, Sanne et les civils Alain de Sérigny, Jean-Claude Pérez, Lefèvre, Marcel Rambert. Ils étaient défendus par Maîtres Tixier-Vignancourt, Isorni, Goutermanoff et Charpentier.

Lors de son témoignage, le capitaine de la Bourdonnaye affirme : « J’ai arrêté le tir d’un FM qui avait déjà utilisé trois chargeurs. Le colonel Godard l’a vu comme moi et le commandant Allaire également ». Ces deux derniers officiers confirment devant le Président du Tribunal, M.Thiriet, le témoignage du capitaine.

Le colonel Godard précise qu’il y avait non pas un mais trois FM en batterie sur le muret du Forum.

Usant de son pouvoir discrétionnaire le Président Thiriet convoque le général Morin, commandant la gendarmerie d’Algérie, qui témoigne à son tour et déclare que « contrairement aux prescriptions permanentes le colonel Debrosse avait donné l’ordre de prendre des FM. Il n’avait reconnu que le tir d’une rafale par ses gendarmes ».

Lors d’une audience les experts légistes révèlent que sur les 14 gendarmes tués, 9 l’ont été par des balles tirées dans le dos. Des douilles récupérées sur place, par le colonel Godard, permettent de prouver que les munitions qui ont abattues les gendarmes avaient été distribuées quelques jours auparavant aux « auxiliaires du service d’ordre ».

L’accusation, par ordre, se charge de noyer l’incident et les juges acquittent tous les inculpés présents.

L’affaire et le procès des barricades s’arrêtent donc, mais ce n’est qu’une année plus tard, début 1961, lors du « putsch » des généraux, que la décision prise par De Gaulle : la dissolution des Unités Territoriales (250.000 hommes armés), sera déterminante pour la suite des évènements.

En effet, les généraux Salan, Jouhaux, Challe et Zeller auraient alors pu s’appuyer sur cette force entièrement acquise à leur cause, l’Algérie française, venue compléter les régiments de parachutistes et de légionnaires ralliés en soutien dès le premier jour.

Prévoir alors qu’elle aurait été la détermination de De Gaulle, désavouer par son armée et par une partie importante des parlementaires : poursuivre sa politique d’abandon à l’aide de son référendum et des ses « accords d’Evian » ou se retirer devant l’impossibilité d’appliquer l’autodétermination et d’offrir l’indépendance au FLN et à l’ALN, vaincus sur le terrain des opérations ?

(Davantage de détails dans mon livre « J’accuse De Gaulle »)

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Voir en ligne : http://magoturf.over-blog.com/2017/...